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EXCLU RMC SPORT

PSG: l'affaire des faux comptes Twitter est plus "un bataillon numérique qu’une armée"

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D'après les révélations de Mediapart, le PSG aurait missionné une agence de communication afin de décrédibiliser certaines cibles via de faux comptes Twitter. Une affaire qui ressemble plus à une opération d’influence organisée qu’à une manipulation de masse selon une étude de la start-up Kap Code.

Résultats décevants, mauvaise blague sur le "char à voile", envies de départ d’un Kylian Mbappé en plein spleen, et maintenant "armée numérique"... C’est la dernière secousse en date du côté du côté du PSG, où les polémiques s’enchaînent désormais plus vite que les buts de Neymar. Mercredi, Mediapart révèle que le club de la capitale aurait engagé une agence, Digital Big Brother, pour que celle-ci déploie une galaxie de faux comptes Twitter afin de mener des raids numériques contre certaines cibles. Avec dans le viseur, pêle-mêle : le supporter rennais ayant giflé Neymar après la finale de la Coupe de France 2019, la jeune femme ayant accusé le Brésilien de viol, mais aussi Adrien Rabiot et sa mère Véronique, Jean-Michel Aulas, Antero Henrique et des médias comme L’Equipe et Mediapart. Même Mbappé aurait été victime de cette campagne de dénigrement il y a trois ans. Des accusations vite balayées par le PSG.

Auprès de RMC Sport, une source proche du club a dénoncé "un tas d'absurdités complètes", assurant n’avoir "jamais contracté une agence pour porter atteinte à une personne ou à une institution". Qu'importe, l'enquête de Mediapart vient s’ajouter à la longue liste d’épisodes ayant troublé l’image du champion de France ces dernières semaines. L’affaire rappelle aussi celle qui a impliqué l’ancien président du FC Barcelone, Josep Bartomeu, accusé d’avoir versé un million d'euros à une entreprise pour qu’elle améliore son image et celle de la direction blaugrana dans l'opinion publique, via des faux comptes créés sur les réseaux sociaux. L’image de plusieurs personnalités (Lionel Messi, Gerard Piqué, Pep Guardiola…) avait été attaquée et Bartomeu avait même été arrêté en mars 2021. Dans le cas de "l’armée numérique" qu’aurait mis en place le PSG, comment quantifier l’ampleur qu’a pu avoir cette opération révélée par Mediapart ?

Une opération "artisanale"

La start-up Kap Code, spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des méthodes de désinformation de masse, s’est penchée sur cette question en réalisant une étude préliminaire. "C’est un cas très différent de tout ce qu’on a traité jusqu’à maintenant. Ça n’a par exemple rien à voir avec ce qui s’est passé avec l’opération de dénigrement qu’a pu mener le Barça ou la campagne d’influence de l’opinion qu’il y a eu autour du projet de la Super League. Ça c’était industriel. Pour le PSG, on a plutôt affaire à quelque chose d’artisanal", nous explique Adel Mebarki, co-fondateur de Kap Code.

Son étude s’est concentrée sur trois sujets : le dénigrement de Mediapart dans le cadre des Football Leaks, le dénigrement de L’Equipe quant à la diffusion de certaines informations autour du PSG, et enfin le dénigrement du supporter rennais touché au visage par Neymar. Pour cela, Kap Code a extrait et étudié plus de 200.000 tweets postés par environ 90.000 comptes sur Twitter entre le 1er octobre 2018 et le 15 décembre 2019.

"En regardant d'abord la volumétrie (combien de personnes ont tweeté et retweeté des messages), on se rend compte qu’il n’y a pas eu tant de tweets que ça autour de l’affaire Neymar et du supporter. On parle en tout d’environ 500 tweets. Et ça a atteint un peu moins de 4.000 comptes avec les partages. Ce n’est pas un phénomène de masse. En termes de popularité, les deux sujets médiatiques ont été beaucoup plus commentés que le sujet autour du sujet Neymar. Les mentions visant L’Equipe (63.000 messages avec retweets) et Mediapart (133.000 messages avec retweets) représentent un volume bien supérieur", détaille Adel Mebarki. Habituellement, une campagne "classique" de manipulation de masse, avec des stratégies très précises, s’appuie sur des dizaines de milliers de bots et de trolls pour booster les contenus.

Volumétrie des mentions par thématique
Volumétrie des mentions par thématique © Kap Code

"On parle plutôt de centaines de trolls dans le cas du PSG. Ce sont des proportions limitées contrairement à ce qu’on peut voir d’habitude. L'impact sur l’opinion publique en termes de viralité a été limité. Il faut savoir que quand on fait ce genre d’activité, on mobilise normalement des armées de bots. Pour le PSG, il y a plutôt eu quelques bots. On constate aussi qu’il y a eu un certain engagement à un moment, comme quand le compte Paname Squad s’est rapproché des 10.000 followers, mais la reprise du discours (tweets, retweets, likes) n’a pas été si importante. Concrètement, on est plutôt face à un bataillon numérique qu’une armée", synthétise Adel Mebarki. Cela s’explique par l’aspect "artisanal" de l’opération et par l’effort d’investissement qui a visiblement été limité. "L’opération informationnelle semble plus correspondre à une opération d’influence organisée qu’à une manipulation de masse", conclut Kap Code. De l'intérêt de mesurer la balance bénéfice-risque...

https://twitter.com/rodolpheryo Rodolphe Ryo Journaliste RMC Sport