L’OM, Vitinha, Balerdi, Deschamps, Messi… les confidences de Lucho Gonzalez

Que deviens-tu, "El Comandante" Lucho González ?
Je vis au Brésil où j’ai initié ma carrière d’entraîneur, au Ceará, un club du Nordeste, avec une grande histoire. En ce moment, je continue de travailler, d’analyser des matches et j’attends qu’une opportunité surgisse pour pouvoir continuer de travailler.
Tu recherches donc un nouveau projet en tant qu’entraîneur après cette expérience au Ceará, au Brésil, qui s’est achevée en octobre dernier ?
Oui, même si les résultats n’ont pas été ceux qu’on espérait, c’est ce que j’aime: être sur un terrain, être à la tête d’une équipe. Ce sont des expériences toujours bonnes à prendre, qu’elles soient positives ou négatives. On doit bien tout analyser pour s’en servir et continuer dans une ligne de travail. C’est ce que j’aime faire. Je suis un passionné de football et c’est pour ça que je veux continuer.
Je t’ai appelé "El Comandante" mais je sais que tu n’aimes pas trop cela…
C’est un surnom qui a surgi à Porto, lorsque j’étais dans une bonne phase et les supporters, la presse, ont commencé à m’appeler comme ça. Des supporters ont fait un drapeau me représentant [avec la main sur le front, ndlr] qu’ils emmenaient au stade. Et lors d’une convocation avec la sélection argentine, Riquelme a vu ce drapeau, ces images, et, là, ç’a pris une plus grande répercussion. Ce n’est pas que je n’aime pas, c’est juste que je ne pense pas qu’un joueur puisse commander, seul, une équipe. Le foot est un sport collectif qui n’a pas seulement besoin des onze joueurs sur le terrain, mais de tout un groupe de travail qui est derrière. Et bien sûr qu’au cours de ces saisons à Porto ou à Marseille ensuite qui ont été très bonnes et ce surnom est resté.
On a demandé à Eric di Méco et Rolland Courbis, deux légendes de l’OM, de te décrire en quelques motS. "Elégance", "classe"… Ce sont les mots qui te décrivent le mieux comme joueur ?
J’étais aussi un joueur qui n’abandonnait jamais. Parce que je n’étais pas un joueur rapide, véloce physiquement, je faisais en sorte de toujours avoir la lecture du jeu avant de recevoir le ballon. Je pense que ce fut l’une de mes différences au cours de ma carrière. Un entraîneur comme Jesualdo Ferreira (FC Porto) m’a beaucoup appris sur cet aspect, d’avoir une vision de l’ensemble du terrain, avant de recevoir le ballon, de savoir où mes coéquipiers étaient positionnés… J’essayais de faire les choses simplement, en adoptant les concepts des différents entraîneurs rencontrés. Pour moi, le principal c’est de pouvoir passer le ballon à un coéquipier. J’essayais de faire ça, en prenant parfois plus de risques. Quand ces passes étaient réussies, il y avait des éloges ; quand elles n’étaient pas réussies, je prenais des critiques. J’ai aussi eu la chance de jouer avec de grands joueurs, ce qui facilite une carrière. Mais c’est clair qu’à Marseille, j’ai vécu deux ans et demi inoubliables, pour tout ce qu’on a conquis.
Y’a-t-il un joueur dans lequel tu te retrouves aujourd’hui ? Y-a-t-il un "Lucho 2.0 " ?
De Paul, pour citer un Argentin, est un joueur que j’aime bien. A mon époque, je regardais beaucoup Lampard, Gerrard, qui étaient des milieux de terrain box to box qui savaient défendre, jouer dans la surface, frapper de loin… Aujourd’hui, avec les changements opérés dans le football, on finit par perdre ce type de joueur, comme on a perdu le traditionnel numéro 10, qui doit maintenant jouer comme un ailier, partant du côté pour aller dans l’axe. Je pense que l’un des joueurs dans lequel je retrouve le plus de similitudes, pas seulement physiques mais aussi dans la façon dont il joue, c’est De Paul.
