Daniel Riolo: "La Ligue 1, de mal en pis…"

Aussi fou que ça puisse paraître, il y a encore des défenseurs acharnés, aveugles, fous de notre L1. Les héritiers de Thiriez et de son homogénéité malheureuse. Le bon vieux temps où l’on a commencé à nous expliquer que des petites équipes dans le top 5 c’était bien. Un signe de vitalité de notre championnat. La preuve d’une compétition indécise et donc passionnante. Le milieu des années 2000, le début de la descente aux enfers, même si notre L1 n’a jamais fréquenté le paradis.
Récemment dans le Figaro, Stéphane Moulin expliquait qu’Angers si bien classé, c’était le signe que la L1 se portait bien et qu’elle progressait. Voir midi à sa porte et se la prendre plus tard dans la gueule, la porte!
On a essayé l’optimisme décomplexé. L’"écriture positive de la L1" pour faire plaisir à nos amis diffuseurs et promoteurs du "spectacle". Mais même les camelots devant les Grands Magasins étaient plus crédibles.
Je ne vais pas refaire l’histoire de notre L1. A quoi bon? Et puis c’est toujours pareil non? Une "Histoire sans fin" et sans marmotte.
Le nivellement par le bas est constant
Quand il y a quelques semaines, on observait avec méfiance ce classement si resserré, les naïfs rétorquaient que la situation était identique partout en Europe. Certes, en début de saison, les écarts prennent plus de temps à se creuser. Depuis, le temps a fait son œuvre, tranquillement. La L1 présente, au soir de la 12e journée, le pire deuxième de son histoire. Faut-il comparer avec les autres? Evidemment ailleurs la moyenne du deuxième tourne autour de deux points par matches. En France, c’est 1.63, une misère.
Cette saison, le PSG a déjà perdu trois fois en douze journées. C’est beaucoup et ça aurait pu permettre aux autres d’en profiter. Mais l’OL, l’OM, Monaco et même Lille ne s’accrochent pas.
Chaque journée met un club en crise et offre un espoir de podium à une autre. En gros, Rennes aujourd’hui 14e avec un match en moins peut en cas de victoire revenir à deux points du SCO d’Angers actuel dauphin! Magnifique! Le nivellement par le bas est constant.
Le foot semble être un passe-temps
Derrière les chiffres, il y a une réalité toujours plus implacable. Notre championnat est ennuyeux. Le jeu toujours aussi pauvre. La technique derrière le physique. Mais je note une nouveauté. Si pendant des années, j’ai critiqué l’approche tactique de nos coaches, il faut bien noter que celle-ci a largement évolué. Vilas-Boas, Vieira, Sousa, Puel, Elsner, Gourcuff… la liste des entraîneurs qui tiennent un discours "positif" sur le jeu est désormais largement majoritaire. Alors c’est quoi le problème? Il pourrait tenir en deux exemples piochés dans le dernier week-end. Saint-Etienne en première et seconde période face à Monaco. C’est pas tant l’approche tactique qui est à relever, mais plutôt le "on bouge ou on bouge pas"? Franchement, la banderole déployée à Nice qui invitait les Aiglons à "se bouger le cul", c’est simpliste mais tellement vrai. Pas besoin de grandes analyses, une bonne réplique au comptoir entre deux cafés fait l’affaire… Malheureusement.
L’autre exemple c’est le changement de joueur à Bordeaux. Paulo Sousa veut faire entrer Kalu. Mais le joueur traîne. Le coach bordelais s’énerve et finalement fait entrer un autre joueur. Kalu n’a même pas l’air désolé. Il se peut qu’il ne comprenne même pas sa faute.
C’est simple, clair et net, c’est la L1… Une motivation incertaine, alternative. Le foot semble être un passe-temps. L’implication reste aléatoire. Le professionnalisme, c’est surtout d’encaisser le chèque à la fin du mois. On oublie bien souvent que la soupe est bonne en L1. Arff, c’est populiste de dire ça non?
Le fameux "meilleur" recrutement ne se fait pas tant avec du blé qu’avec des compétences
Le modèle économique développé chez nous pousse à faire de la L1 une voie de garage ou une salle d’embarquement pour ailleurs. A quoi bon s’inscrire dans un projet collectif de performance puisqu’on sait que la plupart des dirigeants sont là pour faire de la vente de joueurs. On brasse des joueurs, on change de projets tellement souvent que ça devient compliqué de construire même sur du court terme. Le joueur de L1 s’exporte tellement bien. C’est ça qui est mis en avant par beaucoup d’observateurs, penseurs et vendeurs de notre foot. On est champion du monde ne l’oublions pas. Les clubs vont souffrir de ce titre comme après 1998. Chaque joueur formé en France sait que la carrière commencera réellement à l’étranger, comme pour les joueurs qui ont gagné en Russie.
A un an de l’entrée dans les caisses de l’argent frais que va donner Mediapro (si tout va bien), pourquoi ça changerait? Parce qu’on va garder les joueurs plus longtemps? Parce qu’on pourra recruter mieux? Difficile à croire. D’abord parce que l’argent des droits TV, c’est ce qui a poussé à venir en L1 ou à y rester. J’entends par là que je ne suis pas sûr qu’on veuille passer d’une démarche comptable à une démarche d’investissement. Et ensuite, le fameux "meilleur" recrutement ne se fait pas tant avec du blé qu’avec des compétences.
Notre Ligue 1 n’a jamais été aussi nulle. C’est une belle conclusion ça non?
Et encore, je n’ai pas évoqué les tribunes vides, la catastrophique intervention du VAR qui rend les matches encore plus tristes et désolants.
Notre foot a maintes fois cherché à s’améliorer en prônant l’idée du développement commun. Didier Quillot a souvent parlé de ça au sein de la LFP. Mais très vite face aux crises sportives répétées, aux gestions hasardeuses, chaque club se replie sur lui et ses intérêts privés. Chacun dans son coin, comme pour dire: "chacun sa merde".
Il n’y a pas mille façons de voir la Ligue 1. L’optimisme, le pessimisme. Cela ne veut rien dire. Deux leurres. Une seule chose doit prévaloir: La lucidité.