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"Il était tactile, mais...": la sidération du président de l'entraîneur mis en examen pour viols et agression sexuelles

Patrick Lardière, président du club de Saint-Maurice-l'Exil (Isère) - le 14/01/2025

Patrick Lardière, président du club de Saint-Maurice-l'Exil (Isère) - le 14/01/2025 - RMC

TÉMOIGNAGE RMC. Un entraîneur du club de Saint-Maurice-l’Exil (Isère) a été interpellé et mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur plusieurs mineurs. Ce mardi 14 janvier, au lendemain de la révélation de cette affaire, le président du club, Patrick Lardière, livre son témoignage au micro de RMC.

Un club en état de choc. Un entraîneur de Saint-Maurice-l'Exil (Isère) a été interpellé et mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur plusieurs mineurs, a indiqué lundi le parquet de Vienne. Les faits, révélés par des jeunes licenciés du club isérois dont il avait la charge, se seraient déroulés entre 2017 et 2024, a notamment indiqué à BFM Lyon le procureur Olivier Rabot, confirmant des informations du Dauphiné Libéré.

Ce mardi 14 janvier, au lendemain de la révélation de cette affaire, Patrick Lardière, le président du club, témoigne au micro de RMC.

Patrick Lardière, quand avez-vous été prévenu de cette affaire?

J’ai été prévenu par un appel le 24 décembre dans l’après-midi. C’était une maman dont le fils est un U15 et qui avait des gros doutes à la suite d’une réaction un peu bizarre de son fils après un match avec l’éducateur. Ils étaient allés voir un autre match, ce n’était pas un match des U15. Donc elle a questionné l’enfant. Il n'osait rien dire au début. Le lundi, elle voyait que ça n’allait pas du tout. Elle lui a pris son téléphone et elle a vu qu’il y avait des messages à caractère sexuel. Elle m’a appelé tout de suite. On a discuté un long moment. Le lendemain, c’était le 25 décembre, donc je ne l’ai pas vue. Mais je l’ai vue le 26 décembre, physiquement, avec mon président adjoint et la comptable. Elle a ressorti tous les faits. Ça nous a permis de voir les messages dans le téléphone. À la suite de ça, j’ai convoqué l’éducateur le lendemain et on l’a congédié du club. Il nous a remis les clés et je lui ai demandé de ne plus tourner autour du terrain. Je lui ai dit que cette maman pouvait aller porter plainte. Et on ne savait pas tout ce qu’il y avait derrière.

Comment allaient cette maman et son fils?

Le fils, je ne l’ai pas vu. Mais la maman était complètement perturbée. Elle n’en dormait plus, au boulot ça n’allait pas. Elle avait vu que quelque chose n’allait pas, mais elle ne savait pas quoi. Elle était dans l’inquiétude complète.

Quand vous convoquez l’éducateur, vous lui dites quoi? Comment a-t-il réagi?

Dans un premier temps, quand je lui ai dit que j’avais vu la maman et les messages qu’il avait envoyés, il s’est réfugié derrière le fait qu’il était homosexuel et qu’il s’était senti attiré. On a tout de suite coupé court en lui disant qu’on ne jugeait pas ses tendances sexuelles mais que ce qu’on voyait actuellement était pédophile. Un gamin de 14 ans, c’est inadmissible. Il a accusé le coup. Ça a duré environ une heure et on s’est quittés là-dessus. Je lui ai donné comme consigne de ne plus tourner autour du terrain. Après, l’histoire s’est un petit peu su car on avait un tournoi en salle le week-end suivant et ça a un peu fuité. À partir de là, une maman a questionné son fils un peu plus longuement et il a avoué avoir subi des sévices quatre ou cinq ans en arrière.

Quand vous avez parlé avec l’éducateur, est-ce que vous lui avez demandé si ça c’était passé avec d’autres enfants?

Non, on ne lui a pas posé cette question. On lui a posé la question franche "est-ce que tu l’as touché" et il nous a dit "non". L’enfant a confié à sa maman qu’il lui avait effectivement fait des propositions mais que le jeune avait refusé.

C’était des messages très explicites?

Oui, tout à fait. Des messages qui n’avaient rien à voir avec le football.

C’est donc quelques jours plus tard que vous avez de plus en plus de témoignages?

Oui. J’ai eu le premier retour beaucoup plus grave le dimanche soir (29 décembre, NDLR) vers 19-20h. Une maman a questionné son fils et il a avoué avoir eu des sévices avec l’éducateur en question. Je suis allé chez eux et on est allé porter plainte le soir même à la gendarmerie.

Les plaintes commencent à s’accumuler, on en est à sept. Que ressentez-vous en tant que président du club?

C’est déstabilisant. La première pensée est pour les victimes, les jeunes. Après, on s’aperçoit qu’il y a les familles, les parents de ces jeunes-là. L’éducateur avait mis tellement de confiance autour de lui. Parfois, certains allaient voir des matchs chez lui et y dormaient, avec la bénédiction des parents. On a un témoignage le dimanche soir, un deuxième le lundi, un troisième le mardi et ainsi de suite… On ne sait pas où ça va s’arrêter.

Comment était cet éducateur dans la vie?

Il était tactile, parfois à prendre les enfants par le cou etc. Mais on était à mille lieues de ça. C’est quelqu’un de normal. Il n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Il travaille dans la banlieue lyonnaise. Il venait d’acheter un appartement. Et là, tout ça explose d’un coup.

Comment le vit le club?

Ça va, on tient le choc. On est bien entourés. J’ai des messages de soutien d’autres clubs de la région. On est soutenus par notre mairie, le service des sports. On craint un peu la réaction des parents et l’avenir du club. Même si c’est un cas isolé, ça entache le club dans sa totalité. On attend beaucoup de deux associations qui vont venir nous aidés. On met en place une cellule psychologique pour les enfants qui étaient dans sa catégorie, leurs parents et tous ceux qui voudront discuter. On a fait une réunion éducateurs où on était plus d’une trentaine, et on sentait que les gens avaient besoin d’en parler. La gendarmerie m’avait demandé de ne pas communiquer tant qu’il n’était pas interpellé. Il a été interpellé samedi matin (11 janvier, NDLR). À la suite de ça, on a fait un communiqué officiel pour la catégorie et les éducateurs puis pour l’ensemble des adhérents, qui sont un peu moins de 400.

Propos recueillis par Vincent Chevalier