D’Hellemes aux Bleus : Varane, l’enfance de l’art

Raphaël Varane - AFP
Il y a les laborieux. Ceux qui patientent des années de travail pour éclore. Et il y a les surdoués. Ceux qui fleurissent en un clin d’œil. Aucun doute, Raphaël Varane se range dans la seconde catégorie. Une trajectoire à la vitesse de l’éclair, tendance la valeur n’attend pas le nombre des années, qui a mené le défenseur central au Real Madrid à 18 ans et chez les Bleus à 19. Plus jeune international tricolore de l’après-guerre à porter le brassard de l’équipe de France, Varane n’en finit pas d’étonner de sa précocité talentueuse. Un vieux briscard… jeune. Mais quid du passé ? L’enfance de son art pointait-elle déjà vers ce trajet express pour la lumière ?
Pour se faire une idée, il faut remonter le fil de son histoire. Voguer de de l’AS Hellemmes, son premier club, dans la banlieue est de Lille, au centre de formation de Lens, là où il a entamé sa carrière pro avant l’envol pour le Real. « On a senti tout de suite qu’il avait un potentiel hors normes, se souvient Christophe Debuyser, son entraîneur à l’ASH de 8 à 10 ans. Déjà, athlétiquement, il était quasiment plus grand que les enfants d’une voire deux générations au-dessus. Ensuite, il avait une frappe de balle au-dessus de la moyenne et une vitesse de course impressionnante. Il avait ce don, on le sentait. Après, le reste, c’est une question de travail, d’acharnement et de sérieux. »
« Un jour, il a fait une transversale de 35 mètres. A 9 ans… »
François Berteloux, actuel secrétaire du club qui a vu évoluer le phénomène à l’époque, raconte une anecdote qui en dit long : « Un jour, il a fait une transversale de 35 mètres. A 9 ans, ce n’est pas donné à tous les joueurs. On était très impressionné. » Doué, Varane ne se repose pas sur ses lauriers. Avec une capacité d’absorption rare. « A 18 ans, il avait cette capacité à appliquer très vite ce qu’on demande à un joueur pro aguerri, pointe Eric Assadourian, son entraîneur à Lens en U19, qui a quitté le club depuis. Sur la moindre parole, il acquiert une certitude de jeu et la met en pratique. Très peu en sont capables d’avoir ça. A l’arrivée, tout ce qu’il fait est simple mais très efficace. Et il le renouvelle neuf à dix fois sur dix. »
Avec cette volonté permanente de franchir des paliers. « C’est un garçon qui écoutait, toujours sensible à sa progression, qui ne se plaignait jamais et toujours régulier dans les performances », précise Georges Tournay, ancien directeur du centre de formation du RC Lens. Sans oublier de cultiver son humilité. « Il était très réservé, confie Christophe Debuyser. Il ne se mettait pas en avant, on ne l’entendait quasiment jamais pendant les séances. Pour son âge, c’était un enfant calme, posé, sérieux, rigoureux, respectueux. C’est en partie ce qui a fait ce qu’il est aujourd’hui. »
« Il n’a jamais fait des choses pour se la raconter »
Et Olivier Bijotat, ancien formateur au RC Lens, d’insister : « Il a un bagage hyper complet mais aussi de la retenue, de la mesure, de l’intelligence, de la réflexion. Malgré son apparition au plus haut niveau, il est hyper zen, détaché par rapport à ce qui lui arrive et aux pressions du milieu pro. C’est une de ses forces principales. » Confirmée par son ami d’enfance Mathieu Duconseil : « jeune, il faisait toujours des choses simples et jamais des choses pour se la raconter. Je l’ai toujours connu sûr de lui, il ne doutait pas trop. Ç’a été vite pour lui mais ça va à son rythme. »
Pas assez vite, en tout cas, pour oublier le passé. « Le jour où il a signé au Real, il m’avait convié à son pot de départ du RC Lens, révèle Christophe Debuyser. Ça faisait peut-être sept-huit ans que je ne l’avais pas vu. Ça prouve qu’il a du respect et qu’il se souvient d’où il vient. » Reste à savoir jusqu’où ira le phénomène. Sky is the limit, comme ils disent.
Martel : "Il n'a pas pris la grosse tête"
Gervais Martel, l’emblématique président du RC Lens, ne tarit pas d’éloges sur Varane : « Il est resté pareil. J’ai eu l’occasion quelquefois d’échanger avec lui par SMS, il me répond assez vite. Même s’il fait des gros matches à Madrid, il est revenu voir ses copains. C’est un gars qui est au top au niveau mental. Il est aussi top au niveau relationnel, il n’a pas pris la grosse tête. C’est déjà un très grand joueur. Ça va être le futur Robert Jonquet ou le nouveau Laurent Blanc.»