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National: la patiente reconstruction du FC Annecy, officiellement promu en Ligue 2

Vainqueur de Sedan ce vendredi (2-0) lors de la dernière journée de National, Annecy retrouve la Ligue 2, 29 ans après son dernier passage. Retour sur la reconstruction patiente du club, couronnée par cette cinquième montée sur les neuf dernières années.

Dans son Parc des Sports à guichets fermés (13.500 spectateurs), Annecy a arraché vendredi soir l'accession en Ligue 2, grâce à une victoire 2-0 contre Sedan dans le cadre de la 34e et dernière journée du championnat de National 1.

En ce soir d’août 2016, le 30 pour être précis, sur la terrasse d’une table réputée de la région, avec vue imprenable sur le lac, les estomacs des convives ne sont pas mis en appétit uniquement par les plats préparés par le chef Yoann Conte. Les "PowerPoint", pleins d’ambitions et de partage de leur passion commune, présentés en guise d’apéritif à un parterre de chefs d’entreprises, en sont (principalement) la cause. Car ce soir là, l’équipe dirigeante du club, autour de Stéphane Loison, le président de l’association, Sébastien Faraglia, le futur boss de la SAS du FC Annecy et leur directeur sportif, Jean Philippe Nallet, affichent leurs ambitions.

Ou plutôt les "ré-affichent".  Depuis 2010, quelques passionnés (et/ou nostalgiques) du ballon rond entre lacs et montagnes de Savoie s’ingénient à rassembler les forces vives, humaines et économiques, peu enclines à l’époque à rechausser leur enthousiasme et leur chéquier. Il faut dire que la dernière aventure footballistique à Annecy venait de se terminer sur une liquidation. Pourtant, ces "pionniers" y croient tellement fort qu’ils ont couché sur le papier le projet: "Cap 2015", avec l’objectif d’être dans un championnat national à cet horizon. Ils partent de loin, le "Fécé" comme on l’appelle, végète dans les dernières divisions de la Ligue Auvergne Rhône Alpes.

Dans l'ombre d'Évian Thonon Gaillard

Il leur faut de la persuasion à l’époque car la "mode" pour les amateurs de ballon rond des deux Savoie, épouse les contours d’un maillot aux couleurs d’une célèbre boisson minérale (Évian), c’est-à-dire le rose: Évian Thonon Gaillard, montée en vitesse de National à Ligue 2 (2010) puis de Ligue 2 à Ligue 1 (2011) en recrutant des vieux grognards de la Ligue 1 (Cédric Barbosa, Olivier Sorlin ou encore Claudio Caçapa, l’ex capitaine de l’OL) truste toutes les attentions, politique (Franck Riboud, le patron de Danone est un capitaine d’industrie écouté en Haute-Savoie), économique et grand public.

Tout le monde veut être vu dans les pas de cet "OFNI", (objet footbalistique non identifié), né à 85 kilomètres de là, de la volonté et du carnet d’adresse de son actionnaire de référence, Danone entre différentes entités autour de Gaillard et Thonon, avec vue sur la Suisse voisine. Ce club fait battre le cœur de la région avec comme point d’orgue, une finale de Coupe de France en 2013 et des maintiens "confortables" durant ses trois premières années en Ligue 1, que le club d’un "clan", les Dupraz (Jo, le père et fondateur, Pascal, le fils, directeur sportif et entraîneur et Julian, petit-fils et directeur de la communication) porte.  En mode "STF", sans stade fixe, l’ETG rayonne et élit domicile à Annecy pour ses rencontres officielles.

La pyramide inversée 

Bien vite, l’OFNI se brûle les ailes et mue en comète : rattrapé par des querelles d’actionnaires, le club se meurt peu à peu et dégringole aussi rapidement qu’il est monté. Le vent a déjà un peu tourné en mai 2015 : quand l’ETG chute d’un premier étage, sur un anonyme terrain de la banlieue d’Annecy, à Cran Gevrier, le FCA grimpe en National 3. Les dynamiques s’inversent définitivement, douze mois plus tard : l’ETG trébuche une nouvelle fois à l’étage du dessous quand Annecy prend une nouvelle fois l’ascenseur. En deux saisons, de cinq divisions, l’écart se réduit à deux …

Tout va encore aller plus vite entre le printemps et l'automne 2016 : l’ETG quitte en mai la Ligue 2 presque sans lendemain qui vaille. L’entité sera rayée de la carte sportive en juillet, puis de la carte économique en décembre avec tous les employés éparpillés façon puzzle en quelques semaines.

Et quand en ce mois d’août 2016, Aimé Jacquet joue l’invité vedette de cette présentation, ce n’est pas pour une master-class sur sa carrière, lui qui passe sa retraite à quelques mètres de là. Le premier sélectionneur français, champion du monde, vient témoigner de son attachement à cette lente reconstruction qu’il suit de près : en quatre ans à l’époque, le FCA vient de passer de Régional 2 à National 2, soit trois montées en quatre saisons.

Stéphane Loison, Sébastian Faraglia et Jean Philippe Nallet, ce soir-là exposent donc le deuxième étage de la fusée : "Twenties", pour l’horizon 2020 avec le National comme objectif. Symbole d’une forme de "passation" de pouvoir entre l’ETG et le FCA, Olivier Sorlin, ex-capitaine d'Évian signe... à Annecy. Et l’un des principaux partenaires financiers de l’ex-ETG, l’entreprise Bontaz change le destinataire de ses chèques de sponsoring : il y écrit FC Annecy désormais. La boucle est bouclée : l’ETG est morte, vive le Fécé ! Comme on est proche de la Suisse, ce dernier est à l’heure : au début des "Twenties", après quatre saisons sur le podium de National 2, le club haut-savoyard prend l’ascenseur en … 2020 pour le National !

Un retour difficile au haut niveau

La première saison en 3e division française tourne d’abord à la catastrophe, avec une dernière place au cœur de l’hiver et l’humiliation d’une élimination face au (petit) voisin Rumilly, qui lui vole la vedette par son épopée en Coupe de France (élimination en ½ face à Monaco). Un changement interne d’entraîneur salutaire sauvera de la relégation au printemps 2021. Puis, à l’intersaison, en plus de la structuration du club en SAS avec un rôle de team manager dévolu à l’un des pionniers, Stéphane Loison, Laurent Guyot, habitué de cette division, prend les commandes de l’équipe et au prix d’un finish express entre mi-mars et mi-avril (22 points pris sur 24 possibles), le FCA s’accroche aux places donnant accès directement à la Ligue 2. C’est chose faite ce vendredi, avec cette 5e montée sur les 9 dernières années, 29 ans après sa dernière apparition à ce niveau du football français (1993).

Si le plus dur commence, car le football en Haute-Savoie s’est terminé à chaque fois à la barre du tribunal de commerce à la case "liquidation" (Thonon en 1987, Annecy en 1993 et ETG en 2016), les dirigeants veulent savourer leur soirée réussie du vendredi 13 mai 2022 devant 13.500 spectateurs au Parc des Sports. Ils ont presque dépoussiéré le record maison (14.584 spectateurs), qui date de 30 mars 1993 pour un 16e de finale de Coupe de France face au PSG de David Ginola. 1993, sa dernière année de présence en Ligue 2.

Quant au reste, Stéphane, Sébastien et Jean Philippe n’ont, pour le moment pas inscrit à court terme, à leur agenda, de soirée "powerpoint-présentation-partenaire" sur la terrasse de leur table préférée. D’autant qu’il faudra peut-être inviter plus de monde. Mais ce printemps n’en sera pas moins succulent. Et historique.

Edward Jay