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Lille: l'énorme émotion du quartier Wazemmes, fief de Nabil Bentaleb, après son retour à la compétition

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Dans le quartier Wazemmes de Lille, d'où est originaire la famille Bentaleb, l'émotion est palpable après le retour à la compétition du milieu du Losc, Nabil. Amis, famille ou simples fans de foot se réjouissent du comeback pleinement réussi de l'enfant du quartier, huit mois après son malaise cardiaque.

La pelouse synthétique du stade Roger-Salengro est baignée de soleil, en ce lundi matin. Quelques enfants profitent des vacances scolaires pour taper dans le ballon. C’est ici, au cœur du quartier Wazemmes, à Lille, que Nabil Bentaleb a fait ses premiers pas de footballeur. L’international algérien a grandi footballistiquement sous le maillot de la JS Lille Wazemmes, avant de rejoindre le centre de formation du Losc. "C’est un enfant de Wazemmes, un enfant de Lille", explique Ali El Atmani, qui a entraîné le jeune Nabil sur ce terrain.

Le dirigeant lillois dispose les coupelles avant le début de la séance qu’il organise pour ses petits-fils. "Son retour, c’est dû à son courage", appuie El Atmani. "C’est une émotion pour tout le quartier." Cheveux au vent façon David Luiz, Yacob, 10 ans, a vibré devant la victoire lilloise à Rennes dimanche soir (0-2). "J'ai ressenti beaucoup de plaisir", confie le jeune homme entre deux frappes. "Ça faisait bizarre parce que ça faisait longtemps qu'il n'avait pas joué et dès qu'il est rentré, il a marqué un but. C'est quand même incroyable."

"On est vraiment très fiers de lui"

Ici, tout le monde connaît Nabil Bentaleb. Impossible pour l’ancien milieu de terrain des Spurs de passer incognito dans son fief. Pas même pour son grand frère Karim, qui travaille dans le bâtiment. Un café à la main, il revient avec un grand sourire sur la soirée de la veille et le but de son petit frère. "Marquer, c'est un petit clin d'œil à la vie", lâche Karim Bentaleb. "Franchement, c'est difficile d'expliquer l'émotion. Il y avait de la joie, de la tristesse, un petit flashback de ce qui s'est passé. Il y avait un petit peu de tout ça qui se mélangeait, mais c'était vraiment un truc bien particulier, exceptionnel."

"On est vraiment très fiers de lui", avoue Kaïs, 14 ans, qui joue dans le même club que les fils du milieu de terrain lillois. "Le voir marquer, c'était extraordinaire." Lancé par Bruno Genesio à un quart d’heure du terme, huit mois après son malaise cardiaque, Bentaleb s’est illustré dès ses premières minutes sur le terrain cette saison, en ouvrant le score. "Voir son entrée, ça m'a fait du bien pour lui. Ça doit faire longtemps qu'il n'a pas joué, il doit être heureux", sourit Isaac, 12 ans.

À quelques mètres de là, juste à côté des vestiaires, du bruit émane de la petite salle de sport. Faysal est un ami de longue date de Nabil Bentaleb. Il est concentré sur sa séance de bras mais s’interrompt volontiers pour évoquer un retour qui fera date. "C'est digne d'un film ! C'est un scénario parfait, qui y aurait cru ? Franchement, grand bonhomme", s’enthousiasme-t-il. "C'était magnifique."

Faysal est le moins pudique de toute la bande d’amis présents dans la salle de sport. Il enchaîne. "Tout est décuplé, quand on sait d'où il vient, ce qu'il a traversé. C'était génial, on ne pouvait pas rêver mieux. Je le voyais souvent pendant cette période, il passait me voir, on discutait. Comme je lui disais, c'est la santé d'abord. Qu'il revienne comme ça et qu'il marque... Personne n'aurait pu parier ça !" Dans son quartier, les habitants soulignent que Nabil Bentaleb n’a jamais oublié ses racines lilloises. Ses anciens éducateurs soulignent aussi sa force mentale, déjà perceptible à l’époque, qui pourrait expliquer en partie son retour au très haut niveau. "C’est impensable", concède son ancien coach Ali El Atmani. "C’est super pour lui et sa famille. Il revient de loin. Ça a toujours été un travailleur, dur avec lui-même. Rater une passe, ce n’était pas bien pour lui. Tout ce qu’il fait, il le fait avec son cœur. C’est comme un nouveau démarrage pour lui, c’est tout bonus."

"Le miracle est accompli"

Le match à Rennes, dimanche soir, a été très suivi dans le quartier mais pas que. International algérien (53 sélections, 5 buts), Bentaleb devrait à nouveau être sélectionnable dans les prochaines semaines. "Il a bataillé avec cette maladie", indique Mohamed, fervent supporter des Fennecs qui a fait de nombreux déplacements pour suivre la sélection. "Il va donner beaucoup plus pour le Losc et l'équipe nationale d'Algérie. C’est un joueur avec une grosse force de caractère. Nabil, ce n’est pas comme les autres: il ne lâche pas." Un mental d’acier, renforcé par une rééducation longue et qui n’avait pas de date de fin programmée.

"C'est un exemple pour le quartier", estime David Gaci, entraîneur de Bentaleb à la JS Lille Wazemmes quand il avait 8 et 9 ans. "Quand je l'ai connu, c'était un mauvais joueur, il n'aimait pas perdre. De voir qu'il a survécu à tout ça aujourd'hui, c'est magnifique. C'était un garçon sympa, attachant et souriant. Je pensais qu'il n'allait pas revenir... mais vu qu'il venait dans le quartier, je lui ai souhaité plein de bonnes choses. Le miracle est accompli."

À peine remis de ses émotions après le retour à l’entraînement émouvant de son poulain, le quartier Wazemmes a vécu une soirée intense dimanche. La conclusion de huit mois douloureux, parfois, mais joyeux, souvent. "Même s'il nous arrive des problèmes dans notre vie, il ne faut jamais abandonner", conclut Kaïs, 14 ans, la gorge serrée.

Thomas Palmier