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JO 2022: la légende Rasta Rockett continue à Pékin

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Trente-quatre ans après les JO de Calgary qui ont fait connaitre les bobeurs de l’île des Caraïbes, la tradition du bob jaune, vert et noir se perpétue à Pékin. Pour la première fois, la Jamaïque a réussi à engager trois embarcations dont un monobob féminin.

Grand soleil sur le corps enroulé de la piste de bobsleigh, le dragon de béton chauffe depuis 8h30 du matin, sous les patins des bobs de compétition. A l’ombre, dans sa parka noire neuve dont il a oublié d’enlever l'étiquette, Nimroy Turgott ferme les yeux et mime le tracé dans une chanson de gestes. Le deuxième pilote du bob à quatre jamaïquain se gèle les orteils à l’ombre en attendant les premiers passages de ses compatriotes : "Le temps est un peu froid pour moi. En Jamaïque on a des plages et des cocotiers. C’est froid mais on va s’adapter. C’est un honneur d’être ici et de représenter mon pays, de représenter ma famille et tous les gens au pays. On peut mettre un sourire sur le visage de tout le monde. On fait ça pour tous les fans de Rasta Rockett."

Entrer dans l'histoire à Pékin

La Jamaïque sur une piste de bobsleigh, on en a pris autant l’habitude que Monaco. Depuis Calgary en 1988, la 30e place de la paire Stoke-White. Mais surtout, le finish, bob à la main, des frères Stokes, Dudley et Chris, White et Devon Harris, après un crash dans la quatrième manche. Immortalisé plus tard par Disney et Rasta Rockett. L’héritage des pionniers se perpétue à chaque édition des JO. A Pékin, les Caribéens sont en force avec trois chances, leur record : bob à deux et à quatre chez les hommes, monobob féminin. Turgott, alias Super Kong, et ses coéquipiers Shanwayne Stephens (pilote), Ashley Watson et Matthew Wekpe ont bien galéré pour se qualifier pour les JO entre la banlieue de Londres, Kingston et l’Amérique du Nord, leur terrain de jeu.

"On s’est retrouvé pour la première fois en septembre à Lake Placid aux États-Unis rembobine Turgott. Nous avons surmonté beaucoup de problèmes, notamment des problèmes financiers. Il y a quatre mois, le fond du bobsleigh s’est cassé. On n’a rien trouvé pour réparer ça dans les magasins de la ville. On est Jamaïquains et on sait se débrouiller, on surmonte les challenges. On a travaillé dur pour être ici et on mérite notre place dans ces JO." Turgott et Stephens, résidents anglais, ont d’abord préparé leur qualification en Angleterre au début de la pandémie de Covid. Stephens, sniper dans la Royal Air Force, assis au volant de la Mini Cooper de sa petite amie, Turgott derrière à pousser et on inverse les rôles. Ils ont construit un petit circuit de musculation dans leur jardin avant de pouvoir rentrer en Jamaïque et de s’y entraîner plus facilement.

Montrer que la Jamaïque a des talents

Sur le circuit nord-américain, ils naviguent en fin de top 10. A Pékin, ils veulent entrer dans l’histoire : "Personne ne vient aux JO pour ne pas gagner de médaille, rappelle Super Kong. Nous voulons être la meilleure équipe de bob que la Jamaïque n’a jamais eue. Le meilleur résultat est une 14e place pour le bob à 4 à Lillehammer en 94 . On veut faire mieux que ça." Les Cool Runnings en VO sont un peu la mascotte du circuit : "Ce sont mes 3es Jeux et à chaque fois, ils étaient présents, confirme le pilote français Romain Henrich. Là, ils ont leur plus grosse délégation, c’est cool pour eux. Ça fait plaisir de les voir. Notre saison se passe principalement en Europe alors qu’ils sont davantage au Canada et aux Etats-Unis en compétition, on ne les croise pas souvent, alors les JO c’est l’occasion de les croiser. C’est sympa pour le sport."

Depuis Pyeongchang, l’équipe Rasta a récupéré une prise de choix avec Jazmine Fenlator-Victorian. Américaine et de père jamaïquain, elle a rejoint la bannière du paternel après des JO de Sotchi avec l’oncle Sam et une 11e place en bob à deux avec l’ancienne hurdleuse LoLo Jones. Ex-lanceuse de disque et de marteau, Fenlator-Victorian s’est classée 18e à Pyeongchang. Elle aussi a vécu une préparation compliquée avec le décès de sa sœur il y a quelques semaines, de manière inattendue et une infection au Covid : "Pour la performance, ce sont mes 3e JO, j’ai de l’expérience. Je ne mets pas de pression. Je veux montrer que la Jamaïque a des talents, que la Jamaïque est là pour rester longtemps dans les sports d’hiver." Balance man, cadence man, trace la glace. Cools les Rasta et surmotivés.

M.M. à Yanqing