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JO 2022: Odermatt sera-t-il le roi des Jeux de Pékin en ski alpin?

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En ski alpin, un virtuose peut souvent en cacher un autre. L’Autrichien Marcel Hirscher et le Suisse Marco Odermatt ont en commun la précocité de leur succès. Comme son prédécesseur, Odermatt a un côté cannibale qui laisse craindre à ses adversaires une domination longue et sans partage. Lors des JO de Pékin, le Petit Prince de la glisse pourrait bien se couvrir d’or et s’asseoir au passage de manière durable sur le trône du ski alpin mondial. Sa quête débute ce dimanche avec la descente.

Marco Odermatt, c’est un peu "le blond" dépeint par Gad Elmaleh en 2005 dans son spectacle "L’autre c’est moi." Déjà il est blond, plutôt beau gosse, gentil, souriant, et comble de la perfection, quand il skie, il épate la galerie. Avec sa tignasse digne du Petit Prince et son visage fin aux pommettes saillantes, le Suisse est en passe de devenir, à seulement 24 ans, la nouvelle idole du ski mondial.

Originaire du canton du Nidwald dans la partie germanophone de la Suisse, Odermatt, dont le nom signifie "sur les pâturages" dans la langue de Goethe, a été désigné il y a quelques semaines, sportif helvète de l’année 2021, succédant notamment à un certain Didier Cuche lauréat de cette récompense en 2009 et 2011. Amusant quand on sait que "Cuchebühel" (5 victoires à Kitzbühel), skieur emblématique de l’équipe de Suisse, fût justement l’un des grands modèles de Marco Odematt dans son enfance. "Il le regardait à la télé, témoigne Grégory Cassaz, journaliste spécialisé dans le ski alpin pour le quotidien suisse Le Nouvelliste et suiveur assidu depuis ses débuts des exploits du jeune champion. Il disait qu’un jour il voulait être comme lui. Apparemment c’est bien parti, parce qu’en slalom géant comme en vitesse il est déjà très fort."

Le plaisir sur les skis, c’est essentiel

Et les statistiques sont effectivement parlantes. Après 90 départs sur le circuit principal, "Odi" compte déjà 24 podiums dont 10 victoires. Pas beaucoup moins que le GOAT Marcel Hirscher qui, au même stade de sa carrière, collectionnait 30 podiums dont 12 victoires. Et cette saison, le Nidwaldien caracole en tête du classement général de la Coupe du Monde avec près de 400 points d’avance sur son dauphin, le Norvégien Kilde. De quoi susciter l’admiration. "Il est déjà populaire en Suisse allemande, mais évidemment qu’en étant champion olympique, il deviendrait très populaire dans tout le pays", ajoute Gregory Cassaz.

D’autant qu’il a tout pour le devenir. A bien l’observer, on se demande même où Odermatt va chercher sa tranquillité et son flegme déjà légendaires. Dans les zones d’arrivées lors des courses en Coupe du Monde, il a toujours le bon mot, le bon geste, pour tout le monde. Un adversaire le déloge de la première place, il applaudit enthousiaste, avant de le féliciter. Un autre lui fait une blague sur le scratch mal fixé de sa chaussure, il sourit. Des supporters un peu hystériques hurlent vaguement son nom après s’être enfilés une ou deux pintes de trop de bon matin, il se retourne et les salue poliment. Des journalistes veulent l’interroger en Français, il fait l’effort de répondre du mieux possible même s’il ne maîtrise pas grand-chose de notre langue. "Il a tout du gendre idéal, confirme son coéquipier Reto Schmidiger. Il est calme et prend beaucoup de plaisir sur les skis. Ça peut paraître bateau le plaisir, mais c’est essentiel."

