Belgique-Suède: récit d’une soirée d’angoisse au stade du Roi-Baudouin après l’attentat de Bruxelles

Il régnait une atmosphère particulière quand l’arbitre italien Maurizio Mariani a sifflé la mi-temps du match Belgique-Suède (1-1), lundi comptant pour les qualifications à l’Euro 2024. Romelu Lukaku avait répondu sur penalty (31e) à l’ouverture du score de Viktor Gyökeres (15e) mais depuis de longues minutes déjà, les spectateurs scrutaient avec inquiétude les notifications de leurs téléphones. A 19h15, une heure et demi avant le coup d’envoi du match, une homme armé d’un fusil automatique avait ouvert le feu sur trois personnes suédoises, en tuant deux et en blessant une gravement.
La nouvelle, associée à l’incertitude sur l’assaillant, toujours en fuite ce mardi matin, a rapidement fait parcourir un premier vent d’angoisse dans les tribunes du Roi-Baudouin, où se tenait le match et situé à moins de cinq kilomètres du lieu de l'attentat. Certains supporters et journalistes ont bien tenté de quitter l’enceinte quelques instants après le coup d’envoi. Mais ils en ont été empêchés par les forces de sécurité.
"L’atmosphère un peu angoissante s'est installée après 20 minutes de jeu", confie Matthieu Darbas, journaliste sportif pour So Foot et collaborateur de RMC Sport présent au stade. "Des journalistes et supporters ont voulu partir mais ils ont été invités à regagner leurs places."
"Après vingt minutes de jeu, les journalistes et tout le stade ont été au courant de ce qu’il se passait dans les rues de Bruxelles", a-t-il ajouté. "Il y a une situation un peu pesante." Il a fallu attendre la mi-temps pour en savoir un peu plus.
Alors que les quinze minutes réglementaires de la pause s’éternisaient, le speaker a annoncé au public que le match ne reprendrait pas et qu'il ne pouvait pas quitter le stade sans être invités à le faire. D'autant que selon les enquêteurs, la nationalité suédoise des victimes est une "motivation probable" de l'assaillant, d'après sa vidéo de revendication.
"Le speaker a dit que les joueurs suédois ne voulaient pas recommencer, que les joueurs belges étaient solidaires et tout le stade a applaudi", a témoigné Fred Wasseige, journaliste pour VOO Sport et la RTBF sur BFMTV. C’était déjà un bon signe."
Des chants ont retenti dans les tribunes
Dans les gradins, les mines sont alors devenues un peu plus graves et les larmes ont beaucoup coulé sur les joues des supporters suédois, touchés en plein cœur par cette tragédie. Les spectateurs n’ont pas cédé à la panique dans ce climat anxiogène. Plusieurs chants ont ainsi retenti comme "tous ensemble, tous ensemble". Will Still, entraîneur de Reims, également présent au stade et confiné comme tout le monde a, lui, entendu le ‘you’ll never walk alone’ (tu ne marcheras jamais seul). "C’est un peu le flou", a-t-il confié dans l’After. "Tout le monde se regarde un peu dans le noir des yeux en se demandant ce qu’il se passe." Sans paniquer.
"Normalement à l’annonce de l’arrêt d’un match, les gens sifflent mais là tout le monde a applaudi parce que le speaker a bien expliqué que c’était les joueurs suédois qui ne voulaient pas reprendre et que les joueurs belges étaient d’accord avec eux", insiste Fred Wasseige. "J’imagine que c’est cet élan de solidarité qui a fait réagir les 35.000 personnes par des applaudissements."
Sur le bord du terrain, plusieurs joueurs belges comme Olivier Deman et Zeno Debast ont été vus au téléphone en train de rassurer leurs proches. Des réflexes identiques à ceux en tribunes où les spectateurs ont patiemment attendu dans le calme. Les journalistes, eux, étaient confinés en salle de presse.
Après plus de deux heures d’attente et d’incertitude, tout le monde a finalement été autorisé à quitter le stade à partir de 23h47 par la tribune 1 d'abord. "J’attends patiemment pour pouvoir sortir", a alors expliqué Will Still sur BFMTV. "C’est plutôt tranquille, il n’y a pas vraiment d’affolement. C’était à la fois un peu tendu et calme au début mais là ça va. La communication était assez claire, on devait rester dans la tribune. C’était un peu long mais ça va."
Les supporters suédois ont quitté l’enceinte en derniers, escortés par la police jusqu’à leur hôtel. "La police va créer un couloir de sécurité pour que les supporters suédois puissent rentrer au pays en toute sécurité", a précisé en fin de soirée le directeur de la Fédération belge Manu Leroy. L'épilogue d'une soirée d'angoisse.