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Réforme de la Ligue des champions: La Ligue 1 inquiète mais prête à discuter

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Contactés par RMC Sport, les présidents des clubs de Ligue 1 font part de leur inquiétude face à la réforme envisagée de la Ligue des champions mais ils affichent leur volonté de se battre, leur ouverture à la négociation, pour certains, afin défendre l’attractivité sportive et économique du championnat de France.

De rares partisans

Sans surprise, les partisans pour cette réforme de la Ligue des champions sont très peu nombreux en Ligue 1. Et sans surprise encore, le PSG est le seul club à afficher pour le moment son intérêt pour cette nouvelle formule qui garantirait 14 matchs de poule par saison minimum chaque saison (contre 6 actuellement) et de grosses rentrées d’argent (c’est le but recherché). "Sur le principe, c’est un projet intéressant pour le PSG car créateur de richesses pour l’ensemble du football, a récemment confié Victoriano Melero, secrétaire général du club, dans Le Parisien. N’oublions pas que La Ligue des champions participe au financement de la Ligue Europa et de la future Ligue Europa 2. Ensuite, rien n’est figé notamment sur les conditions d’accès et il faudra voir dans quelles proportions les richesses peuvent augmenter."

La position n’est pas encore claire pour Jean-Michel Aulas, président de l’OL, qui a répondu par communiqué. Le président "a simplement précisé que la création éventuelle d’une Europa Ligue 2, réunissant 64 clubs en complément d’une Europa League 1 à 32 clubs, pourrait être bénéfique aux clubs français dont le niveau est aujourd’hui moyen au niveau européen et qui pourraient, ainsi, avoir plus de possibilités de participer à des épreuves européennes".

Mal embarqué en championnat cette saison, l’OM se positionne pour le moment en rôle d’observateur sur ce sujet que Jacques-Henri Eyraud assure avoir imaginé "il y a un an déjà". "On n’y viendra peut-être pas sur ce coup-là, mais on y viendra, prophétise le dirigeant. (…) Est-ce qu’il y a la place pour une Super League et dans le même temps un championnat national? Ce sera tout l’enjeu des semaines qui viennent. Et je peux vous dire que les débats sont très serrés!"

Un gros risque pour les droits TV

La principale crainte des présidents français est la baisse d’attractivité du championnat. La formule de la nouvelle Ligue des champions (les six premiers de chaque poule de 8 seraient qualifiés pour l’édition suivante) inquiète fortement. "On imagine les arbitrages faits par ces clubs en terme de composition d’équipes, illustre Jean-François Soucasse, président délégué de Toulouse. Ils mettraient toutes leurs forces sur la scène européenne, lors des quatorze matchs, et non en championnat. Ce qui serait de nature à dévaluer la Ligue 1. Et donc ses droits TV. Cette formule mettrait en péril l’intérêt sportif en le diminuant très fortement, tout en fragilisant la situation économique du football français à terme."

C’est l’avis de nombreux dirigeants comme Bernard Joannin (Amiens) qui juge déjà "inacceptable" l’idée d’affronter les équipes B des participants à cette Ligue des champions. Olivier Delcourt (Dijon) est aussi "contre dans l’intérêt du championnat". "A force de ne vouloir faire que du fric, tu le payes un jour, abonde Laurent Nicollin, président de Montpellier. Puis quelque part, c’est dévaloriser notre championnat, donc c’est une perte pour nos droits TV, c’est une perte pour tout." "La conséquence directe à long terme, ça peut être un impact négatif sur les droits TV, ce qui remettrait en cause le modèle économique sur lequel les clubs français s’appuient", prévient aussi Gauthier Ganaye, le président niçois.

Une compétitivité menacée

Cette baisse tant redoutée des droits TV serait la conséquence d’un affaiblissement du championnat, relégué en seconde zone et délaissé par les équipes concernées par la Ligue des champions. La disparition de la notion de mérite pour se frotter au gotha européen irrite les dirigeants. "Aujourd'hui, il est impossible de se prononcer sur le nom des trois premières équipes qui seront en tête de la Ligue 1 en 2024, schématise Saïd Chabane, président d’Angers. C'est ce qui fait l'intérêt de notre sport. Pourquoi enlever cette part d’incertitude?"

