Coupe de France: La renaissance d'Annecy, qui va défier l’OM ce mercredi

Ils seront de la "transhumance" savoyarde – 20 bus emmenant 1.000 supporters – vers les rives de la Méditerranée ce premier jour de mars. Mais Philippe, écharpe du club autour du cou et Yann, sous sa casquette en salivent déjà, une semaine avant, en ce mercredi de février plutôt doux au pied des montagnes des Aravis, orphelines de neige. Le long de la main courante du terrain d’entraînement conduit par Laurent Guyot, ils bavardent, échangent, chambrent et plaisantent sur un seul sujet: ce match face à l’OM. Ils se pincent presque pour y croire: "il a fallu attendre 29 ans pour retrouver la Ligue 2 et maintenant, c’est la première fois qu’on est en quart, lance Philippe. Découvrir le Vélodrome, dans tous les cas, cela restera un bon souvenir." Quant à Yann, qui a migré de sa Bretagne natale vers les rives du lac d’Annecy, il dresse son constat enthousiaste: "La Savoie, ce n’est pas une terre de foot comme en Bretagne chez moi où il y a des clubs partout. Mais je sens l’amour qui commence à gagner ce club. Surfer sur cette vague-là, c’est cadeau."
Un cadeau qui s’est donc fait attendre car Dame Coupe, pourtant plus que centenaire, ne s’est jamais invitée dans l’histoire du club qui l’est presque (né en 1927), au contraire de l’ex-voisin de l’ETG, Evian Thonon Gaillard (finaliste en 2013 face à Bordeaux), Rumilly (National 2, demi-finaliste de l’édition Covid en 2021) ou encore Chambéry en 2011 (quart de finale) et 2023 (16e face à l’OL) dans une région Rhône-Alpes qui compte à ce stade, deux autres clubs (Lyon et Grenoble qui s’affrontent d’ailleurs). Ce sera donc le premier quart de finale de l’épreuve du "FCA", excepté celui dans un format inédit en 1942: "Y a une belle opportunité à saisir, ajoute Yann. C’est la cerise sur le gâteau d’une saison au début de laquelle nous aurions tous acheter cela. C’est la fraîcheur qu’il y a dans cette équipe qui nous fait rêver."
"On sent l'émotion"
Plus que ces fans, Jonathan Goncalves savoure en tant qu’Annécien de naissance (1989) et licencié au club depuis ses 9 ans: "C’est forcément une immense fierté pour moi qui porte, ce maillot depuis 25 ans, avoue-t-il. C’est gratifiant. En DHR (R2), le club était dans l’ombre de l’ETG qui était là avec 150 personnes au bord du terrain les soirs de match sur un terrain de l’agglomération. Et là, on sent l’émotion de pouvoir profiter de cette affiche face à l’un des plus grands noms de France, c’est top. Je pourrais être fier de ce parcours. Avec ces montées successives et ce tour de Coupe, nous écrivons l’histoire."
Cette histoire d’une ascension vers les sommets d’une ex-place forte – au siècle dernier – du foot rhônalpin, Jonathan Goncalves en est un acteur particulier (lui dit "atypique"): il a grandi en même temps qu’Annecy grimpe dans la hiérarchie: "J’ai du mal à parler de carrière, car c’est de l’inattendu", explique celui qui a signé son premier contrat professionnel, au bout de 24 ans de licence, à 33 ans le 22 juillet 2022, quand le FCA arrive en Ligue 2. "J’avais construit une vie en dehors de ma passion du foot avec les études et un travail dans l’assurance car le club à l’époque, au niveau où il était ne me permettait pas de vivre pleinement ma passion. J’en profite à fond." Même si le temps de jeu s’amenuise à 34 ans dans l’antichambre de l’élite: "A chaque montée, je pensais que cela allait être compliqué, que je faisais l’année de trop et que j’avais atteint mon plafond. Mais en même temps, je me répondais dans mon for intérieur: "et pourquoi pas", rembobine-t-il. "Mais j’ai travaillé en plus et je n’ai jamais rien lâché avec beaucoup de résilience. Cette année, j’ai moins de temps de jeu mais je garde cette passion et cet enthousiasme. J’en fais une force pour avancer."
