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"Il ne faut pas s’attendre à des révolutions folles", une agent tempère l'impact de la décision de l'UE sur le mercato

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La décision de la cour de justice européenne en faveur de Lassana Diarra contre la Fifa va provoquer une révolution du marché des transferts, selon de nombreuses voix quand d’autres estiment que les répercussions seront moindres qu’annoncées.

La décision rendue vendredi par la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) secoue le monde du football. En remettant en cause deux points importants du règlement sur les transferts (la solidarité imposée à un joueur et son nouveau club et le risque une interdiction de recrutement lorsqu'il recrute un joueur qui a rompu son contrat de façon unilatérale), le CJUE risque de provoquer une révolution du mercato. Mais tous les acteurs du marché ne partagent pas ce constat. C’est notamment le cas de l’agent Jennifer Mendelewitsch, invitée de Génération After sur RMC mardi.

"Non, les joueurs ne vont pas pouvoir démissionner aussi facilement que ça"

"Ce n’est pas la révolution qu’on a lue", tempère-t-elle. "La réalité est un peu différente. La cour européenne a repris le règlement du statut et du transfert des joueurs sur deux points seulement, elle a quand même conforté la Fifa dans son rôle d’organisatrice du marché des transferts. Ça fait très longtemps qu’on a besoin de plus d’équité, qu’il est très compliqué pour un joueur de mettre fin à son contrat. C’est le droit du travail qui s’applique mais il n’est pas uniformisé au niveau de l’UE."

Cela va nécessiter des négociations entre les acteurs et, selon l’agent, ce temps n’entrainera pas de changements radicaux dans l’immédiat. "Il ne faut pas s’attendre à des révolutions folles dans les prochaines semaines et les prochains mercatos. Non, les joueurs ne vont pas pouvoir démissionner aussi facilement que ça. Oui, il va y avoir des facilités au niveau des émissions du certificat international de transfert (CIT) notamment. Quand il y avait un litige entre un joueur et le club, vous deviez avoir un certificat international de transfert pour pouvoir vous enregistrer dans votre nouveau club. Ce nouveau club pouvait être co-débiteur du joueur en cas de sanction et surtout, la Fifa ne délivrait pas ce CIT et sans ce CIT, vous ne pouviez pas jouer. Ce que dit la Cour de justice européenne, c’est que c’est un frein à la liberté des joueurs de mettre un terme à leur contrat et forcément, il va devoir y avoir des aménagements."

Elle conclut par un exemple concret. "Pour moi, le fait de donner un peu plus de pouvoir aux joueurs, c’est très bien mais il va y avoir beaucoup plus de négociations de gré à gré. Quand on va signer dans un club, on prévoira la sortie et toutes les conditions. Je ne vois pas ça comme une décision qui va tout changer à court terme. C’est une victoire pour Diarra, une première victoire pour la FIFPro mais je ne crois pas du tout que ça fasse trembler la Fifa plus que ça."

Lavis de Jennifer Mendelewitsch : l'affaire Diarra est loin d'être une révolution – 08/10
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Antoine Duval, chercheur au Centre de droit international et européen du sport, est d’un tout autre avis. Dans l'After Foot, lui n’hésite pas à utiliser le mot révolution après la remise en question de deux piliers du marché des transferts par la CJUE. "Le joueur ne viendra pas gratuit dans le sens où il aura toujours à payer son ancien club pour avoir rompu son CDD. Mais cette indemnité sera bien inférieure à ce qu’il risquait jusqu’à maintenant sous le règlement Fifa. Disons qu’il gagnait un million d’euros par mois et qu’il casse son contrat de quatre ans après deux ans. Le plus probable, c’est qu’il devra au maximum 24 millions d’euros à son ancien club (soit ses 24 derniers mois de salaire, NDLR), les salaires restant dus. C’est ce qui va devenir la mesure. On déconnecte la valeur de l’indemnité d’une négociation de gré à gré et on la reconnecte au salaire. Le président (du nouveau club) au lieu de payer 100 millions, tu lui donnes 50 (au joueur), dont 24 pour compenser le risque et le reste, c’est dans ta poche."

"Ça peut se passer au prochain mercato"

Le chercheur met tout de même en garde sur les dérives d’un futur marché à deux vitesses selon les joueurs. "Cela donne un pouvoir aux joueurs qui sont très demandés sur le marché", précise-t-il. "Les autres, ceux qui sont moins demandés, risquent de se retrouver dans des clubs qui ont aussi moins d’argent et qui pourront payer des salaires inférieurs. Le système des transferts avait une fonction redistributive avec la Premier League qui dépensait vers la France, les Pays-Bas, le Portugal. Tous les clubs qui sont dépendants ou profitaient du marché des transferts vont avoir moins de ressources et donc moins de capacité à dépenser. Tous les joueurs qui restent dans ces clubs toucheront moins. Ceux qui vont gagner en salaire sont ceux potentiellement intéressants pour la Premier League et les gros clubs."

Tout cela devra faire l’objet d’une négociation pour "adopter une convention collective et régler le marché du travail transnational dans le football". "On pourrait avoir un système des transferts à plusieurs vitesses", prévient-il. Antoine Duval remarque, pour le moment, un grand attentisme de la Fifa, qui a "la tête dans le sable". "J’ai l’impression que peu de gens mesurent l’impact de l’arrêt. Ça peut se passer au prochain mercato. Un joueur conseillé par Dupont dit: ‘je m’en vais’, la Fifa ne peut pas le bloquer, il va dans son nouveau club, l’ancien club va devoir se lancer en justice, ça dépendra de l’ancien club. Ils (l’ancien club) vont gagner mais à un montant très inférieur qu’ils auraient pu négocier sous le régime antérieur."

NC