Sassuolo: pourquoi Jérémie Boga, parti de Marseille à 12 ans, explose en Italie

Depuis son plus jeune âge, il était destiné à percer au plus haut niveau. C’est finalement par des chemins un peu détournés que Jérémie Boga est en train d’y parvenir. A 23 ans, l’ailier né à Marseille réalise une très belle saison avec Sassuolo en Serie A, dont il se réjouit de la prochaine reprise. Au sein d’une équipe joueuse entraînée par le très offensif Roberto De Zerbi, l'international ivoirien (1 sélection) épate. Il marque des buts (8 buts) et les esprits avec ses statistiques qui en font le meilleur dribbleur du championnat.
"Hormis les grands clubs, je pense qu’il est dans le top 3 des joueurs dont on parle le plus avec Gaetano Castrovilli de la Fiorentina par exemple", situe Simone Rovera, spécialiste de l’Italie pour RMC Sport. Le début d’une nouvelle carrière pour l’ailier? Cela pourrait y ressembler.
Peu connu du grand public en France, le joueur l’est en revanche de la part des recruteurs depuis son plus jeune âge. Les clubs se sont vite pressés à l’ASPTT Marseille, où il a été formé, pour suivre ses performances et tenter de le recruter. A ce petit jeu, Chelsea s’est montré le plus habile en l’enrôlant à 12 ans. Direction Londres donc avec sa famille: son papa d’abord, puis sa maman, son grand-frère et sa petite sœur.

"Je pense qu’il y a eu une certaine impatience et un empressement de le faire partir trop jeune à l’étranger, estime Rolland Courbis. Il était à l’ASPTT de Marseille qui est un club sérieux. Il était nettement au-dessus des autres de ce qu’on pouvait m’en dire. Je me suis renseigné quand je suis arrivé à Rennes pour essayer de comprendre dans quelle situation il était." Rennes, l’un des nombreux clubs de Jérémie Boga qui, à 23 ans, a déjà joué dans quatre pays d’Europe pour cinq équipes différentes.
Car Chelsea ne lui a jamais donné sa chance en équipe première (1 apparition de 18 minutes en 2017-2018). Ce dernier a donc brillé dans les catégories jeunes du club avant d’être envoyé s’aguerrir successivement à Rennes (2015-2016), Grenade (2016-2017) ou Birmingham City (2017-2018). Sassuolo l’a finalement recruté en 2018 pour lui offrir une stabilité nouvelle et un espace serein pour enfin laisser éclater son talent. Cela ne fait pas regretter son choix à Boga. "J’assume totalement d’être parti si jeune", nous confie-t-il. Il estime même être sorti endurci de ces changements de destinations éprouvants.
Courbis: "Ce n’était pas un casse-couille"
Sûr de ses forces, Boga a beaucoup appris, à défaut de marquer les esprits. "Ce n’était pas un casse-couille qui disait ‘je suis un joueur de Chelsea’, situe Courbis. Beaucoup de simplicité, de modestie. Au niveau comportement, il n’y a jamais eu l’ombre d’un problème. Qu’il joue ou non, il a toujours été sérieux. Il n’y a jamais eu de dispute, c’est un gars adorable." "Tu peux venir de Chelsea ou n’importe où, on est tous 11 joueurs sur le terrain-là, rétorque l’attaquant. Il faut toujours respecter tout le monde et rester humble."
En Bretagne, où il est resté une saison à l’âge de 18 ans, Boga avait réussi à gratter un temps de jeu plutôt conséquent malgré une grosse concurrence à son poste, avec Ntep, Gourcuff, Quintero, Grosicki, Pedro Henrique ou Ousmane Dembélé dont il était proche (comme avec Joris Gnagnon ou Steven Moreira). C’était il y a quatre ans et cela ressemble à une éternité.
Il a mis Buffon sur les fesses
Boga a bien changé depuis. De nature timide, il est désormais plus tueur sur le terrain. Gianluigi Buffon, qui a été laissé sur les fesses sur un but en lob face à la Juventus, peut en témoigner. "Celui-là, je pense que c’est mon préféré, surtout contre une légende dans le but, dans un stade magnifique", savoure Boga.
Aux côtés de Berardi, Caputo ou Djuricic, l’ailier s’amuse. Il profite aussi du style De Zerbi. "L’avoir comme coach, ça a été parfait parce qu’il me donne de la liberté et beaucoup de confiance", explique l’international ivoirien. Il a même sa spéciale: conduite de balle dans le couloir gauche, repique dans l’axe et frappe au deuxième poteau. "C’est un mouvement que je travaille beaucoup, sourit-il. Comme on dit, le travail paie parce que je me rappelle que celle-là, je l’ai beaucoup essayée et ça a souvent tapé le poteau ou été repoussé par le gardien. Cette année, ça marche bien."

Excellent dans un jeu de transition, Boga se sent aussi à l’aise en phase de possession. "Les deux styles de jeu me conviennent bien: attaques rapides, attaques placées", explique l’attaquant. "Il a des qualités semblables à celles de Fekir, compare Courbis. Il est capable de dribbler, d’accélérer, un gars déroutant. Un attaquant avec une accélération au pied qui pouvait être meurtrière."
Une alternative de Ronaldo à la Juve?
Evidemment, cette réussite ne passe pas inaperçue et fait déjà du Franco-ivoirien l’un des animateurs du mercato. Chelsea, qui l’a cédé à Sassuolo il y a deux ans, aurait décidé de ne pas activer sa clause de rachat, même si le joueur n’a pas été mis au courant. Sa cote auprès des cadors italiens est, elle, très élevée. Naples, l’AS Rome, la Juventus et l’AC Milan lui feraient les yeux doux.
"A Naples, ce serait pour être un joueur important à utiliser tout de suite parce qu’il a un profil intéressant, défriche Rovera. Même s’il joue à gauche, qui est la place d’Insigne, il peut jouer dans une option différente. Selon mes informations, Milan n’est pas une piste solide mais plus un leurre sur le marché. Et il y a la Juventus. Il y a toujours eu de bonnes relations entre Sassuolo et la Juventus. Boga pourrait être l’alternative d’un joueur comme Cristiano. Il pourrait y avoir beaucoup de mouvements en attaque cet été, surtout sur les côtés avec les départs pressentis de Douglas Costa et Bernardeschi. Mais c’est une option, pas une piste hyper concrète."
"Je suis encore très loin de là où je veux arriver"
Le joueur entend ces noms qui le "flattent" mais pourrait aussi rester à Sassuolo. "Je suis conscient de ce qui se dit, reconnait le principal intéressé. Ça fait plaisir mais je suis encore très loin de là où je veux arriver." Cela ne le déviera pas de son plan de carrière: rejoindre dans un futur plus ou moins proche une équipe de haut-niveau évoluant en Coupe d’Europe ("un rêve de gosse").
Ce qui pourrait rendre la tâche difficile pour un club comme Rennes, également cité parmi les courtisans. Grand voyageur, le polyglotte Boga a pu se faire une idée du style qui lui correspond mieux. "Je dirais l’Espagne et l’Italie parce que ça joue beaucoup vers l’avant. Même si on dit que le championnat italien est fermé, il se développe de plus en plus avec beaucoup d’équipes qui essaient de créer du jeu. C’est là où je me suis le plus épanoui." En cas de départ, son prix pourrait dépasser les 25 millions d’euros. La valeur d’un joueur qui a enfin percé.