Chelsea-Lille: chattes, Paganelli et Beatles... quand Joe Cole faisait une arrivée marquante au LOSC

Dernières retouches, derniers râteaux, derniers "panic-buy". Ce 31 août 2011, c’est l’affolement un peu partout en Europe. Il ne reste plus qu’une poignée d’heures avant la clôture du mercato estival et les clubs mettent les bouchées doubles pour s’offrir le joueur de leurs rêves. La Roma signe Miralem Pjanic et Simon Kjaer, Diego Forlan et sa chevelure de feu débarquent à l’Inter, alors que la Juve croit tenir un nouveau crack avec le Néerlandais Eljero Elia. En France, on annonce Marco Borriello à l’OM, Federico Balzaretti vers le PSG et Vicenzo Iaquinta dans le viseur des Girondins de Bordeaux. Mais le gros coup de la journée est réussi par le Losc.
Le communiqué tombe à midi : "Lille, Liverpool et Joe Cole se sont mis d’accord pour le prêt de l’attaquant international anglais. Ce dernier s’est engagé en faveur de l’écurie losciste pour une saison." Le milieu de terrain de 29 ans vient de rembarrer Aston Villa pour dire oui à Michel Seydoux. "J'avais des offres en Angleterre, dit-il lors de sa présentation. J'ai toujours aimé les défis. Je sais que Lille joue bien et que c'est un bon club, familial. J'ai toujours voulu partir jouer à l'étranger. J'adore le foot, j'adore en voir et en parler. Ce sera une grande expérience et un défi de jouer pour une équipe qui veut progresser".
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Une histoire de chiens... et de chattes
Avec Joe Cole, le champion de France 2011 recrute une pointure. Un taulier qui pèse 329 matchs de Premier League, trois titres de champion et une finale de Ligue des champions avec Chelsea, sans oublier dix buts en 56 sélections avec les Three Lions. Joe Cole, c’est ce joueur que tout le Royaume-Uni s’est arraché avant même sa majorité, comparant son style de jeu à un certain Paul Gascoigne. C’est sur lui que les Red Devils ont posé 10 millions de livres avant de se manger un refus de West Ham, bien décidé à le voir grandir encore quelques années aux côtés de son pote Michael Carrick. En 1999, ces deux-là décrochent la FA Youth Cup, l'équivalent en France de la Gambardella, en collant en finale un 9-0 à Coventry. Quatre ans plus tard, Joe Cole fait le grand saut en rejoignant Chelsea. Carrick filera lui l’année suivante à Tottenham.
Chez les Blues, c’est en le comparant à Gianfranco Zola, légende du club, que Claudio Ranieri accueille son nouveau numéro 10. "Il peut jouer partout au milieu, il sait dribbler et il est très intelligent. En fait, il est fantastique", lance l’entraîneur italien, qui ne sera pas déçu. Joe Cole reste sept saisons à Chelsea. Tour à tour meneur de jeu, relayeur, deuxième attaquant ou exilé sur un côté, ce garçon discret hors des terrains gagne vite le respect des supporters et ne déçoit jamais.
Chelsea, c’est un peu toute sa vie. En 2010, il file pourtant à Liverpool mais regrette aussitôt son choix. Et ressent le besoin de changer d’air. Direction le nord de la France. Le Stadium-Nord adopte vite cet Anglais qui montre d’entrée qu’il est loin d’être cramé (passeur décisif pour son premier match, buteur deux semaines plus tard), et qui fait tout pour s’intégrer malgré un français pour le moins approximatif. On dit qu’il va vivre à Londres et prendre l’Eurostar tous les matins pour venir s’entraîner ? Il dément et choisit de déménager à Lille. On rapporte qu’il ne fera aucun effort pour la langue ? Il prend tout de suite des leçons de français.
