Aulas futur maire de Lyon? Comment une possible candidature de l'ex-patron de l'OL est perçue sur les bords du Rhône

Quand il a un message à faire passer, Jean-Michel Aulas ne change pas le process: une sortie sur les réseaux sociaux, puis une interview à un média traditionnel. Le réseau s’appelait "Twitter" quand il était président de l’OL jusqu’en 2023, c’est désormais "X" dans sa nouvelle vie de "simple" citoyen lyonnais. Une vie dans laquelle il est à la tête d’Holnest, cette holding familiale qu’il anime avec son fils Alexandre et qui détient en tant que fonds d’investissement une trentaine de participations dans des entreprises. Pour le média, le dirigeant de 75 ans a choisi Le Figaro à l’heure d’annoncer sa réflexion au sujet d’une candidature à l'élection municipale de Lyon en mars 2026.
Qu’est-ce qui provoque le courroux d’Aulas depuis le début de l’année? Les difficultés de circulation dans la ville de Lyon, en raison des travaux qui battent leur plein, notamment au cœur de la Presqu’île, sous l’impulsion de la gouvernance écologiste en place depuis 2020. Une politique dont "JMA" se dit aujourd’hui victime. Dès le lendemain de la sortie de Jean-Michel Aulas dans Le Figaro, Grégory Doucet, l’actuel maire de Lyon s'est justifié dans "Lyon Politique", l’émission hebdomadaire de BFM Lyon.
Les anciennes moqueries des élus écologistes contre Aulas
Dans la foulée, le mensuel Lyon Capitale a consacré la Une de son numéro de février à "la colère (qui) gronde contre Grégory Doucet": "Après cinq ans de mandat, il peine toujours à convaincre les Lyonnais, sa situation s’aggrave", commente le journal en appui d’un sondage mené du 8 au 13 janvier 2025 auprès de 851 personnes représentatives de la population: 58% sont mécontents de leur maire (+8 points par rapport à 2023) et surtout 71% souhaitent une candidature issue de la société civile. Jean-Michel Aulas tente donc de porter l’estocade en se révélant dans Le Figaro, faisant fi de la presse lyonnaise, histoire de se situer un peu (et déjà) au-dessus de la mêlée.
Il est loin le temps où, orphelin de Gérard Collomb, battu aux élections de 2020 après dix-neuf ans de mandat, Aulas devait composer avec les nouveaux décideurs politiques locaux pour faire sortir de terre son Arena multifonctions que les Verts ne voyaient pas d’un bon œil, sport business honni oblige… Des élus, forts de leur aura naissante issue du suffrage universel, ne se gênaient pas pour se moquer. À la métropole de Lyon, une fameuse anecdote reste vivace: quand il garait "à la sauvage" (dixit un témoin) son 4X4 devant le bâtiment, JMA était immédiatement la cible de remarques acides de la part d’élus écologistes. Il en reste très marqué, même si à l’époque, il gardait cette vexation en lui, car il devait exercer ses mandats à l’OL et encore ferrailler pour obtenir des ultimes feux verts après la pose du premier siège de son Arena, le 6 septembre 2022. "Il fera du green washing en s’achetant une voiture et des vélos électriques", persiflent des élus municipaux en place, qui veulent garder l’anonymat.
La fronde de l’opposition lyonnaise
Si cela nourrit, d’après des proches, une partie de sa contestation actuelle, là n’est pas l’essentiel, estime Emmanuel Imberton: "Cette interview de Jean-Michel Aulas au Figaro est très intéressante car elle vise à fédérer et à organiser l’ensemble des oppositions et du monde économique, qui en a ras-le-bol et qui veut et doit proposer une alternative", résume l’ancien président de la CCI Lyon Métropole-Saint-Etienne-Roanne. Jean-Michel Aulas estime aussi, pour l’avoir souvent entendu de la bouche de son auteur André Soulier, grand témoin de la vie politique lyonnaise et avocat de renommée, qu’à Lyon, "on n’est pas centriste, il faut être central".
