Judo (championnats d'Europe): Gahié, rapide et à l’or

La Parisienne Marie-Eve Gahié a traversé la journée comme un bulldozer aux championnats d'Europe. Cinq combats, cinq ippons dans une démonstration de judo. Ce deuxième titre européen la rapproche grandement d’une sélection olympique en moins de 70 kilos.

Si cette journée était une compétition de vitesse, Marie-Eve Gahié l’aurait gagnée. Elle a réussi l’exploit de vitrifier ses cinq adversaires de la journée par ippon, déjà une rareté à ce niveau. Mieux, elle n’a passé que 5 minutes et 28 secondes au total sur le tatami de la Sud de France Arena. Autant dire rien du tout. "C’est une journée de malade, une journée dingue. Quand elle est comme ça elle est inarrêtable. Elle a pulvérisé tout le monde", synthétise son entraîneur Christophe Massina.

Le programme proposé à la Parisienne était loin d’être digeste. Aucun obstacle n’a résisté à ses grands mouvements de hanche ou de jambe. En demi-finale, la Grecque Teltsidou avec son judo bien en muscle croyait bien avoir arrêté le tank du 15e arrondissement parisien en marquant waza-ari. Raté, elle a pris un coup de canon sur harai-goshi en bordure quelques secondes plus tard. "J’ai su rester concentrée", analyse Gahié. "C’était une journée de fou. Je suis contente que ce qui s’est passé à chaque fois. J’ai eu un peu peur contre la Grecque. J’avais la victoire en tête."

Avant le combat pour l’or, son visage s’est affiché sur l’écran géant. Deux yeux noirs perçants, quasi menaçants. Une promesse de douleur pour son adversaire. En finale, la Russe Taimazova, médaillée olympique à la défense de fer a volé en éclats sur la première prise de garde. Elle résistera près de deux minutes, le combat le plus long pour Gahié, avant le deuxième pétard les mains à peine posées sur le judogi. "Je lui ai dit de se concentrer sur la manche et de ne plus saisir le revers", décrypte Massina quand il a senti que son élève prenait le mode d’emploi à l’envers.

La judoka de 26 ans a aussi su manier la patience pour arriver à ses fins. Ne pas emballer le moteur quand tout semble facile. Gahié d’ordinaire pudique s’est laissé aller à communier avec le public montpelliérain. Elle a même esquissé quelques pas de danse au son de "La Petite Culotte". Hors du tatami, elle a vécu une année endeuillée par le décès de son père et d’une tante. Sous la pression de la sélection olympique, elle a livré une grande journée et c'est peut-être ça le plus étourdisant. Différente de celle d’août 2019 où elle avait conquis le titre mondial à base d'un travail au sol chirurgical. On demande maintenant à voir ses oppositions contre la Japonaise Saki Niizoe, la championne du monde. La judoka la plus problématique pour elle avec 4 revers sur 11 affrontements.

Son judo dynamite de Montpellier passera-t-il la souplesse de la Nippone? Pas sûr que les deux jeunes femmes se retrouvent hors JO. Ce samedi héraultais place Gahié dans des conditions idéales pour se retrouver à Paris en août 2024. Elle qui avait raté les JO 2020, dépassée par Margaux Pinot, a pris de l’avance sur sa compatriote, sortie en huitième de finale par cette même Taimazova. "Je ne sais pas si cela va me sélectionner", avoue-t-elle. "J’espère avoir fait un grand pas. Peu importe, je vais continuer." Impression confirmée par Christophe Massina: "Ca veut rien dire du tout mais en étant championne d’Europe elle a pris de l’avance." Sa non-sélection pour Tokyo avait été source d’une profonde déception. Elle y avait puisé, ainsi que dans sa foi, la force de se relancer et de continuer le judo. Sa persévérance va peut-être payer.

Morgan Maury à Montpellier