"J’avais mes cours tous les jours et je lisais L’Equipe. J’ai essayé d’apprendre la langue. Je regardais la télé française, j’écoutais la radio", confiait-il en mai dernier auprès du média britannique FootballJoe. Avec une savoureuse anecdote : "J'étais nul en français, je détestais les langues. Je pensais que je savais juste dire "j’aime les chiens" et ce que je pensais être "j'aime les chats". Un jour, je suis allé au centre d'entraînement et il y avait un gars qui s'appelait Jeff, un Belge, le masseur, qui parlait très bien anglais. Je suis entré dans la salle et Jeff m'a dit : "Que peux-tu dire en français ?" J'ai pensé dire : "Je ne sais rien", mais j'ai dit : "J'aime les chiens et j'aime les chattes." Mais en fait, j'ai dit : "I love pussy ("j'aime la chatte")." Après ça, j'entre dans le vestiaire avec Hazard, Payet et tout le reste et je dis : "Salut les gars, j'aime la chatte !" Et là ils ont éclaté de rire en se pissant dessus, Jeff était même par terre. Alors on m'a appelé, à partir de ce jour-là, "Mister Cat", "Mister Pussy", la totale... Bref, ça a brisé la glace avec tout le monde."
"The public is for you, magic Joe Cole !"
L’attaquant belge Gianni Bruno, coéquipier de Joe Cole à Lille cette saison-là, racontait cette intégration parfaite dans So Foot : "C'est un très grand joueur qui arrive, mais surtout, le mec, c'est la classe. Toujours le premier arrivé, toujours le dernier parti... Il travaillait comme un fou, comme un petit jeune, alors qu'il n'avait rien à prouver ! (…) Toujours prêt à aider alors que dans le même temps tout le monde voulait son maillot." Joe Cole n’a besoin que de quelques semaines pour mettre tout le monde dans sa poche. Son sourire ne le quitte jamais, sa simplicité impressionne et ses prestations sont plus que correctes sous les ordres d’un Rudi Garcia qui l’aligne soit sur un côté soit en soutien de l'attaquant.
Il a même droit à son chant en tribunes sur l’air du mythique "Hey Jude" des Beatles. Les supporters lillois n’ont sans doute pas oublié son triplé réussi un soir de janvier face aux amateurs de Chantilly (6-0) en Coupe de France. Ni son interview lunaire par Laurent Paganelli en direct sur Canal+ à base de "The public is for you, magic Joe Cole !" Au total, Joe Cole à Lille c’est neuf buts et six passes décisives en 43 apparitions toutes compétitions confondues. Ce bon bilan statistique ne dit toutefois pas tout de son importance dans le vestiaire. "C’est un joueur apprécié, répète à l’époque Rudi Garcia. C’est un vrai exemple à l’entraînement ou en match. Malgré son statut et son palmarès, il donne le meilleur de lui-même sur le terrain. C’est appréciable de voir comment il se comporte."
A la fin d’une saison bouclée à la troisième place de la Ligue 1 mais décevante sur la scène européenne (élimination en phase de groupes de la Ligue des champions), le souhait de Joe Cole est simple : poursuivre son aventure lilloise. Mais son salaire (430.000 euros par an dont deux tiers pris en charge par Liverpool) est un frein et Lille le laisse finalement repartir. "J’ai adoré cette expérience, dit-il au moment de retrouver les Reds. C’était un pari risqué, un vrai défi que de quitter la Premier League. Je n’avais jamais joué dans un autre championnat, mais j’ai eu envie de tenter cette nouvelle aventure avec ma famille. J’ai apprécié ce football, on a connu une belle saison. L’objectif était pour nous de terminer troisième, on y est arrivé. C’est un bon groupe de potes, et une vraie belle équipe." Il passera la saison suivante à cirer le banc en Premier League, avant de rebondir à West Ham. Tout en jouant au passage les intermédiaires entre Lille et Chelsea pour le transfert d'Eden Hazard à l'été 2012. Le Belge a récemment révélé que Joe Cole avait joué un rôle majeur dans sa signature : "Je lui parlais beaucoup avant de signer à Chelsea. Chaque jour, il me disait que Chelsea serait le meilleur club pour moi. Il me disait que Chelsea était un grand club où je pourrais remporter des titres chaque saison. C'est pour cela que j'ai signé, alors merci Joe Cole."
C'est en 2018 que la carrière de l'Anglais s'est arrêtée après une dernière pige aux Etats-Unis. Reconverti un temps comme entraîneur de jeunes, puis comme consultant, il aura forcément un œil sur cette double confrontation entre Lille et Chelsea en huitièmes de finale de la Ligue des champions (22 février et 16 mars sur RMC Sport).