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"Des milliers d’emplois menacés", le syndicat Foot Unis alerte sur la situation du football professionnel français et son impact sur l’économie nationale

Le logo de la Ligue 1 au Parc des Princes, illustration

Le logo de la Ligue 1 au Parc des Princes, illustration - Icon Sport

Le syndicat Foot Unis publie ce mardi un baromètre, réalisé par le cabinet de conseil Accuracy, pour mettre en avant le poids des clubs professionnels dans l’économie française. Près de 40.000 personnes travaillent actuellement grâce à l’écosystème du ballon rond. Mais la baisse des droits audiovisuels pour la période 2024-2029 fait craindre des coupes budgétaires et la disparition de certains emplois.

Le titre s’affiche en gros caractères et résume d’entrée le danger qui plane à l’horizon: "Football professionnel français, un secteur en péril, des milliers d’emplois menacés". Foot Unis, le syndicat qui défend les intérêts des clubs professionnels dans l’Hexagone (Ligue 1, Ligue 2, National, D1 et D2 féminines) publie ce mardi un baromètre afin de rappeler le poids du football français dans l’économie nationale et alerter sur sa situation inquiétante. Le cabinet de conseil Accuracy a travaillé depuis janvier dernier pour mener cette étude, consultée par RMC Sport, qui se base sur des données économiques, sociales et environnementales liées à la saison 2022-2023 (celles sur l’exercice 2023-2024 ne sont pas encore disponibles).

Par cette démarche, Foot Unis, lancé en 2021, souhaite rappeler que le football professionnel représente un écosystème qui fait vivre de nombreuses personnes en France, bien au-delà des joueurs et des entraîneurs. Que ce soit au sein des clubs ou dans les entreprises qui gravitent autour, avec un impact important au niveau local.

5,3 milliards de contribution économique

Selon le baromètre dévoilé par Foot Unis, le football professionnel français a généré en 2022-2023 près de 5,3 milliards d’euros de contribution économique. Il s’agit de la part qu’un secteur peut avoir dans le PIB national. Elle se définit par la valeur ajoutée créée par le secteur en question.

Dans le détail, la contribution directe du football professionnel se chiffre à 2,4 milliards d’euros. L’impact indirect, qui correspond à la valeur ajoutée générée par les fournisseurs, atteint 847 millions d’euros. L’impact induit, qui prend en compte la consommation des salariés des clubs, est estimé à 242 millions d’euros. Et l’impact périphérique, calculé à travers les métiers liés au football (médias, restauration, transports, hôtellerie, paris sportifs, ventes de télévision ou de maillots…) pèse 1,8 milliard d’euros.

Près de 40.000 emplois liés au football professionnel

Le secteur du football professionnel mobilise près de 40.000 personnes employées en France, dont 7500 directement dans les clubs (environ 1500 joueurs). En moyenne, chaque club génère 800 emplois et chaque joueur 25 emplois. Près de 17.000 postes sont concernés par l’activité du ballon rond dans les industries périphériques, comme la restauration, l’hôtellerie ou les médias. Mais certains de ces emplois se retrouvent aujourd’hui menacés par la situation économique des clubs professionnels, durement impactés par la baisse de leurs revenus liés au droits audiovisuels. Une perte globale estimée à 25% pour la période 2024-2029.

"On ne peut pas quantifier précisément les pertes pour chaque club, parce qu’elles dépendent beaucoup de leur capacité à remettre au pot", précise Jérémie Israel, associé chez Accuracy, qui a contribué au baromètre commandé par Foot Unis. "Il n’y a que les propriétaires des clubs qui pourront compenser les pertes additionnelles. S’ils le font, les emplois devraient être préservés. Mais pour certains, le poids des droits audiovisuels est tel que même une baisse légère est très impactante. Il y a des clubs pour qui cela représente plus de 50% de leur chiffre d’affaires."

