L’époustouflante explosion de Serhou Guirassy, buteur modeste de L1 devenu tueur en Ligue des champions

Les supporteurs du Stade Rennais ont enfin trouvé de bonnes raisons de se réjouir au cœur d’une saison plus que morose. Plusieurs anciens pensionnaires de l'équipe bretonne brillent actuellement en Europe, comme Ousmane Dembélé ou Désiré Doué avec le PSG. Mais aussi Serhou Guirassy (28 ans), actuel meilleur buteur de la Ligue des champions (10 buts) avec le Borussia Dortmund.
L’international guinéen (22 sélections, 9 buts), qui a porté le maillot des équipes de France jeunes, a égalé les superstars Robert Lewandowski et Erling Haaland au nombre de buts inscrits sur une saison en Europe avec Dortmund.
"Un garçon qui voulait réussir"
Buteur et passeur décisif à Lisbonne (0-3) lors du barrage aller de Ligue des champions contre le Sporting CP, Serhou Guirassy pourrait ainsi dépasser le Polonais et le Norvégien lors du match retour ce mercredi. Et ses performances illuminent autant qu’elles étonnent les habitués du championnat de France.
Comment l’attaquant formé à Laval, en échec à Lille, puis passé par les plus modestes équipes de Cologne et Amiens a-t-il pu s’installer devant toutes les gâchettes d’Europe, au point d'être dégoûté de ne pas figurer dans le top 30 des derniers nommés au Ballon d'or? La question se pose à Rennes où il avait été recruté pour un prix élevé (15 millions d’euros) en 2020 pour porter l’attaque bretonne lors de la première participation du club en Ligue des champions.
Il avait certes inscrit son nom dans l’histoire en devenant le premier buteur de Rennes en C1 contre Krasnodar sur penalty mais sans jamais faire l'unanimité. L’attaquant avait signé deux saisons honorables (13 buts, puis 12 buts) avant de partir à Stuttgart sur un petit sentiment d’inachevé en 2022 et à un prix en-deça de celui lâché pour son acquisition (prêté en 2022, il avait été vendu 9 millions d’euros en 2023).
Alors adjoint de Julien Stéphan sur le banc rennais, Mathieu Le Scornet conserve pourtant un très bon souvenir du joueur. "C’était vraiment un garçon qui voulait déjà réussir", se rappelle-t-il. Son rendement limité a pu crisper le public dans un contexte rendu pesant par le montant de son transfert et d'une légitimité à gagner après avoir brillé dans un club de bas de tableau (Amiens). "En fonction des attentes et des résultats, il y avait un petit décalage mais il n'a jamais baissé les bras. Il a toujours continué à travailler et il a appris de toutes ces expériences-là", assure Le Scornet.
Son redoutable sens du but actuel est resté trop intermittent pour une autre raison, selon l’actuel entraîneur des U21 de Strasbourg. "Il ne se retrouvait pas forcément dans des situations dangereuses", analyse-t-il. "On n'avait pas encore une équipe dangereuse offensivement. Quand on est numéro 9, on est vraiment tributaire du travail collectif, avec normalement le rôle de pouvoir faire le dernier geste."
"On n'avait pas trouvé la bonne carburation par rapport à notre animation offensive pour qu'il puisse performer", estime l'adjoint.
Tout le contraire de ce qu’il a trouvé en Allemagne. Car Guirassy s’est transformé en machine à buts à Stuttgart en terminant deuxième meilleur buteur de la Bundesliga la saison dernière (28 buts) derrière l’intouchable Harry Kane (36). "En Allemagne, c'est un jeu beaucoup plus ouvert", souligne Le Scornet. "Il y a énormément de situations de transition dans les matchs. Des équipes attaquent sans forcément d'équilibre et des espaces se libèrent. Il y a une propension à utiliser des espaces plus grands que face à certains 'blocs-équipes' français." Guirassy en profite bien et Dortmund a dépensé 18 millions d’euros pour le recruter l’été dernier pour remplacer Niclas Füllkrug (West Ham).
Plus létal en Ligue des champions qu'en Bundesliga
Si sa réussite en Bundesliga est moindre et un peu critiquée cette saison (9 buts en 18 matchs), son nouvel entraîneur Niko Kovac le défend farouchement en avançant, comme à Rennes, un apport trop faible de ses partenaires pour le combler. "C'est un attaquant exceptionnel. Il a fait de gros progrès", a récemment confié le Croate. "Si l'équipe ne se crée pas quatre ou cinq grosses occasions par match, un avant-centre aura du mal. Il vit aussi aux crochets de ses coéquipiers."
Avec 19 buts et 4 passes décisives toutes compétitions confondues, son rendement reste supérieur à ses standards rennais. "Il est dans un âge où il a pris la mesure de ses expériences", estime Mathieu Le Scornet, qui loue la grosse force de caractère de son ancien joueur. Et sa foi inébranlable en sa réussite.
"Il a toujours été convaincu qu'il pouvait marquer et aider l'équipe à marquer des buts", explique-t-il.
"C'est un joueur qui aime aussi jouer au foot, décrocher, participer à la relance, à la remontée du ballon et combiner avec ses coéquipiers. Il l'avait fait à Rennes, mais ce n’est pas forcément lui qui bénéficiait des situations les plus dangereuses à l’arrivée."
C’est désormais le cas en Allemagne et en Europe. Et ce n’était, après tout, pas si farfelu de le penser. "Les trajectoires ne sont pas linéaires mais le potentiel a toujours été là", conclut Mathieu Le Scornet. "C’est dommage pour Rennes qu'il ne se soit pas exprimé pour faire encore plus de performances notables."