"Le ciel m’est tombé sur la tête": le témoignage poignant de la mère d'un adolescent victime de l'entraîneur pédophile dans l'Isère

Après le choc, le temps de l'acceptation. Au lendemain de la révélation de l'interpellation et de la mise en examen pour viols et agressions sexuelles sur plusieurs mineurs d'un entraîneur du club de Saint-Maurice-l'Exil (Isère), la maman d'un des adolescents qui a porté plainte a accepté de témoigner, au micro de RMC, de ce qu'a vécu son fils trois années en arrière, alors qu'il avait 15 ans. Tout a commencé le 24 décembre, lorsque le président du club a contacté les membres du bureau pour leur annoncer quelque chose d'important.
"Il nous a dit qu’une maman voulait nous voir pour dire que son garçon était revenu le dimanche très perturbé. La maman a regardé son téléphone qui contenait des messages très suspects de son coach. Nous avons contacté la maman pour lui dire qu’on la recevrait le 26 décembre. Elle nous a montré des messages ambigus, à caractère sexuel. On a demandé à la maman si elle voulait porter plainte mais elle ne savait pas. Son mari n’était pas au courant et elle ne voulait pas le mettre au courant parce qu’elle avait peur de sa réaction", explique-t-elle. Face à l'urgence de la situation, l'éducateur est convoqué le lendemain.
"Avant qu’on dise quoi que ce soit, il nous a dit qu’il voulait arrêter le foot parce qu’il était homosexuel et que l’homosexualité était mal vu. Cet éducateur, c’était comme un fils pour moi. Ce ne sont pas des faits d’homosexualité qu’on lui reproche, c’est de la pédophilie. Il avait un caractère très affirmé, j’aurais aimé qu’il me raconte mais à ce moment-là, il a baissé la tête. J’ai pensé à mon fils, qui était proche de lui. Il l’a eu comme éducateur pendant quatre ans. Je me suis dit que mon fils devait savoir quelque chose", poursuit la mère de famille.
Un secret gardé pendant trois ans
Après plusieurs tentatives, elle arrive à avoir une discussion avec son fils le 5 janvier. Et là, c'est le choc. "Il a baissé la tête et m’a dit 'oui'. Le ciel m’est tombé sur la tête. Je lui ai posé plusieurs fois la question parce que j’avais des doutes. Il allait souvent dormir chez lui, dans le lit de l’entraîneur mais l’entraîneur dormait sur le canapé. Je lui demandais toujours comment ça se passait. Il n’y allait jamais tout seul, il était toujours avec des copains. Il nous a dit ce qu’il s’était passé. Il y a eu agression sexuelle sans pénétration à deux reprises, le soir et le matin." Ce secret, son fils l'a gardé trois ans.
Choquée par ces révélations, cette dernière décide de contacter le président, qui vient le soir même, avant que tout le monde n'aille à la gendarmerie, où sept plaintes ont pour l'instant été déposées par des victimes âgées de 14-15 ans, timides et au physique assez mince. "Mon fils est un garçon bien dans ses baskets, il est libéré et il a mûri. Il m’a dit ‘maman tu as déjà beaucoup de problèmes, je ne voulais pas t’infliger ça. Ça fait trois ans que je vis avec, c’est pour papa et toi que ça me fait de la peine’. Il nous remonte le moral. Depuis, il a contacté les victimes. Il en parle librement mais il est perturbé. Il m’a dit qu’il n’arrivait pas à avoir de la haine, mais de la pitié pour lui. Je m’en veux parce que j’aurais dû le voir. C’est impossible de ne pas voir une chose pareille. C’est dur d’en parler. Il est très prévenant avec moi. Il a pris son temps pour nous raconter. J’avais besoin de savoir, j’ai lu la déposition."
Maintenant qu'elle connaît la vérité, la mère de famille se souvient avoir remarqué un comportement différent de la part de son fils vis-à-vis de l'éducateur. "Parfois c’était malaisant avec lui. Il s’asseyait dans le canapé à côté de lui et lui caressait les cheveux. Je n’ai jamais osé lui dire quoi que ce soit, c’est ça mon plus grand remord. (Après les faits) mon fils a arrêté d’aller dormir chez lui. Je sentais qu’il y avait un éloignement. Pour ses 18 ans, il était dégoûté de le voir à son anniversaire. Mais je ne savais pas."
Des victimes au profil similaire
La mère de l'adolescent se dit aujourd'hui bouleversée par le comportement de l'éducateur, une personne en qui elle avait confiance et qui l'appelait "sa mère adoptive". "Il m’envoyait toujours un mot pour la fête des mères." La vérité désormais connue, elle continue de travailler pour être forte pour son fils.
"Je ne pense qu’à ça, je culpabilise", dit-elle. "On doit protéger nos enfants et je n’ai pas su le faire."
Si rien n'effacera la douleur, la mère de famille veut avancer. "On va s’en remettre parce que mon fils est très fort. On va continuer le foot. J’en parle trop mais j’ai besoin d’en parler. J’ai besoin d’évacuer." D'autres, eux, veulent que justice soit faite. "J’ai de la haine envers lui parce qu’il se faisait passer pour un modèle alors que c’est tout le contraire. On se sent trahi après toutes ces années. Après avoir passé tant de moments avec lui, se dire qu’il a fait tout ça, c’est comme une trahison. Le foot est un loisir, un plaisir. C’est fait pour s’amuser, pas pour apprendre des nouvelles comme ça", confié un licencié du club de Saint-Maurice-l'Exil (Isère), âgé de 15 ans, qui a connu l'entraîneur lorsqu'il était en 6e.
"Choqué" par le comportement de l'éducateur, cet adolescent né en Colombie mais arrivé en France dès son plus jeune âge a tout de suite constaté le comportement de l'adulte avec les enfants du club. "Je n’ai jamais eu de souci de cet ordre-là avec lui. Je sais juste qu’il était proche avec les enfants. Il leur faisait beaucoup de câlins, beaucoup de bisous. Au quotidien, il était très tactile avec les gens. Il était très proche d’eux. Maintenant, j’ai envie que justice soit faite, qu’il se fasse enfermer et qu’il ait ce qu’il mérite."