Euro féminin 2025: où en est le grand chantier de la professionnalisation du foot féminin en France?

Longtemps considéré en avance sur ses concurrents, le championnat de football féminin français ne cesse d’accumuler les échecs et les retards ces dernières années. Si l’OL et ses 18 titres nationaux sur les 19 dernières années reste la locomotive sur la scène nationale et européenne (8 Ligue des champions), le PSG continue sa montée en puissance et le Paris FC s’impose peu à peu comme une valeur montante du championnat, en témoigne sa victoire en Coupe de France cette année.
Sauf que cette avance n’existe plus, et le football français doit désormais courir derrière la concurrence. Dans le sillage d’une équipe de France 10e au classement Fifa et toujours à la recherche d’un premier trophée, le pays n’a eu qu’un seul représentant en Ligue des champions cette saison (le PSG et le PFC ont été sortis en barrage).
Pendant que l’Angleterre surfe sur le succès des Three Lionesses à l’Euro 2022, l’Espagne remercie le Barça d’être une locomotive sur la scène nationale et européenne. L’Italie est passée professionnelle, un statut qu’attend toujours l’Allemagne et que la France a obtenu l’année dernière. "La plus grosse différence concerne l'engouement et la perception des femmes dans chaque pays", affirme Teninsoun Sissoko, défenseure du Paris FC, également passée par le Turbine Potsdam. "Les mentalités commencent à changer, mais les autres championnats sont des années devant nous. Je pense que médiatiquement parlant aussi, elles sont devant nous".
Lancée en juillet 2024, la Ligue féminine de football professionnelle est dirigée par Jean-Michel Aulas. L’objectif: rendre un championnat plus homogène avec l’ambition de devenir l’une des premières ligues européennes. Avec 250.000 licenciées, le foot demeure le premier sport collectif féminin en France et se donne l’ambition de doubler ce chiffre dans les années à venir.
Pour cela, le budget alloué au foot féminin va augmenter crescendo: 9 millions ont été débloqués au lancement de cette Ligue, puis 14 millions de plus ces derniers mois. "Nous avons un engagement d'investissement de 70 millions d'euros sur cinq ans", assure Philippe Diallo. "Pour ambitionner de devenir une des premières ligues européennes", complète Jean-Michel Aulas, fier de pouvoir compter sur Arkema, sponsor principal qui vient de prolonger de trois ans, jusqu'en 2028.
Rendre les championnats attractifs
La saison dernière marquait un premier tournant, avec l’instauration de playoffs entre les quatre meilleures équipes de la saison régulière. Un format loin d’être au goût de tout le monde, notamment à Lyon. À partir de la saison 2026-2027, nouvelle évolution: l’Arkema Première Ligue comptera 14 équipes, contre 12 à l’heure actuelle. L’exercice 2024-2025 a été placé sous le signe de l’attractivité, à commencer par l’affluence dans les tribunes (+50% en première division. +100% en deuxième division). Des affluences qui pourraient encore augmenter la saison prochaine grâce aux montées dans l'élite de deux clubs populaires: le RC Lens et l'Olympique de Marseille.
Le couac de la convention collective
Pour autant, ce discours d'espoir et d'optimisme tenu pendant un peu plus d'une heure se heurte à une réalité économique moins réjouissante. Confrontés à la catastrophe des droits TV, les clubs pros tirent la langue et les sections féminines en font parfois les frais. Comme annoncé le mois dernier par RMC Sport, Le Havre, Reims, Montpellier songent à vendre leur section féminine. Des solutions peuvent venir d'investisseurs, étrangers ou français. "Les investisseurs étrangers apportent une crédibilité sur le plan médiatique, mais quand on a la chance de voir la famille Arnault au Paris FC, Xavier Niel qui investit à Créteil et qui est aussi intéressé par le football féminin, tout comme des fonds d'investissement français également issus de Family Office, c'est à prendre en compte. Dans les semaines ou les mois qui viennent, on va voir émerger des investisseurs étrangers mais aussi français. Le cercle vertueux est lancé", expliquait Jean-Michel Aulas en mai dernier lors du bilan de la première année de la LFFP.
Sauf que beaucoup d’interrogations restent en suspens, notamment en ce qui concerne la convention collective, qui n’a toujours pas été signée malgré une avancée des discussions entre les représentants des clubs, des joueuses et des entraîneurs, alors qu’elle devait être annoncée le 1er mars… 2024. Peu de changements ont donc été observés, à commencer par la rémunération. Faute de convention collective, le salaire minimum est fixé à 1820 euros brut par mois (prévu dans un accord de branche lié au sport professionnel), soit un tout petit peu au-dessus du SMIC (1801,80 euros brut par mois). Exception faite pour l’OL et le PSG, dont certains salaires mensuels atteignent les cinq chiffres (une estimation à 80 000 euros par mois pour la Lyonnaise Tabitha Chawinga, joueuse la mieux payée du championnat). En parallèle, la LFFP met en avant que le nombre de contrats fédéraux a encore augmenté de 30% en un an (20 temps plein en moyenne par club en APL). Mais là encore, c’est insuffisant.
Des projets dans les cartons
Si le sujet de la convention collective "progresse" selon Jean-Michel Aulas, les projets déjà lancés par la LFFP suivent leur cours. Outre l’idée d’une troisième division professionnelle, la création d’une Coupe de la Ligue dès la saison prochaine est dans les tuyaux pour permettre aux équipes qui jouent moins d’avoir plus de matchs. La finale de cette nouvelle compétition aura lieu… à Abidjan (Côte d’Ivoire).
"L'ambition est de remplir un stade de 50.000 personnes pour la finale la saison prochaine", confie encore le président de la LFFP.
La Coupe de la Ligue arrive alors que le Trophée des championnes n’est pas installé durablement dans le calendrier, puisque seulement trois éditions ont eu lieu depuis 2019 (toutes remportées par l’OL, dont la dernière en 2023). "De nouvelles personnes vont apporter leur pierre à l'édifice et vont faire que le championnat va progresser", assure Teninsoun Sissoko. "Le football français a beaucoup d'avenir devant soi. Malgré le retard pris, on va rayonner sur l'Europe. Il y a des clubs comme le Paris FC qui commencent à se stabiliser en haut et à pouvoir titiller les plus grosses équipes. Ça fait un nouveau visage, ça va attirer aussi du monde. De très belles choses vont arriver pour le football féminin, surtout que les clubs de Ligue 1 commencent à investir." Voir l’équipe de France remporter un trophée peut aider le foot français à enfin passer à la vitesse supérieure. Ça tombe bien, l'Euro féminin 2025 arrive.