Tu as donc aussi la sensation qu’on veut faire des joueurs comme celui que tu étais, les 8, des joueurs toujours plus offensifs ?
Ça dépend du contexte footballistique. Chaque championnat, chaque pays, a encore ses traditions, sa façon de travailler. Mais de nos jours, le joueur doit être très bien préparé physiquement, parce que la dynamique du jeu s’est intensifiée. La partie physique et psychologique influe beaucoup sur le rendement de chaque joueur. On voit encore ce type de joueurs, ici, en Amérique du Sud, on en voit plus. Ça dépend beaucoup de la tactique, de l’idée de chaque pays et de chaque championnat.
Maintenant que tu es entraîneur, c’est quoi, pour toi, le joueur parfait ?
Le joueur solidaire, qui donne tout sur le terrain, qui sait, si les choses ne se passent pas bien techniquement, aller de l’avant, avec détermination, l’esprit du sacrifice. Mais, comme je l’ai dit, ça ne dépend pas que d’un seul joueur. Dans une équipe, il faut un équilibre défensif, où tous doivent collaborer, il faut des joueurs offensifs, des joueurs qui pensent, des joueurs rapides… C’est un ensemble. Tu ne peux pas avoir qu’un seul joueur qui pense et qui ne travaille pas sans ballon. De nos jours, c’est devenu fondamental. C’est pour ça que je dis que le joueur doit être préparé physiquement à tout.
Mai 2010. Victoire de Marseille face à Rennes, avec un but signé Lucho, commenté par Denis Balbir. Ce fut le match du titre en Ligue 1 pour l’OM. Ça te fait quoi de réentendre ça ?
Ça me fait des frissons. Ça m’émeut beaucoup. Ce fut un jour historique. Je me souviens qu’en mars, on avait remporté la Coupe de la Ligue 3-1 (contre Bordeaux) au Stade de France, et le jour suivant c’était la fête, la folie à Marseille. Les supporters présents m’ont dit que si on remportait le championnat, la fête serait trois fois plus grande et qu’on resterait dans l’histoire. Et jusqu’à aujourd’hui, l’affection du peuple marseillais envers moi a beaucoup à voir avec ce qu’on a conquis lors de cette saison, parce que c’était une équipe qui ne remportait rien depuis plusieurs années, depuis 17 ans, si ma mémoire est bonne. Ce fut historique et avoir pu marquer ce troisième but, avoir pu donner cette tranquillité pour qu’on soit champions… Chaque fois que je revois cet extrait, avec ces commentaires en français, ça me procure une émotion très forte, et ce sont des souvenirs que je garderai toujours.
L’OM n’a plus remporté la Ligue 1 depuis 2010 et le dernier titre du club (une Coupe de la Ligue) date d’il y a plus de dix ans. C’est long pour un club comme Marseille. Certains supporters s’en sont d’ailleurs émus, récemment. Comment expliques-tu cette période sans trophées ?
C’est triste. Le pouvoir économique du PSG a marqué une différence pendant plusieurs années mais, sur le terrain, ce n’est pas l’argent qui joue et ce sont 11 joueurs contre 11 joueurs. Marseille a eu de grandes équipes depuis ces années mais qui, malheureusement, n’ont pas pu conquérir des titres. C’est dommage parce que Marseille est la plus grande équipe de France, le plus grand club, avec des supporters qui sont présents quel que soit l’endroit où vous jouez. Et ils méritent d’être heureux, tant ils se sacrifient et sont passionnés pour leur club. Ça me rappelle beaucoup les supporters argentins. Le supporter de l’Olympique de Marseille est très passionné, dans tous les instants. Que l’équipe aille bien ou moins bien, ils remplissent le Vélodrome, idem à l’extérieur. Après, tout dépend des projets, de la chance, mais ce sont des supporters inconditionnels.
Malgré tes six titres avec l’OM, ce ne fut pas toujours facile pour autant. Il y a eu beaucoup de critiques. Ton expérience à l’OM a-t-elle été plus dure que ce que tu imaginais ?
