"Ils rêvent de devenir le prochain phénomène du soccer": aux Etats-Unis, le lent développement de la formation des joueurs

“On peut devenir riche et célèbre en suivant le chemin du football”, promet le président de la Fifa Gianni Infantino en s’adressant aux jeunes Américains. Sa phrase a beau agacer nombre d’éducateurs en Europe, elle a le mérite d’être entendue aux Etats-Unis, et depuis quelques années déjà.
Finie l’époque où seuls les sports US pouvaient mener vers le professionnalisme. “Depuis l’arrivée de Messi, il y a une tendance : de plus en plus d’enfants rêvent de devenir le prochain phénomène du soccer”, nous assure Laurent Newsome, directeur technique des catégories jeunes à la PSG Academy de Miami.
Autour de Miami, c’est vrai plus que partout ailleurs aux USA. "C’est l’endroit où il y a le plus d’académies de tout le pays, c’est très saturé", décrit Claude Anelka, frère de Nicolas, qui travaille dans des académies du sud de la Floride depuis une quinzaine d’années. Le résultat de l’influence de la “culture latino” omniprésente dans la région selon lui, mais aussi "du désir énorme des US de faire progresser et développer le football".
Un système "pay to play"
Mais outre-Atlantique, rien ne fonctionne comme en Europe pour détecter les jeunes pépites. C’est un système “pay to play”, où les parents paient pour que leurs enfants puissent jouer dans les académies. "C’est à peu près entre 2000 et 3000 dollars, parce qu’ici on n’a pas de subventions, ni de l'État, de la ville ou de la fédération", précise Claude Anelka.
"À la PSG Academy, tu payes pour l’expérience de l’académie, et en fonction de ton niveau, tu es mis dans la meilleure position pour t’améliorer", assure Laurent Newsome. Comme le Barça, la Juventus et d’autres, le Paris Saint-Germain s’est installé dans la région en 2020, s’ajoutant aux académies locales déjà nombreuses en Floride. "Ici, tout vient de Paris. Les joueurs suivent des séances d'entraînements authentiques, les mêmes qu’à Paris. C’est une opportunité de se rapprocher du football européen dont ils rêvent, que ce soit un chemin pour eux”, promet Laurent Newsome, à la PSG Academy de Miami depuis plus de 9 ans.
"Une légère progression" dans le niveau des joueurs
Mais quand on est un jeune Américain qui joue en Floride, jusqu’où peut nous porter le chemin du foot? "Il y a beaucoup de joueurs dans les différentes académies, mais très peu réussissent", se désole Claude Anelka, notamment passé par les académies de la Juventus et du PSG. "Depuis 15 ans, il y a une légère progression au niveau des joueurs, mais je trouve la progression minime. Pour une vraie progression, il faut de bons formateurs, et trouver des bons formateurs n’est pas évident."
Le profil typique d’un jeune Américain? "La première chose qu’on remarque, c’est que techniquement la plupart des jeunes n’ont pas les fondations, beaucoup plus qu’en Europe", assure le Français. "Les coachs aux USA manquent souvent d’incitation à développer les joueurs naturellement, il n’y a pas d’incitation à construire un joueur par les fondations, parce que tout est alimenté par les résultats", ajoute Laurent Newsome. Pas d’incitation non plus pour les différentes académies locales, qui peuvent voir un club pro leur chiper un de leurs talents, sans forcément recevoir de compensation.
La formation des footballeurs est toujours en développement aux Etats-Unis, où la MLS a cherché à dynamiser le système ces dernières années. En 2020, le principal organisme de football du pays a créé MLS Next, une ligue réunissant plus de 150 clubs à travers le pays, dont 15 en Floride, avec des équipes des moins de 13 aux moins de 19 ans.
Un sport qui doit rattraper ses concurrents américains
Mais pas toujours simple de passer un cap, quand les meilleurs athlètes du pays partent jouer au basket, au foot US ou au baseball. “Ces sports ont une histoire bien plus forte dans ce pays. Le soccer est encore un cran en dessous, on a démarré plus tard donc c’est un challenge", avoue Keidane McAlpine, entraîneur de l’équipe féminine de l’Université de Géorgie, qui voit le football féminin "sur le bon chemin". Plus facile de donner envie aux jeunes joueuses de s’essayer au football, quand sa sélection nationale est la plus titrée de l’histoire de la Coupe du monde.
Aujourd’hui, pour un joueur qui sort d’une académie, plusieurs choix s’offrent: la MLS Next, son concurrent l’USL Academy, ou le football à l’université. Chaque saison, les clubs viennent piocher chez les équipes universitaires lors de la SuperDraft, où 90 joueurs sont sélectionnés. "Le sport universitaire, cela leur permet de passer à un autre niveau", estime Keidane McAlpine. "On les accompagne vraiment pour tout, la nutrition, la condition physique… On les accompagne pour devenir de meilleurs sportifs, mais aussi de meilleurs élèves."
De l’académie, à l’université, à la SuperDraft… Le parcours du combattant ne s’arrête pas là. Sur les 90 derniers talents draftés fin 2024, seuls 22 ont signé un contrat pro en MLS.