RMC Sport

Bouchet : « Est-ce que Labrune a de la poigne ? Ce n’est pas sûr »

Christophe Bouchet, président de l'OM entre 2002 et 2004

Christophe Bouchet, président de l'OM entre 2002 et 2004 - AFP

Joint par RMC Sport, Christophe Bouchet, président de l'OM de 2002 à 2004, analyse la situation du club compliquée par les propos de Marcelo Bielsa contre Vincent Labrune. S’il ironise sur l'attitude de Bernard Tapie, il pointe du doigt la communication de Labrune et raille, lui aussi, son manque de poigne.

Christophe Bouchet, comment jugez-vous la situation actuelle à l’OM ?

Je la trouve pénible et pas appropriée après quatre journées de championnat. C’est une situation complexe dont on a du mal à tisser la toile et à refaire le film de l’été. Tout avait l’air bien parti. Il s’est passé des choses qui arrivent dans tous les clubs du monde avec des relations entre les uns et les autres.

Comme le dit Bernard Tapie, faut-il virer Marcelo Bielsa ?

Bernard Tapie a le goût du sang dans la bouche. Il sent que le pouvoir à l’OM est fragilisé. Il est lui-même aux aguets à Marseille. Il pousse Vincent Labrune à la faute. C’est un jeu politique marrant et cocasse à observer. Mais c’est vrai que pour Labrune, il faudrait au moins faire preuve de poigne et de pouvoir. Est-ce qu’un président salarié a cette poigne et ce pouvoir à ce moment de la saison ? Ce n’est pas sûr.

Au-delà de la forme, vous semblez tout de même partager l’avis de Bernard Tapie sur le fond, non ?

Oui. Il faudrait, dans l’idéal, pouvoir trouver un électrochoc de façon à remettre les choses dans le bon sens. La situation de Vincent n’est pas facile. Il a peut-être trop encensé Bielsa et orchestré (son arrivée) de façon magnifique. On avait l’impression qu’il y avait, d’un coup, un entraîneur magique. Il a réussi ce coup de com’ mais il est en train de lui réserver des mauvais tours. Ça vaut pour un club de foot et une entreprise : on ne manage pas seulement avec de la com’. A un moment, il faut prendre les décisions et avancer. Quel est le projet de l’OM sur cinq ans ? Que va-t-il se passer par rapport au PSG et à Monaco ? Ce sont des choses plus importantes que les humeurs - bonnes ou mauvaises - de Marcelo Bielsa. Et ça, il faut le traiter. Peut-être que le fond des affaires n’est pas suffisamment traité. La communication, c’est très sensible à la mauvaise humeur, au vent et aux modes. Et on sait qu’à Marseille, tout ça est difficile.

Quand il y a de telles déclarations dans une entreprise, il y a généralement une sanction du patron. L’OM ne devrait-il pas en faire de même ?

Ça dépend qui fait la déclaration. Si tel ou tel joueur le fait dans un grand club, que se passe-t-il ? En principe, on se retient et il y a une autodiscipline de chacune des parties : l’entraîneur, les joueurs et le staff. C’est une situation complexe à traiter. Les germes de cette situation sont peut-être à chercher dans un été qui n’a pas été bien maitrisé. On a toujours intérêt à faire plus de communication interne qu’externe. De loin, c’est toujours facile en étant assis sur son fauteuil, mais on l’impression qu’on a favorisé une communication externe. Et il ne faut pas oublier qu’une équipe de football, c’est une équipe.

Que feriez-vous si vous étiez à la place de Vincent Labrune ?

Je serais comme lui, j’imagine, très ennuyé. Marcelo Bielsa réussit à lui faire perdre les clés et l’équilibre dans sa propre entreprise. Il n’est pas responsable, sur ses deniers propres, de l’Olympique de Marseille puisqu’il a une actionnaire qui est Margarita Louis-Dreyfus. Une opération de ce genre ne peut mettre qu’en lumière qu’il n’a pas toutes les clés. En ce sens, Marcelo Bielsa a réussi son opération, c’est-à-dire à déstabiliser Vincent Labrune. Bernard Tapie sait parfaitement l’utiliser pour déstabiliser un peu plus, lui aussi, Vincent Labrune. Sa marge de manœuvre (de Labrune, ndlr) est extrêmement faible.

Quel est le but pour Bielsa de déstabiliser son président ?

On est tous des hommes avec, à certains moments, des poussées d’agacement ou de colère pour des raisons qui nous sont propres. Est-ce que Marcelo Bielsa poursuit un but connu de lui ? Ce n’est pas sûr. On ne peut avoir que des suppositions. Poursuit-il un but particulier ? Je n’en sais rien.

Julien Richard