Au début, ce fut difficile, d’abord parce que je ne parlais pas français et que je ne pouvais pas communiquer. Il y avait un Argentin et trois Brésiliens avec moi et Deschamps qui parlait espagnol, mais le fait de ne pas pouvoir communiquer avec tes coéquipiers, c’est difficile… Les six premiers mois ont été très difficiles pour moi, critiques. J’étais la recrue la plus chère de l’histoire du club et beaucoup d’autres joueurs avaient été recrutés. Quand tu es de l’autre côté, tu comprends qu’il te faudra du temps pour que les joueurs se connaissent, pour avoir un fonctionnement comme une équipe, avec des concepts clairs. Les six mois suivants ont été fantastiques, magistraux. On a tout réussi. Mais ça ne s’est pas terminé comme je l’aurais espéré. Je voulais terminer mon contrat. Le le club était entré dans une phase compliquée financièrement et, à ce moment-là, la meilleure décision était de partir, aussi bien pour moi, qui n’avais plus de continuité, que pour que pour le club, pour qu’il puisse équilibrer un peu ses comptes. Je pense que ce fut la bonne décision, mais j’aurais préféré passer plus de temps là où je me suis bien senti après les six premiers mois, où j’ai été traité de façon unique. J’allais dans des endroits, des restaurants, des hôtels, et j’étais vraiment traité comme un roi, juste parce que j’étais un joueur de Marseille, et parce que j’avais conquis le championnat. Ce sont des choses que je n’oublie pas. Encore aujourd’hui, je discute avec des gens présents au club et j’ai très envie d’aller découvrir le nouveau Vélodrome, parce que je n’ai pas encore eu l’occasion d’y aller.
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Didier Deschamps te décrivait comme un joueur de "classe mondiale", lui aussi. Il avait même remercié les dirigeants du club de t’avoir recruté. A l’époque, plusieurs clubs te voulaient, qu’est-ce qui t’a poussé à quitter Porto pour rejoindre l’OM ? Pourquoi avoir choisi l’OM ?
D’abord parce que je pensais que mon cycle à Porto était arrivé à son terme et que je voulais un nouveau défi pour ma carrière. Ensuite, parce que Deschamps m’avait appelé, il ne voulait pas me lâcher, il me disait qu’il voulait que j’aille à Marseille, qu’il venait d’arriver et qu’il voulait être champion. Avec tout ce que Deschamps signifie en tant que joueur et en tant qu’entraîneur, et tout ce qu’il représente à l’OM, il n’y avait aucune chance que je dise non. Et puis, les dirigeants ont aussi fait un effort économique important pour payer le montant demandé par Porto et, pour mon contrat également. Ce fut véritablement un grand "oui" des deux côtés. J’ai aussi choisi Marseille parce que je connaissais le projet qu’ils formaient, leur volonté d’être champions après tant d’années d’attente, et la quantité de supporters qu’ils avaient et continuent d’avoir.
Deschamps a quasi tout gagné comme entraîneur et comme joueur. Toi qui le connais bien, il a quoi de différent ?
C’est un entraîneur exigeant, à 100%, qui arrive aussi à être très proche des joueurs. Lui et son staff parviennent à créer un lien très sain au quotidien. Je pense qu’au-delà de ses connaissances tactiques impressionnantes, il sait comment rester proche de ses joueurs, comment les aider en tant que personnes, comment emmener un groupe de joueurs. Ce n’est jamais facile de faire face à 30 façons de penser différentes et à des cultures différentes. Sa personnalité est très forte et cela fait en sorte que tout le monde le respecte. La façon dont il est éduqué, tout ça fait qu’ensuite sur le terrain ses équipes obtiennent des résultats.
