Ligue 2 : pourquoi Auxerre vit « un désastre »

Frédéric Sammaritano (Auxerre) - -
Il ne reste que trois matchs à Auxerre pour sauver sa tête en Ligue 2. Quatre défaites d’affilée, six matchs de rang sans victoire et l’AJA se retrouve en position de relégable pour la première fois de la saison. Premier des trois rendez-vous capitaux, ce mardi contre Le Havre (20h45). Le match à gagner absolument. Ensuite, ce seront un déplacement à Arles-Avignon et la réception de Nancy qui clôtureront le chemin de croix des Icaunais. Reportage en ville pour savoir comment on en est arrivé là…
Des choix sportifs douteux
Tous ne le disent pas de manière ouverte, mais les choix de Gérard Bourgoin, de retour à la présidence en mai 2011, sont directement montrés du doigt. Bourgoin reprend le club en Ligue des champions avec 20 M€ dans les caisses, il le laisse avec un trou de 5 M€. Principale cause, l’achat de joueurs qui n’ont pas le niveau. Certains n’ont que quelques matchs en Ligue 2 dans les pattes, d’autres n’ont jamais percé au haut niveau, certains jeunes ne sont pas intégrés… En mars dernier, Bernard Casoni est viré et remplacé par Jean-Luc Vannuchi. Difficile de suivre la ligne de l’ancien entraîneur du Paris FC et de Martigues, en match comme à l’entraînement... Guy Cotret, président depuis avril 2013, est également critiqué. Même si tout le monde reconnait sa bonne volonté, la vente de Paul-Georges Ntep à Rennes en janvier dernier (5 M€), alors que le club était en difficulté financière et dans le viseur de la DNCG, est assez mal digérée. Il fallait peut-être vendre le meilleur joueur de l’AJA, mais pourquoi ne pas avoir attendu la fin de saison ?
« On a eu affaire depuis deux ou trois ans à une noria de transferts pour d’obscures raisons, pas toujours sportives, déplore Christian Sautier, un ancien journaliste qui travaille désormais au service communication de la mairie, observateur attentif de l’AJA depuis de nombreuses années. On a vu des joueurs étrangers faire un passage, rester une année, ne même pas accepter de jouer en réserve. Quand Auxerre se permet de casser ses fondamentaux pour rentrer dans une logique qui n’est adaptée à une ville de 35 000 habitants, ça provoque inévitablement un désastre sportif. Mais aussi un désastre tout court pour une ville qui ne se reconnait plus dans le football business. » L’AJA a pourtant encore la recette pour produire des jeunes de qualité. Elle a remporté la Coupe Gambardella pour la 7e fois le week-end dernier.
Une mauvaise transmission
Le trio Bourgoin-Hamel-Roux a fait les beaux jours de l’AJA. Mais au moment de partir, personne n’a transmis le flambeau dans des bonnes conditions. « Comme si on souhaitait que le club meurt avec eux », murmure-t-on dans l’entourage de l’AJA. Résultat, le club enchaîne les entraîneurs, surtout depuis le départ de Jean Fernandez en 2011 (Fournier, Wallemme, Casoni, Vannuchi), sans réel projet. Il y a même eu le putsch de Gérard Bourgoin en 2011, qui a coûté sa place à Alain Dujon, le garagiste devenu président en 2009 qui avait vu l’AJA finir 3e de Ligue 1 et jouer la Ligue des champions. Mais les « anciens » l’ont éjecté pour revenir aux commandes, dans une ambiance de braquage du conseil d’administration plutôt surréaliste. Pas vraiment ce à quoi Auxerre avait habitué le football français...
La passion en berne
Aujourd’hui, les supporters n’y croient même plus. Dans les rues d’Auxerre, c’est même impressionnant de constater avec quel fatalisme ils vivent la situation. Ils étaient une quarantaine lors de l’entraînement, ce lundi. Tout s’est bien passé, sans éclat de voix, sans que les supporters essayent de faire bouger les choses. Comme si tout semblait écrit, comme si la passion s’était envolée… « Avant, on vendait 1 500 maillots dans les années fastes, sur dix mois de saison, explique Patrice Loiseau, ancien joueur du club et patron d’un magasin de sport à 300m de l’Abbé-Deschamps. Maintenant, si on en vend entre 30 et 50 par saison, c’est vraiment le maximum. L’AJA représentait entre 25 et 30% de mon chiffre d’affaires il y a dix ans. Maintenant, c’est 0,005%... » Constat terrible de Christian Sautier : « Cette ville n’aime plus autant son club qu’avant. Ce club ne raconte pas l’histoire de la ville comme avant. On sent un véritable détachement. » Pour ce match contre Le Havre, l’AJA mise sur un sursaut du soutien populaire en proposant toutes les places de l’Abbé-Deschamps à cinq euros.
Où sont les anciens ?
Fabien Cool, Pascal Vahirua, Raphaël Guerreiro, Yann Lachuer, Gérald Baticle… Autant de joueurs qui espéraient ou souhaitaient jouer un rôle au club ou qui ont joué un rôle comme Guerrero, entraîneur des jeunes et récemment viré et Vahirua, qui a claqué la porte. Aucune concertation auprès des anciens n’est assurée. Et pourtant, dans une ville de 35 000 habitants, où tout le monde se connaît, ce n’est pas ce qui manque... « Il faut oublier le passé, soutient Alain Fiard, l’ancien adjoint de Guy Roux, revenu dans le staff. Il faut penser à ces trois matchs et faire le maximum pour prendre les neuf points. Des clubs formateurs comme Nantes et Sochaux ont aussi connu un passage à vide. Il faut vite rebondir pour éviter une chute beaucoup plus importante. » L’AJA risque de remonter le temps. La 3e division, elle l’a quittée il y a 40 ans…