Central, il l’est, au cœur de la contestation grandissante à Lyon où un credo domine: "Les Lyonnais sont malheureux, il y a plein de changements dans la ville, des travaux partout, des commerçants qui ferment parce que l’accès à la ville est essentiellement réservé aux vélos." Un chef d’entreprise, qui préfère garder l’anonymat, explique: "C’est tellement une catastrophe, avec ces travaux sans concertation, sans coordination que tout le monde économique est en effervescence. J’ai eu une coupure d’électricité et de wifi pendant trois jours sans être prévenu. J’ai appelé des services: aucune explication. Et quand je contacte Orange en haut lieu, on me répond que les techniciens sont appelés de partout et qu’ils n’ont pas assez de bras pour intervenir… Il y a un tel ras-le-bol." "Dans le 8e arrondissement, les travaux empêchent bon nombre de commerces d’avoir du flux dans leurs magasins, certains se posent la question de fermer boutique", rapporte un élu qui parcourt les rues lyonnaises.
"La politique est beaucoup plus complexe que le foot business"
Ceux qui font réfléchir Aulas à une possible candidature dessinent-ils un raz-de-marée ou une vaguelette? "C’est entre les deux", répond un grand connaisseur, qui ajoute: "Il faut que les oppositions se parlent et s’agrègent." Cela ouvre-t-il la voie à une opposition unie, là où ce qu’il reste de la Macronie et la droite de gouvernement en reconstruction doivent forcément s’entendre pour peser en mars 2026? C’est une première piste, car il se murmure que des ponts sont bien lancés entre l’ancien boss de l’OL et la liste portée par Pierre Oliver, le maire LR du 2e arrondissement de Lyon.
En attendant de vraiment se prononcer à l’automne, Jean-Michel Aulas revient là où il aime être: au centre des attentions. Mais pour quelles intentions finales? Une fois toutes ces petites pierres posées, empruntera-t-il le chemin jusqu’au bout? "Il faut avoir des troupes avec soi pour conduire des listes dans tous les arrondissements", glisse un connaisseur de la vie politique locale, précisant qu’il faut avoir au total 221 noms à coucher sur les listes. "La politique est beaucoup plus complexe que le milieu du foot business. Peut-il éviter les écueils aussi facilement que durant ses trente-six ans de présidence à l’OL?", interroge-t-on, alors qu’il a toujours su résister à l’appel de la politique locale lorsqu’il était le patron des Gones.
Aulas aurait promis à ses proches de ne pas se lancer
Coopté par Bernard Tapie à la fin des années 90, il a observé de près la complexité d’endosser les deux rôles. Sans oublier ses proches, qui ne seraient pas forcément en première ligne pour le soutenir, lui qui a de nouveau un rôle central dans la vie locale et sociale avec la mise en orbite de son Arena, qu’il a fait construire en tant que président de l’OL et racheté une fois déchu. Il se murmure qu’Aulas a promis à ses proches de ne pas se lancer... Mais l’essentiel est là pour bon nombre d’observateurs locaux: "Il va réveiller ce microcosme lyonnais bien court, cela peut marcher pour impulser une nouvelle donne", remarque une ancienne élue "collombiste".
Reste à connaître la valeur de ce coup d’envoi des municipales 2026. Fictive, comme quand une personnalité locale frappe le premier ballon avant que les vrais acteurs ne disputent le match dans la foulée? Ou réelle, comme capitaine d’une équipe engagée derrière lui? En sachant que le pouvoir n’est pas forcément là où l’on croit: "Il est à la métropole et non à la mairie où ce poste de n°1 est assez honorifique. Les travaux qui courroucent tout le monde, c’est une responsabilité de la métropole mais c’est le maire de Lyon qui écope." Tout cela, Jean-Michel Aulas le sait bien pour avoir été au cœur du jeu politique local depuis une quarantaine d’années, en comptant celles à la tête de la CEGID, l’autre grosse réussite de sa vie d’entrepreneur. Avant une nouvelle aventure politique?