"L'homme charmant de Paris", "le beau gosse de l’école"… Les piques de Textor à Al-Khelaïfi dans Rothen s’enflamme

Un entretien sans filtre ni langue de bois. John Textor a accepté de répondre avec franchise aux questions de Jérôme Rothen lors d’une interview exceptionnelle, diffusée ce lundi dans l’émission Rothen s’enflamme sur RMC. L’occasion pour le patron de l’OL d’égratigner à plusieurs reprises Nasser Al-Khelaïfi, son homologue du PSG. En dénonçant notamment son influence au sein des instances dirigeantes du football français et européen.
"Je connaissais la situation, mais je ne connaissais pas vraiment la protection institutionnelle dont jouissait un certain club et le pouvoir d’une certaine personne sur les instances à l’image de l’ECA (l’Association européenne des clubs) et de l’UEFA", explique Textor, à la tête des Gones depuis fin 2022. "En juillet, j’étais complètement choqué car on a parlé des droits TV et le président de la Ligue, qui devait mener les débats, n’a quasiment rien dit… C’est Nasser qui a mené les débats, alors qu’il n’aurait même pas dû être présent, en tant que patron d’une chaîne de télévision (beIN Sports, ndlr) directement impliquée dans les débats. S’il y avait une voix discordante, Nasser Al-Khelaïfi ‘aboyait’ sur cette personne, il y avait beaucoup d’intimidation aussi. Le président de la Ligue (Vincent Labrune) était assis, sans rien dire comme un petit ‘toutou’. La Ligue est d’une manière assez folle dominée par cet homme. Et ça, je n’en avais pas conscience. L’influence du PSG sur la Ligue, et même sur la DNCG, est quelque chose qui mérite d’être regardé de plus près."
"Pour l’instant, je ne lui vendrai personne"
"Je ne m’oppose pas personnellement à lui (Nasser Al-Khelaïfi), on a déjà passé de bons moments ensemble d’ailleurs au début. Ce n’est pas personnel", a précisé John Textor. "Je pense que ce n’est pas vrai de dire que je suis le seul dans ce cas. Il y a aussi deux ou trois clubs qui ont une voix discordante. Mais il y a aussi six ou sept clubs qui ont des préoccupations mais qui ont peur de les exprimer. Je ne pourrais pas dire pourquoi. J’ai demandé à Nasser Al-Khelaïfi à plusieurs reprises: ‘Qui se soucie de la Ligue 1 s’il n’y a plus de compétitivité?’ Mais ça ne semble pas le préoccuper outre mesure. Ce n’est pas personnel. Je pense juste que le manque de compétitivité détruit ce championnat."
Interrogé sur la possibilité que l’OL vende certains de ses joueurs au PSG dans un futur proche, l’hommes d’affaires américain s’est montré très clair: "Aujourd’hui? Non, absolument pas. Je ne veux pas vendre un joueur de cette qualité à Nasser tant qu’on ne se sera pas serré la main, partagé une bière et décidé ensemble d’aider le championnat de France. C’est évident: ma relation avec Nasser n’est plus ce qu’elle a été, mais les hommes restent des hommes, on peut passer outre. Mais pour l’instant non, je ne lui vendrai personne."
"L’homme charmant de Paris..."
"Je ne pense pas que l’Olympique lyonnais doive suivre un modèle ou il vend ses meilleurs joueurs au PSG", a appuyé le natif du Missouri, âgé de 59 ans. "Ce n’est pas un modèle pour un championnat compétitif. Ça ne marche pas dans les autres ligues de faire des transferts avec ses plus gros concurrents. Ce ne fait pas partie de notre business plan."
Bradley Barcola a pourtant été transféré de l’OL au PSG pour 45 millions d’euros à l’été 2023… Réponse de Textor: "Quand je suis arrivé, il y avait trois jeunes joueurs issus de notre centre de formation qui voulaient partir. Ils étaient gentils, j’ai parlé avec eux mais ils parlaient de l’OL comme d’un club de formation. C’était un non-sens. Je veux des joueurs qui veulent jouer pour l’équipe et être compétitifs avec nous dans le championnat. Si des jeunes de notre académie veulent jouer pour le PSG, qu’ils partent! Je veux qu’ils rêvent de devenir le prochain Juninho, Benzema ou Fekir. Je n’ai eu aucun souci à prendre les 45 millions d’euros de l’homme charmant de Paris pour un jeune joueur qui ne voulait plus être là. Je veux construire une équipe pour qu’elle soit championne. C’était différent. Donc je maintiens que vendre les meilleurs au PSG n’est pas notre modèle."