"Les plus petits clubs risquent d’être touchés"

Cette baisse de revenus n’aura sans doute pas les mêmes conséquences pour toutes les équipes, en fonction de leur solidité financière et de l’investissement de leurs propriétaires. "Dans les gros clubs, l’impact sera plus facilement compensé par les actionnaires", confirme Jérémie Israel. Au PSG ou à l’OM, le propriétaire sera capable de remettre au pot, si c’est son souhait. Mais dans des petits clubs locaux, en Ligue 2 ou en National, certains chefs de PME investissent quasiment leurs deniers personnels. Ok, ils sont passionnés, mais il y a un moment où il faut vivre. Les différents enjeux font que des actionnaires ne souhaiteront pas réinjecter de l’argent de la même manière et là il y aura probablement un sujet (…) En échangeant avec des présidents de clubs, Laurent Nicollin (Montpellier), qui est aussi président de Foot Unis, Jean-Pierre Caillot (Reims), le vice-président du syndicat, ou Olivier Létang (Lille), tous s’accordent à dire que leur objectif va être de maintenir l’emploi direct. Mais il est évident que les plus petits clubs risquent d’être touchés à ce niveau-là."

Alors que les données économiques de l’exercice 2023-2024 (qui n’ont pas encore été totalement validées par la DNCG) devraient être moins bonnes que les précédentes, certains emplois sont-ils plus menacés que d’autres en cas de réductions des coûts? "Le président Caillot nous a expliqué qu’à Reims, le mercato estival a été moins conséquent que prévu, donc ce sont les emplois des joueurs qui ont été touchés", illustre l’analyste du cabinet Accuracy. "Le problème, c’est que ça ouvre un cercle vicieux. Moins bien tu recrutes, moins de chances tu as de te maintenir, donc les revenus au global s’en ressentent. C’est le cas de Montpellier, qui est en difficulté sportive aujourd’hui."

1,21 milliard d’euros d’impôts et de cotisations sociales

Les problèmes financiers du football français risquent d’avoir également des conséquences directes sur le budget de l’État. En 2022-2023, les clubs professionnels ont versé environ 1,21 milliard d’euros d’impôts et de cotisations sociales. "Le foot est un secteur économique à part entière", appuie Jérémie Israel. "Près de 40.000 emplois, ce n’est pas rien. Quand on sait qu’il y a des plans sociaux qui font grand bruit quand on dépasse les 500 collaborateurs dans un groupe, on peut imaginer l’impact que cela aurait en cas de grosse défaillance dans le secteur du football professionnel".

Foot Unis souhaiterait d’ailleurs obtenir une réduction des charges sociales afin que les clubs français puissent être plus compétitifs par rapport à leurs rivaux européens. Mais sur ce point, l’instabilité qui règne dans les plus hautes sphères politiques semble aujourd’hui laisser peu de place au dialogue.

Moins d’actions sociales et environnementales

Les difficultés économiques auxquelles les clubs de football sont confrontés pourraient aussi avoir des répercussions sur leurs projets sociaux, caritatifs ou environnementaux, qui bénéficient à plus d’un million de personnes. "A ce niveau-là, les clubs font des choses que beaucoup d’entreprises plus grosses qu’eux ne font pas", assure Jérémie Israel. "Ces enjeux risquent d’être mis de côté dans le contexte actuel, parce que ce sont probablement les moins essentiels dans le quotidien d’un club. Et c’est bien dommage quand on a des gens qui sont volontaires pour le faire. On en a parlé avec le Stade Rennais notamment. La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), ça fait partie de leur stratégie. Ce n’est pas juste quelque chose qui est là pour faire joli." Le football amateur pourrait également pâtir de la situation, avec un soutien possiblement revu à la baisse.

Les autres sources de revenus en progression

Le montant des droits audiovisuels représente aujourd’hui la principale source de préoccupation pour le football professionnel français. Un point (très) noir d’autant plus frustrant que "les autres sources de revenus sont plutôt en progression", à l’image de la billetterie dans les stades "en hausse depuis la pandémie de Covid" ou le sponsoring "qui se développe, notamment au niveau local, dans un ancrage territorial". Le baromètre de Foot Unis recommande d’adopter "de nouvelles stratégies de financement et de gouvernance" pour sortir les clubs professionnels de cette mauvaise passe, en ouvrant des discussions avec les parlementaires afin de trouver des solutions. A commencer par l’intensification de la lutte contre le piratage, qui fait perdre de la valeur aux droits audiovisuels et menace de freiner leur progression dans les années à venir.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport