"Un problème de direction au sein de la LFP", le sénateur Michel Savin inquiet pour le foot français

Michel Savin, la situation des droits TV de la Ligue 1 est-elle inquiétante aujourd’hui avec ce conseil d’administration exceptionnel de la LFP?
C’est une situation très inquiétante pour la suite et le financement du football professionnel en France. Quand on voit que DAZN aujourd’hui n’a pas atteint ses objectifs, ils se retrouvent dans une situation problématique. Il y a deux arguments qui sont mis en avant par la chaîne: le piratage et la coopération des clubs. Le piratage est un vrai problème, c’est vrai. Nous travaillons dessus dans le cadre de la proposition de loi que nous allons déposer. Sur la coopération des clubs, c’est un problème interne à la Ligue et c’est assez inquiétant d’entendre ce genre de propos. S’ils souhaitent renégocier le montant de leur participation, c’est un risque grave de mettre en difficulté les clubs.
Depuis quelques jours, des clubs tirent de plus en plus le signal d’alarme concernant les finances... En prennent-ils conscience trop tardivement?
Ce sont un peu les conclusions de nos travaux. On a vu qu’il y a quand même énormément de légèreté dans la préparation. On ne comprend toujours pas sur quels critères la LFP s’est basée pour son estimation à un milliard. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’à 400 millions, DAZN était frileux pour venir. Ça pose énormément de questions. Les présidents et la Ligue sont toujours partis sur des objectifs très ambitieux mais qui n'étaient malheureusement pas du tout réalistes.
Et ça se retourne contre eux aujourd’hui...
Si les présidents ont construit leurs budgets avec un espoir d’avoir des droits TV autour de 700 à 800 millions d’euros, ça pose un problème. On sait que des clubs se sont engagés sur des contrats qui aujourd’hui posent plusieurs problèmes et ils se retrouvent en difficulté.
"Une ou deux personnes qui font la pluie et le beau temps"
Quelles sont les solutions possibles?
Je pense qu’il y a surtout un problème de direction au sein de la LFP. Il faut une direction plus collégiale. Aujourd’hui ça repose sur une ou deux personnes qui font la pluie et le beau temps. Cette manière de fonctionner n’est pas bonne, elle ne peut pas perdurer. Aujourd'hui, j’entends les présidents de clubs qui demandent des comptes et que ce type de fonctionnement puisse cesser. On a mis ça en avant lors de nos travaux. Le fait aussi qu’un président de club soit partie prenante avec un distributeur potentiel, ça pose des difficultés. Le poids de certains par rapport à d’autres clubs pose aussi plusieurs questions. Il faut aussi parler avec la société commerciale. Elle a la responsabilité de développer les ressources du football professionnel. Il faut que tout le monde tire dans le même sens. Les clubs doivent aussi prendre conscience que c’est une période de vache maigre, ça veut dire qu’il y a des choix à faire au niveau des contrats, des salaires et des rémunérations. C’est tout un travail, un chantier énorme qui doit s’ouvrir et pas toujours espérer qu’un sauveur arrive et pose des milliards sur la table. On l’a vu avec l’arrivée de CVC, tout le monde a pensé que le football français était sauvé. En fin de compte, on a rétabli des comptes sur un an ou deux et puis on se retrouve dans la même situation.
Vous étiez déjà inquiet il y a quelques mois avec votre rapport, êtes-vous encore plus inquiet aujourd’hui?
Je suis inquiet par rapport à certains clubs. On voit bien que les clubs détenus par des fonds comme le Qatar n’auront aucun problème pour traverser une zone de très forte turbulence. Je suis plus inquiet pour les clubs de deuxième partie de tableau du championnat de France ou pour les clubs de Ligue 2. Ce sont des présidents et des propriétaires qui ont posé des investissements personnels. Au regard des prévisions de la DNCG, les clubs seront obligés de faire des coupes dans les budgets ou de licencier des personnels. Et pourquoi pas des ventes de certains clubs... Avec une vision de voir des fonds d’investissement qui viennent faire de la spéculation financière dans le football français.