Euro 2016, sécurité : ce qu’il s’est passé dans les tribunes de Saint-Etienne vendredi

Des incidents pendant République tchèque-Croatie vendredi à Saint-Etienne - AFP
« Faire rentrer les gendarmes à la 75e minute, ce n’était pas une bonne idée ». Tel est l’avis de témoins des incidents qui ont conduit Mark Clattenburg, l’arbitre de Croatie-République tchèque vendredi dans le groupe D de l’Euro 2016 (2-2), à interrompre le match à la 86e après que des fumigènes et un gros pétard avaient été lancés sur la pelouse. Interrogé sur ces incidents, le préfet de la Loire Evence Richard a estimé samedi soir qu'« il manquait à l'UEFA 150 à 200 personnes, en agents de sécurité, agents de palpation et stadiers pour remplir correctement sa mission ».
« Mais là n’est pas le problème, estime Michel (*), l’un des membres des équipes d’encadrement qui a suivi les faits par liaison radio. Nos équipes à l’intérieur avaient, comme on dit, la main sur la tribune des Croates. C’était plutôt bon enfant entre supporters, qui se faisaient même prendre en photo par les collègues pour entretenir une atmosphère plutôt sereine. »
Car la rumeur courait parmi les autorités d’une potentielle action de quelques fans croates, en conflit avec leur fédération depuis quelques mois. « Cela avait été dit en réunion de sécurité la veille, il y avait un risque entre les 60e et 75e minutes », témoignait, dès avant le match, un acteur majeur de la sécurité du stade. Habitué à encadrer de nombreux matches dans la région Rhône-Alpes, Michel témoigne lui du « savoir-faire » des équipes sur le terrain : « Nos équipes avaient repéré les potentiels fauteurs de troubles. Ils étaient habillés de noir avec bonnets et lunettes de soleil. Nous les avions à l’œil. »
L’incompréhension des "vrais" supporters croates
Et d’un coup, quand la compagnie de gendarmes qui se tenait sous les voutes du stade s’est positionnée devant la tribune, ce fut l’incompréhension. « "Why, Why ?" demandent alors aux stadiers les "vrais" supporters croates, grimés et tous habillés d’un maillot de la sélection, raconte encore Michel. A partir de ce moment-là, une tension palpable a été ressentie sur place. C’est monté d’un degré… » La suite, on la connait : les fumigènes partent sur la pelouse, une bagarre éclate entre fans. Et ce sont les stadiers qui ont géré les incidents en frontal. « Jamais les gendarmes positionnés devant sont venus les aider, regrette encore Michel. Mes collègues se sont débrouillés tout seuls, l’un d’eux a même été légèrement blessé à l’épaule. »
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Une question interpelle alors les "agents terrain". Michel s’en fait l’écho : « Pourquoi avoir, en haut lieu, donné l’ordre aux gendarmes de prendre position sans jamais demander comment cela se passait, en bas, sur le terrain ?, peste-t-il. Je ne dis pas que sans leur entrée, rien ne se serait passé, mais nous gérions la situation, nous avions la paix sociale et clairement, l’arrivée des gendarmes a jeté le trouble parmi les spectateurs. Cela a crispé tout le monde. Et cela a envoyé au "casse-pipe" les collègues. »
Slovaquie-Angleterre lundi soir, nouvel enjeu pour Saint-Etienne
Autre incompréhension des agents, la suite des propos du préfet de la Loire, Evence Richard : « L'entrée des spectateurs a d'ailleurs débuté avec trente minutes de retard, une des portes du stade est restée fermée toute la soirée et 2 000 à 3 000 spectateurs n'étaient pas encore dans le stade au début de la rencontre. » A cela, une explication. « Il devrait savoir qu’il a fallu évacuer une voiture suspecte, ce qui a pris du temps et que cela n’est pas de notre faute », conclut un peu amer Michel.
Alors que se profile la venue des fans anglais et slovaques lundi soir à Geoffroy-Guichard pour la rencontre la plus « redoutée » de ce premier tour dans le Forez, espérons que les enseignements de ces dysfonctionnements seront tirés à temps pour que tout se déroule sans accroc.
* Le prénom a été changé. Ce membre des équipes d’encadrement de l’Euro en Rhône-Alpes, a tenu à témoigner de façon anonyme.