"Le centre du monde dans le football français"
Le boss de l’Olympique lyonnais en a ensuite remis une couche sur son rival parisien: "J’ai envie d’être clair. Nasser Al-Khelaïfi dit à tout le monde qu’il aide le football français. Mais il est un petit peu comme le beau gosse de l’école, avec les plus beaux vêtements et la plus belle voiture. C’est vrai qu’il est un peu le centre du monde dans le football français et il est vraiment convaincu qu’il aide tout le monde en achetant nos joueurs. Je me souviens qu’il avait parlé d’un bonus pour le temps de jeu Barcola et il disait qu’il m’avait aidé. Mais non, c’est une négociation, une entraide. Il fournit de l’argent et nous un joueur, on est sur un pied d’égalité. Il a cette idée qu’il a le club le plus riche du pays et que les miettes qu’il laisse tomber sont une aide pour football français. C’est totalement fou de penser ça."
"Je l’invite à suivre le droit européen et qu’on arrête avec ces clubs qui ont des financements illimités d’états étrangers alors que tous les autres clubs français rivalisent avec des fonds propres. S’il veut investir avec son argent personnel, ou s’il veut mettre l’argent d’Arctos, le fond qui possède 20% du PSG, pas de problème. Il pourrait alors lutter à armes égales avec les autres clubs français: Monaco, Marseille, Nice, Lyon. Et ce sera plus sain. Car bon nombre d’équipes pourront battre le PSG. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de réactions en France, avec tout le respect que j’ai pour vous. C’est une violation des lois. Si tout le monde était sur un pied d’égalité, peut-être que plus de monde regarderait la Ligue 1 et que le PSG ne gagnerait pas chaque année."
"La DNCG et la LFP acceptent cette violation des lois européennes"
Actionnaire d’autres clubs de football comme Botafogo, Crystal Palace ou le RWD Molenbeek, John Textor défend le modèle de la multipropriété. "Je trouve ça obscène que la DNCG ne nous accorde pas de crédit, parce que les financements qu’on apporte à l’OL sont légaux d’un point de vue du droit européen. L’argent du PSG qui vient d’un état étranger, qui subventionne illégalement un business privé, et qui fausse l’intérêt sportif. C’est illégal! La DNCG et la Ligue acceptent cette violation des lois européennes. Donc le PSG peut nous botter les fesses sur le terrain tous les ans. Moi, qui arrive avec un autre modèle et d’autres sources financières, ils me dénigrent."
La production de beIN Sports "assez peu qualitative" aux États-Unis
Sans s’en prendre directement à Nasser Al-Khelaïfi, John Textor a aussi critiqué la qualité des programmes de beIN Sports outre-Atlantique: "Je regarde les matchs de Ligue 1 aux États-Unis, je regarde BeIN Sports. Je n’ai pas envie d’attaquer beIN, mais je vois que la production est assez peu qualitative. Il y a six ou sept chaînes de beIN Sports, mais seules deux ou trois sont utilisées de manière simultanée. Si un match déborde, on loupe les premières minutes du match suivant. Quand le PSG nous a battus l’an dernier, d’ailleurs Barcola avait été très bon, on était à 2-0 pour Paris quand la diffusion a commencé…"
"Je pense qu’il n’y a personne en régie pour prendre les décisions, c’est un ordinateur qui décide des séquences. Aux États-Unis, quand on regarde le match en streaming, la publicité peut arriver en plein pendant le match, c’est un ordinateur qui doit prendre cette décision, pas un humain. La pub peut partir alors qu’un joueur s’apprête à tirer un penalty. Et Quand vous regardez les publicités, même quand c’est l’OL qui joue, elles sont à la gloire du PSG. Il n’y a qu’une personne qui commente en cabine, ça s’entend qu’il n’est pas au stade. Ils ne mettent même pas l’argent pour un deuxième commentateur ou un consultant. Ça manque de vie ou de dynamisme. La qualité du produit est terrible, il n’y a aucune plus-value de production. Quel que soit le diffuseur, la ligue doit exiger des standards de diffusion partout dans le monde".