En France, il y a beaucoup de critiques liées au management de Deschamps et à la façon de jouer de ses équipes…
Oui mais malgré toutes ces critiques, il est toujours dans les décisions finales, dans les luttes pour les titres. Il a réussi à faire avec la France la révolution lorsqu’il a fallu la faire, et aujourd’hui, j’ai le sentiment que ce changement est en train de ressurgir. Cela demande du temps, du travail. Mais il me semble que les résultats sont à la vue de tous, lors de la dernière Coupe du monde. Elle fut pour l’Argentine mais elle aurait pu être pour la France, sans souci. S’il continue à la tête de la sélection, cela veut aussi dire quelque-chose… Il y aura toujours des critiques mais, au final, je ne vois pas qui serait à la hauteur pour le remplacer.
Il y avait des moments où tu le trouvais peut-être un peu trop pragmatique, disons "résultadiste" ?
Ce sont les résultats qui commandent dans le football. C’est un entraîneur qui n’a que la victoire en tête. Il veut toujours gagner et il parvient à le transmettre à ses joueurs. A Marseille, on a réussi à assimiler ça. Avec du travail, bien sûr. Il y avait des moments où on savait qu’on n’allait pas perdre, parce qu’il avait une immense conviction de la victoire qu’il parvenait à nous transmettre. Le supporter, lui, au-delà de la victoire, veut voir un bon jeu, un spectacle, et parfois on n’arrive pas à l'atteindre et le plus important est alors de gagner, de remporter les trois points. Ça ne sert à rien non plus d’avoir 90% de possession de balle dans un match et ne pas frapper une seule fois au but. Je pense qu’il a des idées très claires là-dessus. On peut le critiquer sur son jeu, son organisation, mais les résultats sont visibles et il n’y a aucun doute possible là-dessus.
Tu le disais, en 2009, tu étais la recrue la plus chère de l’histoire de l’OM, ce qui n’a pas toujours été facile à assumer. Ton "héritier" est aujourd’hui Vitinha, ex-attaquant du Sporting de Braga. Si tu devais lui donner un conseil, quel serait-il ?
Mon conseil, c’est le temps. Souvent, les supporters ne nous donnent pas ce temps et la presse se met aussi à critiquer, parce qu’on va toujours comparer un joueur avec ce qu’il faisait dans son précédent club. Ce sont beaucoup de changements pour un joueur, même s’il était déjà en Europe. C’est une culture différente, une langue différente, un style de jeu différent, entre le championnat français et le championnat portugais… Tout ça prend du temps. Il y a des joueurs qui s’adaptent plus vite que d’autres. Ça dépend aussi beaucoup de la situation du club, de l’entraîneur, de la confiance qu’il parvient à transmettre au joueur, de s’il a envie de l’exposer ou pas… Pendant que certains disent qu’il est la recrue la plus chère, qu’il a la pression… Je pense qu’il faut qu’il essaie de faire ce qu’il faisait dans son précédent club et qu’il ne pense pas à ce qui se dit, et ce sera plus facile.
Tu connais bien Vitinha ? Penses-tu qu’il va s’imposer à Marseille ?
C’est un joueur très bon techniquement. Il arrive dans un club où il doit être celui qui porte le numéro 9 sur son maillot, un "matador". Mais il a besoin de temps, de connaître ses coéquipiers, ses coéquipiers ont besoin de le connaître. Un numéro 9 vit, bien sûr, de buts et si les buts ne viennent pas, on va commencer à dire que son rendement n’est pas bon. Mais souvent un entraîneur demande d’autres choses à un attaquant, des mouvements pour ouvrir des espaces à ses coéquipiers qui ne sont pas suffisamment reconnus. Il va avoir besoin de temps mais il finira par montrer tout son potentiel. Aussi parce que je ne vois pas Marseille payer autant pour un joueur qui n’en vaille pas la peine. Le temps lui donnera raison.
Y-a-t-il un joueur dans l’OM actuel pour lequel tu éprouves une affection, une admiration spéciale ?
Je continue de les suivre. Parce que je suis Argentin, Balerdi est l’un des joueurs que j’aime le plus. Payet, même s’il n’est plus toujours titulaire, représente beaucoup pour le club. Je m’identifie à ces joueurs. Mbemba qui est aussi passé de Porto à Marseille. Il a eu une très bonne adaptation. C’est dommage pour les derniers résultats, parce qu’ils auraient pu se rapprocher de la première place. Le match contre le PSG a été un coup dur. Même si Paris est premier, une équipe comme Marseille doit lutter jusqu’au bout, jusqu’à ce que mathématiquement le titre soit possible.
Tu évoquais Balerdi. Tu sais qu’il est souvent critiqué, aussi bien par certains journalistes que par des supporters de l’OM. Comprends-tu ces critiques ? Si tu devais lui donner un conseil, quel serait-il ?
Quand les résultats ne suivent pas, bien sûr que les critiques surgissent et il y a toujours plus de critiques envers les uns qu’envers les autres. Il faut comprendre les sacrifices que les supporters font pour être présents à chaque match. Je ne suis pas du genre à donner des conseils, sinon de dire qu’il faut continuer de travailler. Le travail est la seule façon de renverser une situation donnée, même quand ça va bien il ne faut pas se griser et aspirer à plus. Et quand les choses ne se passent pas comme prévues, il faut continuer de travailler, indépendamment de ce qu'on dit, que ce soit positif ou négatif.
Peu de gens le savent mais tu as une origine chilienne, de par ta maman. La star du Chili évolue à l’OM: Alexis Sánchez. Son contrat prendra fin à l’issue de cette saison. Marseille doit-il tout faire pour le garder ?
Alexis est une référence, un leader sur le terrain, très positif. Même s’il n’est plus le même Alexis d’il y a quelques années, parce que les années passent pour tout le monde, c’est un joueur de référence de l’OM d’aujourd’hui. Et bien sûr que j’aimerais qu’il reste au club. Après, l’aspect contractuel, ce n’est pas à moi d’en parler, de dire s’il doit y avoir un effort ou pas. Pour moi, il est une référence dans une équipe comme Marseille et pour tout ce qu’il représente comme joueur, un club géant comme Marseille doit toujours essayer d’avoir les meilleurs.
Lors de ses premiers mots en tant que joueur du Paris SG, Messi s’est dit "surpris" par les supporters du club. Lucho, as-tu été surpris, toi aussi, lorsque tu as appris que Messi allait signer au PSG ?
Je ne l’ai pas été, mais je l’ai été aussi, à la fois. Après que le PSG a recruté Neymar et d’autres grandes figures, on sait que tout est possible dans le football. Ce que je n’imaginais pas, c’est de voir Messi quitter Barcelone. Personne n’imaginait Messi partir du Barça. Et puis, il y a la partie économique, ce que représente la ville de Paris, de pouvoir vivre à Paris, le fait que Neymar soit là, de pouvoir gagner la Champions League que le club n’a encore jamais gagnée… Autant de défis qui se sont présentés à Messi. Je ne suis pas surpris que Messi ait choisi Paris. Au contraire, je pense que c’est pour donner plus de valeur au championnat français. Le pouvoir économique peut faire que n’importe quel joueur puisse vouloir disputer ce championnat.
As-tu été contrarié, en tant qu’ancien joueur de l’OM, de voir Messi signer au PSG ?
Ah ça… (Rires) Je suis un fanatique de l’OM et, bien que pour moi Messi est un Dieu, une référence, s’il y a un match OM-PSG, je veux que Marseille gagne, il n’y a aucune doute là-dessus. Comme supporter de l’OM, je n’ai pas aimé, mais pour être sincère et honnête, il est rare que je sois contre Messi. Il n’y a que lors d’un OM-PSG que mon cœur balancera du côté de Marseille.
Il y a cette fatalité lorsqu’on parle de Messi d’évoquer Cristiano Ronaldo. Pour poser la question différemment: qu’est-ce que Messi a que Ronaldo n’a pas ; et qu’est-ce que Ronaldo a que Messi n’a pas ?