"Le club a mis longtemps à se reconstruire"
Le défenseur savoyard peut donc tout raconter de l’histoire contemporaine de son club, ces trois montées de Régional 2 à National 2, entre 2013 à 2016, les quatre années à cet étage puis cette montée en National en 2020 dans le championnat Covid grâce à la pole du championnat au moment de l’arrêt du championnat. Il y a aussi 2020-21 où tout se joue sur un fil : dernier à la mi-mars, éliminé par le (petit) voisin, GFA Rumilly en Coupe de France, le FC Annecy se sauve avec Rémy Dru, ex de l’ETG et éducateur à l’école de foot qui reprend au pied levé le groupe en mars 2021 : résultat, il prend 22 points sur 24 possibles sur les 8 derniers matches et sauve le club. A l’intersaison, Laurent Guyot, prend contact avec les dirigeants pour humer l’air d’un club dont il sent de loin, une vraie dynamique. Il veut en être un acteur. Il séduit les dirigeants et onze mois plus tard, le 13 mai 2022, dans un Parc des Sports rempli jusqu’aux cintres, le FCA accède à la Ligue 2, 29 ans après avoir quitté ce qui s’appelait alors, la deuxième division "groupe B" grâce à son succès sur Sedan (2-0)!
C’est donc son président Sébastien Faraglia qui s’en charge: "Le club a mis longtemps à se reconstruire après avoir explosé dans les années 90 et sa liquidation judiciaire en 1993, se souvient-il. Cela a amené une traversée du désert pendant 15 ans. Nous avons bouffé notre pain noir pendant longtemps..." Lui comme Stéphane Loison qui lui a laissé le rôle de patron après l’accession en Ligue2 et Jean Philippe Nallet, le directeur sportif de toujours ont œuvré sans relâche depuis un septennat aux commandes: "Nous, notre travail, c’est de pérenniser le club en L 2 pendant 10 ans, lance Jean Philippe Nallet. Nous avons des partenaires depuis longtemps qui n’ont pas vécu des années top, quand nous étions dans des divisions régionales. Ce match leur est aussi dédié, pour leur engagement durant ces saisons. Si dans le foot, on est patient et que tu t’inscris dans une dynamique, le travail paie!"
Sébastien Faraglia complète: "Nous avons reconstruit depuis 2015, patiemment avec une entité annécienne forte: en N2, 100% de nos joueurs sont formés au club. Ensuite, nous accédons au National avec 60% des joueurs issus de la formation. Nous voulons un projet de territoire, nous voulons embarquer le tissus économique local dans cette aventure, avec 200 entreprises de la région qui nous suivent. Tout ce travail de fond est récompensé par ce match de gala."
Il reste au plan local à bien œuvrer avec les politiques, notamment au sujet d’un Parc des Sports vieillissant. Sans parler de la pelouse, parfois à la limite du praticable, même au cœur d’un hiver sec et peu froid: "Ce sera la prochaine planète à aligner, promet Sebastien Faraglia qui s’est déjà mis au travail sur ce sujet. Avec la ville, l’agglomération et le département, nous devons repenser de manière rapide et pertinente la modernisation du stade pour répondre aux enjeux de demain. Le dernier pavé à mettre, c’est l’infrastructure."
"Le groupe est à l’image du club, il a faim et est ambitieux"
Mais pour le reste, jusque là, tout va bien: "La recette, c’est de la continuité sur tout le travail fait continuité dans les valeurs, la qualité du travail et l’expérience dans le recrutement, énumère de l’intérieur, Jonhatan Goncalvès. Nous avons une force collective, généreuse dans l’effort et enthousiaste." Son DS, qui doit jongler avec un budget de 10 millions d’euro, l’un des moins importants de Ligue 2 en recrutant en prêt, en National ou en N2 tout en réussissant à amener Vincent Pajot, abonde: "le groupe est à l’image du club, il a faim et est ambitieux. Cela correspond à ce que nous faisons, nous les dirigeants."
A Marseille, Annecy veut donc croquer à pleines dents l’instant présent, dans une accélération de l’histoire récente: "En deux jours, nous avons rempli vingt bus pour emmener 1000 personnes au Vélodrome et plus de 130 partenaires dans un espace hospitalité au stade, détaille Sébastien Faraglia à la tête d’un club depuis juillet 22. Il y aura tous nos éducateurs et nos bénévoles. Au début de saison, nous n’imaginions pas vivre cette année, la Coupe, ce championnat mal démarré mais qui se poursuit de façon honorable avec un "derby" Annecy-ASSE à guichets fermés en décembre. Tout cela créé un formidable excitation. C’est fabuleux, fabuleux, fabuleux." Et quand Jonhatan Goncalves espère "les titiller" (en parlant des Marseillais), Philippe et Yann en veulent encore plus: "Pourquoi pas passer! Marseille attend un titre depuis longtemps et ils ne vont surement pas laisser passer l’occasion. Après, c’est la Coupe et c’est un match…" (Philippe) "Dans un coin de la tête, y a toujours l’idée que l’exploit est possible." (Yann)
Un enthousiasme qui gagne les sommets du club: "C’est un moment d’exception à vivre! lance Jean Philippe Nallet. La Coupe, c’est pour les joueurs. Si j’avais quelque chose à leur dire, c’est d’aller au vélodrome non pas pour une visite touristique ou un défilé de mode. Mais pour ramener un résultat."