Fifa : une réélection dangereuse pour Blatter

Réélu, mais contesté
En annonçant son retrait, le Prince Ali bin Hussein a précipité le cinquième mandat de Sepp Blatter à la présidence de la Fifa. Mais le prince jordanien a rempli sa mission. Alors que beaucoup le voyaient se faire écraser, il a envoyé le Suisse au second tour (133 voix pour Blatter, 73 pour Ali sur 206 votants). Une première pour l’éternel boss de la Fifa depuis sa prise de pouvoir en 1998, un désaveu aussi et le signe d’une vraie fronde autour de lui. Un véritable contre-pouvoir, à l’image de la Fédération américaine, déçue par l’issue du vote mais bien décidée « à continuer à tout faire pour qu'il y ait des changements significatifs au sein de la Fifa ».
« Je suis fier que l'UEFA ait défendu et soutenu un mouvement pour le changement à la Fifa, a assuré de son côté Michel Platini. Le changement est, à mon avis, crucial si cette organisation doit retrouver sa crédibilité. » Le président de l’UEFA avait vu juste : le Prince Ali, qui a su rallier tous les candidats (Figo, van Praag) à sa cause, a fait mieux que de la figuration. Oui, Blatter reste aux commandes. Mais il y a quatre ans, il était en terrain conquis (186 voix). Cette fois, c’est clair : même s’il avait de la marge, son pouvoir est véritablement contesté.
Réélu, mais cerné
Jusqu’à présent, son nom n’est jamais sorti du chapeau. Sepp Blatter n’a été cité dans le rapport de la justice américaine visant sept membres de la Fifa, tous arrêtés pour corruption. Mais, comme lui-même n’a cessé de le marteler, les investigations menées autour de l’instance régissant le football mondial n’en sont qu’au début. D’autres révélations pourraient tomber dans les prochains jours. Est-ce qu’elles concerneront Blatter ? Impossible de le dire. Mais, c’est certain, avec un vote aussi contesté et une atmosphère aussi viciée au sein de la Fifa, c’est avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête que Sepp Blatter entame son cinquième mandat. Et un vrai climat de défiance.
« Soit M. Blatter était au courant des actes de corruption, soit, s'il ne l'était pas comme il le prétend, cela signifie qu'il n'a pas les compétences pour diriger la Fifa », a notamment affirmé l’ex-candidat Luis Figo sur sa page Facebook. Sitôt la réélection de Blatter entérinée, le secrétaire général de la Fifa, Jérôme Valcke, a sorti le parapluie. « La Fifa est victime, c'est elle qui a porté plainte devant la justice suisse (l’autre enquête en cours) » a confié le numéro 2 de l’instance mondiale, affirmant que les « Coupes du monde 2018 et 2022 auront bien lieu en Russie et au Qatar ».
Réélu, mais pas convaincant
Son discours, porté essentiellement sur l’émotion, a plu à l’auditoire. Comme son mea culpa : « On me rend responsable de la tempête, oui, d'accord, j'accepte cette responsabilité ». Et son souhait, touchant, de garder son fauteuil : « J’ai envie de rester avec vous ». S’il a marqué un point en rappelant la différence de CV qu’il y avait entre lui et le Prince Ali (« La Fifa a besoin d’un leader fort, expérimenté ») Sepp Blatter n’a pas totalement convaincu. Il affirme que l’instance qu’il défend a besoin d’une évolution et pas d’une révolution, alors que celle-ci est actuellement gangrénée par un scandale de corruption.
A 79 ans, le Suisse prétend vouloir incarner l’avenir (« Ce n’est pas une question d’âge » a-t-il notamment rappelé). Il a eu une pensée pour les petites confédérations et leur manque de poids, ou a encore affirmé sa volonté de créer « un département du foot pro » avec des représentants de joueurs, au sein de la Fifa. Bref, il a ménagé tout le monde. Fait sourire un peu l’assemblée en chantonnant et en comparant les 11 membres de la Fédération océanienne aux héros du film Ocean’s Eleven. Mais il n’a pas convaincu grand monde. Et pas masqué, non plus, son énorme soulagement.