Un skieur polyvalent moderne et virtuose

Un plaisir doublé d’une polyvalence presque à toute épreuve. Elle avait sauté aux yeux du petit monde du ski professionnel lors des mondiaux junior de Davos en 2018. Chose inédite dans l’histoire de ce sport, il y avait remporté cinq des six médailles d’or en jeu. Toutes, sauf celle du slalom, la seule discipline sur laquelle il ne s’aligne (presque) jamais. "Il fait partie de ces rares gars aujourd’hui qui ressemblent aux skieurs d’avant... Aux Pirimin Zubriggen, Kjetil André Aamodt, Lasse Kjus ou Bode Miller, constate Sébastien Amiez, vice-champion olympique de slalom en 2002 à Salt Lake City. Tu as les grands skieurs et les très grands skieurs comme Marco Odermatt. Des garçons capables de gagner dans presque toutes les disciplines, qui ne se posent pas de questions et veulent skier partout, tout le temps."

Admirez plutôt : cette saison, Odermatt a pris le départ de 17 courses dans trois des cinq disciplines olympiques en individuel. Résultat, 11 podiums, dont 6 victoires (4 slaloms géants et 2 super-G). Le fruit d’une technique très moderne selon Sébastien Amiez, qui voit en son ski une virtuosité un peu opposée à la force caractéristique de celui d’Alexis Pinturault. "Il est très aérien sur sa position, il arrive à raccourcir les courbes et à prendre de la vitesse sans jamais se laisser dépasser par ses skis. Du coup on a l’impression que c’est très facile. Avec la confiance en plus, ça ne peut que finir devant."

Un surdoué, un monstre

Même les terrifiantes pistes de descente ne lui font pas peur. Et malgré son gabarit encore un peu frêle (il rend entre 5 et 15 kilos aux meilleurs purs spécialistes de la vitesse), il fait mieux que rivaliser sur l’épreuve reine du ski alpin. Il a par exemple terminé deuxième des mythiques descentes de Kitzbühel, Wengen et Bormio cet hiver, seulement devancé à chaque fois par un cador de la spécialité (Paris, Kilde, Feuz). "C’est fantastique ce qu’il fait en descente, s’emballe Johan Clarey, vétéran Français aux 9 podiums en Coupe du Monde. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi fort, aussi rapidement. C’est un surdoué il faut dire ce qui est. C’est un monstre, c’est incroyable, mais c’est chouette de courir avec lui." "En dépit de son poids plus léger, il est vraiment très à l’aise sur les parties de glisse, s’étonne presque Sébastien Amiez. Mais chose importante, on voit aussi que ça fonctionne bien au niveau du matériel, et ça, ce n’est pas le fruit du hasard. Tout ça, ça se travaille."

Comme Federer, un travailleur de l’ombre

Confirmation à ce sujet du journaliste Grégory Cassaz, qui ose presque une analogie avec le plus grand champion de l’histoire du sport suisse. "Je ne sais pas si on peut le comparer à Federer mais c’est vrai qu’ils ont cette image de grands champions très calmes, à la recherche de la perfection. Marco il est déjà au sommet, mais parce que c’est un gros bosseur comme Federer. Ce sont des travailleurs de l’ombre. Les entraîneurs le disent assez régulièrement : Marco est vraiment très exigeant envers lui-même. Dès que quelque chose ne va pas, il essaye de comprendre pourquoi, et de corriger le tir."

Un tableau idyllique donc et de quoi clouer dans le dos d’Odermatt une gigantesque pancarte de favori avant le début de cette quinzaine olympique de ski alpin, où il s’alignera à minima sur la descente, le super-G et le slalom géant. Comment le battre ? "Il faudra compter sur sa défaillance mais ce sera compliqué", répond Sébastien Amiez, laissant tout de même une lueur d’espoir à la concurrence. "Les JO c’est toujours différent. Il y sera favori oui, mais on verra à ce moment-là qui est vraiment Marco Odermatt sur les grands évènements." Premiers éléments de réponse ce dimanche donc, sur la piste olympique de descente de Yanqing en Chine.

Arnaud Souque, à Yanqing