Affaire Hamraoui-Diallo: ce que contestent les avocats de Diallo

Mourad Battikh, Romain Ruiz et Chloé Redon se sont exprimés devant plusieurs médias ce jeudi au lendemain de la remise en liberté sous contrôle judiciaire de leur cliente Aminata Diallo, suspectée d’avoir commandité l’agression de sa coéquipière du PSG, Kheira Hamraoui, le 4 novembre 2021. La joueuse, actuellement sans club, est "dévastée" après plusieurs jours d’incarcération à la prison pour femmes de Versailles. "Sur le risque de fuite qui aurait justifié son placement en détention provisoire, on a proposé quatre hébergements différents, un cautionnement préalable si le juge le souhaitait, on a donné toutes les conditions possibles, a expliqué Me Redon. Ça paraît fou d'imaginer qu'elle pourrait prendre la fuite alors qu'elle veut se battre et prouver son innocence."
L’incapacité de relier Diallo aux agresseurs et au commanditaire
Les avocats d’Aminata Diallo se sont dits "rassurés" par la lecture approfondie du dossier. Me Battikh a souligné "l'incapacité qu'a l'accusation à relier par un quelconque élément matériel Aminata Diallo aux agresseurs". Le conseil souligne également qu’elle n’a aucun lien avec le commanditaire toujours non identifié. "A la lecture du dossier, les agresseurs disent qu’ils ont été commandités par un individu, explique-t-il. Cet individu, on ne sait pas qui c’est aujourd’hui. Je mets quand même en garde l’ensemble des journalistes et l’accusation sur les raccourcis intellectuels qui pourraient être faits. On sait aujourd’hui qu’il y a un commanditaire/un intermédiaire qui n’est pas identifié. Et le jour où il sera identifié, je voudrais dire à tous ceux qui ont trainé dans la boue, lynché, sali et malmené Aminata Diallo ces 96 dernières heures qu’ils puissent se regarder dans un miroir ce jour-là. Une personne a commandité ça et, factuellement dans le dossier, on n’arrive pas à identifier cette personne: pour qui a-t-elle agi? Dans quel but? Ce n’est pas su."
Il répond aussi aux accusations des agresseurs désignant Aminata Diallo comme la donneuse d’ordre. "Les agresseurs désignent collectivement et individuellement Aminata Diallo, la belle affaire! Ça fait dix mois que l'œil de Sauron est sur Aminata Diallo, c'est très facile pour ce commanditaire de réunir les quatre agresseurs et de dire: ‘le jour où vous vous faites attraper, c’est Aminata Diallo.’ Il faut être prudent dans ce dossier. Du côté de la défense, on prendra tout le temps nécessaire pour prouver l’innocence d’Aminata Diallo."
Une exploitation "exclusivement à charge du téléphone"
Les avocats d’Aminata Diallo ont dénoncé une exploitation "exclusivement à charge du téléphone" de leur cliente qui a tenu des mots très durs et insultants contre sa coéquipière. Mais d’autres prouveraient un ton bien moins véhément. "Les messages qui ont bien voulu être mentionnés dans ce rapport de synthèse - qui a été transmis manifestement à la presse par un biais que nous ignorons – ne sont qu’une partie, assure Me Ruiz. Il y en d’autres qui viennent totalement dire l'inverse. Aminata Diallo a parfois pu ‘protéger’ Kheira Hamraoui ou dire du bien d’elle, sportivement. (…) Elle se compare à Kheira Hamraoui mais aussi à l’intégralité de l’effectif"
Sur la recherche "casser une rotule", Me Battikh répond: "On peut faire dire ce qu'on veut des messages à des extractions de messages parcellaires. On a une exploitation du téléphone très à charge, pour ne pas dire exclusivement à charge. Il y a beaucoup de messages d'amitié pour Kheira Hamraoui. Avant cette agression et cette animosité a posteriori de la garde à vue, il y a une relation d'amitié forte et profonde entre elles, elles sont parties en vacances ensemble à l'étranger. (…) Cette relation d’amitié, vous n’en avez jamais entendu parlé puisqu’il n'y a que des éléments parcellaires, exclusivement à charge contre Aminata Diallo." Les avocats ont demandé l’exploitation complète du téléphone pour déterminer le contexte de la recherche.
Une animosité à "extraordinairement nuancer"
Selon les avocats de Diallo, cette analyse "à charge" des écoutes et du téléphone biaise publiquement la vraie nature des relations entre les deux joueuses. Ils balaient ainsi le mobile qu’aurait pu avoir Diallo de commanditer cette agression sur fond de concurrence. "Le fait que des joueuses de football souhaitent avoir leur place en équipe de France, ce n’est pas un mobile, c’est une réalité pour quasiment toutes les joueuses de football, se défend Me Ruiz. (…) Cette animosité doit être extraordinairement nuancée. (…) Ce sont des choses qui arrivent dans un contexte extraordinairement concurrentiel. Que des coéquipiers puissent avoir des brouilles, tous les jours, toutes les semaines, ça arrive dans tous les sports. Pour un "sale p...", il y a énormément de messages entre Diallo et Hamraoui qui démontrent une entente cordiale. Cette inimitié doit être extraordinairement nuancée."
D’autres pistes pas assez explorées
Les avocats regrettent également la concentration de l’enquête sur leur cliente, au détriment d’autres pistes. "La véritable victime est Kheira Hamraoui mais ce qu’on constate du côté de la défense, c’est qu’il y a une seconde victime: Aminata Diallo, estime Me Battikh. Elle a aussi été molestée le soir des faits et plaquée contre son volant. Le fait que Mme Hamraoui ait été victime ce soir-là ne veut pas dire que Diallo était coupable. (…) Tous les actes d’enquête ont été faits à l’encontre d’Aminata Diallo et il aurait été nécessaire d’explorer d'autres pistes. (…) Il y a des milliers de cotes dans ce dossier et 90-95% ne concernent qu'Aminata Diallo. Il y a une disproportion entre les actes d’enquêtes à l’encontre d’Aminata Diallo et les autres pistes qui auraient pu être explorées à notre sens."
Me Ruiz ajoute: "Il y a eu d’autres actes d’enquête, dont la plupart est parfaitement convenue. Il y a eu un biais extrêmement rapide sur la culpabilité d’Aminata Diallo qui a amené la BRB de Versailles à faire quelques investigations sur d’autres pistes, à notre sens, pour indiquer qu’on a un peu cherché ailleurs."
Les avocats envisagent de contester l'enquête pour escroquerie en bande organisée
Me Ruiz a évoqué les rapports entre Aminata Diallo et Cesar M, son conseilleur officier, cités (mais pas poursuivis, ni entendus) dans l’autre volet de ce dossier sur l’enquête sur escroquerie en bande organisée contre le PSG qu'il envisage de la contester. "L’irruption de ce fameux Cesar dans le dossier a, selon nous, une visée purement procédurale, répond Me Ruiz. Je ne vais pas m'étendre sur les détails techniques et ennuyeux. C'est quelqu'un qui gravite dans son environnement, c'est le conseiller sportif de Mme Diallo. Le fait qu'on fasse les choux gras de cette pseudo tentative d'escroquerie contre le PSG, nous nous réservons le droit de le contester d'un point de vue juridique. Nous avons le sentiment que cette infraction - pour lequel personne n’a été mis en examen – a été placée dans le dossier à des fins purement procédurales."