"Prenez l’exemple de Lille, 2e actuellement, qui ne pourrait pas aller en Ligue des champions, illustre le président-délégué de Toulouse, Jean-François Soucasse. Et à l’inverse, qu’un club comme Monaco, actuellement 17e, soit convié aux côtés de Paris et Lyon par exemple." Du côté monégasque justement, Leonardo Jardim ne voit pas cette réforme d’un bon œil. "Je pense que pour jouer la Ligue des champions, c’est important de le mériter", estime l’entraîneur portugais.

"Il faut rester sur un modèle où les clubs qui 'performent' jouent et représentent leurs pays dans les compétitions européennes", espère Olivier Létang, président de Rennes, récent vainqueur de la Coupe de France, une compétition qui n'offrirait plus de billet pour une compétition européenne. "La très grande majorité des clubs de Ligue 1 ne peut voir ça que comme une réduction de l'intérêt sportif", acquiesce Gilles Sergent (Caen). "Evidemment c’est extrêmement inquiétant, prévient Frédéric Longuépée (Bordeaux). Ça ne va pas dans le bon sens du tout. Il y a une valeur incroyable dans le sport, c’est l’incertitude des résultats."

Le PSG, par la voix de son secrétaire général, a tenté de rassurer tout ce petit monde. "Je vois mal le club et nos supporters accepter que le PSG joue les matchs de championnat de France avec une équipe B ou C, sous prétexte de focaliser l’énergie sur les matchs européens. L’ADN du football, cela reste le championnat national."

Des dirigeants prêts à négocier…

Si l’inquiétude est importante, de nombreux présidents ne veulent pas céder à la précipitation. Le sujet sera évoqué le 15 mai prochain lors d’un conseil d’administration extraordinaire de la Ligue et plusieurs acteurs se déclarent ouverts à négocier. "Si vous nous garantissez que toute réforme qui pourrait venir ne mettrait pas un handicap, ne ferait pas subir un processus de dévalorisation de notre championnat, dans ces-là, on est ouvert à la discussion", promet Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de Saint-Etienne.

"Si les conditions de qualification via la Ligue 1 sont amenées à changer, si ces dernières pouvaient s'élargir à deux ou trois clubs, le LOSC pourrait s'ouvrir à la discussion et s'asseoir à la table des négociations", avise Gérard Lopez, président de Lille. "Je préfère faire confiance à l'UEFA qui est une institution forte et à la négociation qui va s'engager", tempère aussi Chabane. 

… pas encore à sanctionner

La menace de Noël Le Graët, président de la FFF, de ne pas accorder de licences pour disputer le championnat de France aux clubs engagés dans la nouvelle Ligue des champions, est un extrême que les dirigeants comprennent mais ne veulent pas envisager. "Déjà, il faut garder son calme et plutôt que de menacer, il faut convaincre avec des arguments", explique Ganaye. "Je trouve dommage d’en arriver à un système de sanction, estime également Létang. Après, le président de la Fédération défend le football français et il a raison de le faire mais j’espère qu’on en arrivera pas jusque-là."

Les dirigeants veulent discuter et se battre pour faire entendre leurs voix auprès de l’UEFA et de l’ECA (association des clubs européen, instigatrice de ce projet). "On a perdu le match y a 3-4 ans en ayant plus que deux places qualificatives automatiquement en Ligue des champions, rappelle Longuépée. Il faut juste qu’on ne perde pas le second, il faut se mobiliser, ceux qui doivent le faire doivent prendre le leadership de ses discussions pour défendre l’intérêt du football français." "Le football français doit être acteur de cette réforme, tonne également Jean-Pierre Caillot, président de Reims, dans Goal. Il ne doit pas laisser les choses en l’état."

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