Je pense qu’au moment où les deux ont surgi, l’un a fait du bien à l’autre, la concurrence entre eux a fait que lorsque l’un marquait deux ou trois buts, l’autre voulait en marquer trois ou quatre. Si l’un gagnait en sélection, l’autre le voulait aussi. La concurrence entre eux explique leur succès sur les dix, quinze dernières années, et le fait qu’on ne fait que parler d’eux. J’ai la sensation que pour Messi c’est plus naturel et que pour Ronaldo c’est le fruit du travail, à 200%, physique et mental, des entraînements… Même si depuis un certain temps, Messi a commencé à prendre soin de lui de façon différente. Son physique a changé et je pense que c’est le miroir de Ronaldo. Les deux sont des dieux, deux légendes du football qui resteront à jamais dans l’histoire, et qui nous ont fait voir, à nous qui aimons le foot, pendant quinze ans un football joué différemment par chacun d’entre eux mais qui il n’y pas à choisir l’un d’eux.
Messi poursuit, pour le moment, avec la sélection argentine. Roberto Martínez va annoncer sa première liste vendredi avec le Portugal où il y a des débats pour savoir si, à 38 ans, Ronaldo, qui vient de signer en Arabie saoudite doit continuer d’être appelé en Seleção. Il reste indispensable, selon toi, à la sélection portugaise ?
Je ne vois pas un autre Ronaldo, ni qui peut le remplacer. C’est un professionnel hors pair et je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas être convoqué alors que d’autres le sont. Avoir Ronaldo en sélection, ça signifie beaucoup, c’est un message, pour tout ce que représente la sélection pour les Portugais. Pour les jeunes joueurs qui vont être convoqués, je continue de penser que la présence d’un leader comme Ronaldo est importante. S’il joue ou pas, c’est une question pour l’entraîneur. J’ai beaucoup d’exemples de joueurs argentins qui évoluaient en Chine au moment où ils étaient convoqués en sélection et qui étaient aussi compétitifs que les autres. Connaissant Ronaldo, le professionnel qu’il est, il assumera aussi bien sur l’aspect tactique que sur le côté extra-sportif qui est fondamental.
En janvier 2012, tu retournais au FC Porto après ton expérience à Marseille. Tu es très apprécié par les supporters des Dragons. Tu aimerais retourner, un jour, à Porto, comme entraîneur ou dans un autre rôle ?
Oui. J’ai toujours dit que j’avais vécu six ans et demi inoubliables à Porto, parce que l’affection que j’ai reçue par tous les supporters, de tout le Portugal, a été immense, que ce soit envers moi ou ma famille. Maintenant que je suis entraîneur, j’ai ce rêve, de retourner un jour au FC Porto dans n’importe quel rôle. Aujourd’hui, le club a un grand entraîneur (Sérgio Conceição), un leader, qui représente très bien ce qu’est Porto. Bien sûr que c’est un rêve de retrouver le FC Porto. J’y ai toujours été bien traité et j’aimerais revivre cela.
Une autre personnalité du foot a, comme toi, beaucoup marqué le FC Porto et l’OM: André Villas-Boas. Villas-Boas a le rêve d’être un jour président du FC Porto. Pour l’instant, Pinto da Costa est toujours en place. Mais penses-tu que Villas-Boas serait un bon président pour les Dragons ?
Je pense que c’est une personne qui connait très bien le club, la ville. Il est très identifié, c’est un passionné du FC Porto. Bien évidemment, ne pas penser à Pinto da Costa comme président du FC Porto c’est difficile. Mais on sait que ce jour va arriver. Je pense que tant qu’il sera président, ce sera compliqué de dire qui sera son successeur mais, bien sûr qu’André a une grande capacité. Il se prépare pour la fonction, il passe les formations nécessaires, en plus de l’expérience qu’il a déjà. Il n’y a aucun doute qu’il a la capacité pour être à la tête d’un club comme celui-ci, avec une si grande histoire.
Au FC Porto, tu as notamment eu comme entraîneur Paulo Fonseca qui séduit beaucoup cette saison avec Lille. Il n’a pas eu un passage très heureux au Dragon, mais quel souvenir en gardes-tu ?
J’en garde de très bons souvenirs. Il débutait sa carrière d’entraîneur, même s’il venait de Paços de Ferreira. La grande différence fut justement là: il se retrouvait dans un club totalement différent de ce dont il avait l’habitude, avec un groupe plus important, des joueurs qui avaient déjà conquis beaucoup de choses et ce fut un peu plus difficile pour lui. Mais je me souviens qu’on avait une très bonne relation. C’était une personne très honnête, très directe, franche. Je sentais que c’était un entraîneur qui allait avoir du succès et il l’a démontré là où il est passé ensuite. Aujourd’hui, il réalise une très bonne campagne avec Lille qui joue un football offensif et il fait beaucoup parler de lui.
Tu as eu beaucoup de grands entraîneurs, outre Paulo Fonseca: Marcelo Bielsa, Jesualdo Ferreira, Marcelo Gallardo, Vítor Pereira… C’est une question difficile mais lequel t’as le plus marqué, lequel était le plus "spécial" pour toi ?
J’ai toujours dit que Bielsa m’a fait grandir en tout. Il m’a toujours dit: “Tu sais que tu n’as pas atteint ton plafond. Tu peux donner encore beaucoup plus." Et Jesualdo Ferreira a été comme un père. Dans une phase difficile de ma vie personnelle, au dècès de mon père, au-delà de m’enseigner tout ce qu’il m’enseignait, d’avoir une vision du jeu avant de recevoir le ballon, des petites choses tactiques, de positionnement, en tant qu’être humain il m’a aussi beaucoup donné. Et jusqu’à aujourd’hui je garde une profonde affection pour lui. En ce qui concerne Bielsa, il fait de toi un meilleur joueur, il fait en sorte que tu ne perdes pas ce côté passionné que tu as depuis gamin. Parfois, les joueurs, les entraîneurs perdent la passion lorsqu’ils deviennent professionnels. Bielsa fait en sorte qu’on n’oublie jamais d’où on vient, de ne jamais oublier ce qu’on a dû conquérir pour en arriver là et ce que représente, par exemple, de porter la maillot de l’Argentine ou de sa sélection.
Tu as un tatouage de Bielsa, n’est-ce pas ?
Oui, j’en ai un…
C’est du fayotage, ça !
(Rires) J’en ai un de lui, de Maradona, de Messi… J’ai pris la décision de faire celui de Bielsa lorsqu’il entraînait Leeds et qu’il jouait la montée en Premier League, face à l’équipe de Lampard (Derby County) et qu’il a demandé à son équipe de marquer dans son propre but par fair-play (Leeds avait ouvert le score sur une action litigieuse). Et ça, pour moi, c’était un message pour le monde du football: que la façon dont vous gagnez doit toujours être au-dessus de tout.
Justement, maintenant que tu es entraîneur, tu veux être celui qui joue bien ou celui qui gagne ?
Si je peux être celui qui gagne en jouant bien, je serais un entraîneur à succès… (Rires) Ce que je veux surtout c’est que les joueurs puissent progresser. Si tu fais progresser un joueur, y compris d’un point de vue personnel, si tu parviens à ce que l’équipe veuille être sans cesse meilleure, les conséquences seront toujours positives et les victoires suivront. Aujourd’hui, on analyse beaucoup le résultat et peu le contenu et c’est pour ça que je dis que pour être entraîneur, il faut être passionné, préparé et essayer d’enseigner sur et en dehors du terrain.
Quel va être ton prochain tatouage ?
Je n’ai plus de place ! (Rires) Je devrais en effacer quelques-uns pour en refaire un autre. Je suis bien, heureux, et j’attends un projet intéressant pour faire ce que j’aime le plus, qui est d’être sur le terrain. Ca m’a beaucoup coûté d’arrêter de jouer et aujourd’hui j’aime beaucoup être au bord du terrain et donner des indications.