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Judo: "J’espère enfoncer le clou", Boukli ambitieuse aux championnats d'Europe

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En lice ce vendredi à Montpellier, la Gardoise Shirine Boukli va tenter de remporter un troisième titre européen des moins de 48 kilos après 2020 et 2022. Un succès à la maison lors de l'Euro (du 3 au 5 novembre) la mettrait dans une position idéale pour la sélection olympique en vue de Paris 2024. Shirine Boukli revient sur cette lutte avec sa rivale Blandine Pont, absente à Montpellier, et les échecs qui l’ont construite.

Shirine Boukli, que représente ce championnat d’Europe, quasiment à la maison pour vous?

J’ai déjà participé à deux championnats d’Europe senior. Ça sera mon troisième. C’est en France, à Montpellier, pas très loin de chez mes parents, là où j’habite. Oui il y a une valeur sentimentale. On aura le public français avec nous. Toute ma famille sera là. J’y accorde une petite importance. J’aimerais bien ramener un nouveau titre avec cette fois-ci plein de monde qui m’encourage. Je me souviens qu’en 2014 je portais les caisses des athlètes lors des championnats d’Europe (déjà à Montpellier. Ça me fait un petit truc de me dire que cette fois c’est moi qui vais combattre. Vraiment? J’ai porté les caisses de Lukas Krpalek (double champion olympique et champion du monde), Miryam Roper (médaillée mondiale et européenne). En plus, c’était pour son combat contre Automne Pavia!

Est-ce qu’en cas de bonne performance vous pouvez mettre fin à la lutte avec Blandine Pont pour le billet olympique en moins de 48 kilos? Que vous ont dit les sélectionneurs?

On ne m’a rien dit. Ça reste un championnat, c’est une compétition qui donne un titre. Je veux être présente sur ces moments-là. C’est un test avant les Jeux olympiques. On aura le public français, ma famille. C’est un petit test en miniature des JO. Un Euro ça ne se néglige pas, il y a un beau titre à aller chercher. J’espère enfoncer un peu le clou. Je suis vice-championne du monde, si je suis championne d’Europe, ça me donnerait encore plus de confiance. J’espère que s’il y a le titre ça devrait potentiellement le faire (pour la sélection olympique). Je ne me mets pas trop de pression par rapport à ça. Je veux seulement être championne d’Europe. Le reste, on verra.

La présence de la famille en tribune, c’est rare. Cela vous booste ou au contraire, vous inhibe?

Ma famille j’y accorde beaucoup d’importance c’est pour ça que je dis que c’est un test. Je pense tout le temps à eux. J’ai envie de bien faire, ce que je fais c’est pour eux. Quand je ramène des médailles ou quand je perds la première chose à laquelle je pense c’est eux. Mon cas personnel n’est pas important. Si je perds, je ne suis pas déçue car je pense toujours au fait qu’ils sont là et qu’ils ne sont pas venus au bon moment. J’ai participé à deux championnats d’Europe que j’ai gagnés. Cette fois, ils seront présents. J’espère que je vais faire de même. Ce n’est pas de la pression supplémentaire, ce n’est que du bonheur.

Votre médaille d’argent mondiale en mai au Qatar a-t-elle débloqué quelque chose?

Je pense qu’elle m’a aidé. J’ai vu ce dont j’avais besoin pour arriver à ce stade-là. Cela a confirmé des craintes. Après ma défaite aux Mondiaux 2022, je pensais 'tu es numéro 1 mondiale mais à ce stade tu n’y arrives pas'. On attend le bon moment. Quand ça arrive on est trop content, on se dit qu’on a passé un cap. Il n’est pas arrivé au moment où on le voulait mais il est là. C’est la confiance en soi. Je suis super fière de cette médaille d’argent mondiale. Elle me sera utile. Comment j’ai construit cette médaille, ça me permets d’avoir une routine, un système qui me conforte et que je peux répéter pour les Europe et les Jeux olympiques.

Est-ce que vous appréhendez-mieux la pression?

Je le gère un peu mieux. J’ai pris plus de recul sur la discipline. On réfléchit à plein de choses. On n’est plus obsédé par la victoire dans un combat sans prendre de risque. J’arrive à contrôler même quand ça ne va pas. C’était difficile à Bakou (3e) en tournoi mais j’étais en gestion. Même s’en arriver à faire tomber j’étais sur plusieurs schémas. J’arrive à m’ouvrir. C’est ça la progression, l’expérience on arrive à comprendre plus de choses, à développer son judo. Toutes les filles savent ce que je fais mais il faut trouver l’espace pour faire chuter sur les techniques qu’on aime. Il faut imposer des styles, créer des ouvertures. Il ne faut pas s’agacer. Plus jeune, je m’agaçais. Il n’y a pas besoin de ça. Aujourd’hui, je suis assez grande pour maîtriser plein de choses pendant mes combats.

Est-ce que la concurrence de Blandine Pont, vainqueur de trois tournois et 5e des Mondiaux, vous a aidée? Comme avant lorsque vous avez dépassé Mélanie Legoux-Clément.

C’est toujours bien d’avoir quelqu’un. On se pousse toutes les deux à être la meilleure. On se regarde. Avec Mélanie Legoux-Clément, avant, on s’est poussées. C’est le jeu. On a une équipe de France belle, avec plein de filles très fortes. On se nourrit entre nous. Quand tu arrives au milieu de filles championnes tu as envie de faire pareil. Tu n’as pas le choix. Tu sais que si tu te loupes ça va arriver derrière et ça va prendre ta place.

En février, vous perdez rapidement au tournoi de Paris, pendant que Blandine Pont l’emporte. La lumière a été mise sur elle. Est-ce que se retrouver dans l’ombre vous a piquée?

Je suis dans mon projet à fond. Les filles font leurs résultats. Tout le monde mérite. Le fait d’avoir été un peu dans l’ombre et de laisser la lumière à quelqu’un d’autre, de tout couper de mon côté, ça m’a fait du bien. J’ai besoin de ce truc d’être en retrait. On voit par les autres. Ça nous donne un petit feu en nous. On se dit 'purée!'. Tu veux bien faire, tu as un truc en plus, cette petite rage qui t’anime. Je kiffe ressentir cette petite boule.

D’avoir perdu à Paris, je me suis dit 'il y a les Mondiaux qui arrivent il faut que je les prépare à fond'. Ça te donne envie de faire mieux. On fait un peu de la préparation mentale toute seule. Ce sont les petites choses qui motivent. On ne veut pas lâcher.

Comme pour la défaite au premier tour des Jeux olympiques?

Ouais! Au début, c’est difficile à encaisser. J’ai l’impression que je suis une personne qui arrive à switcher rapidement et à me nourrir de ça pour rebondir. Quand j’ai perdu aux JO et que j’ai vu ce qui se disait je me suis dit 'c’est la dernière fois que je vis ça de ma vie'. Ça m’a donné envie de repartir vite. J’avais besoin de vite retrouver la compétition, d’être dans le positif. Je sais ce que je vaux. Ce n’était pas la Shirine que je connais. Parfois, c’est bien de perdre pour se retrouver.

Vous êtes-vous imaginée lutter jusqu’au dernier moment pour le billet olympique et d’avoir une très longue année?

Je ne me dis pas ça. J’ai un objectif: ce sont les Europe. C’est le dernier championnat officiel avant la sélection olympique, qui sera en février d’après ce que j’ai compris. L’objectif c’est d’être présente à ce moment-là et après on verra ce qui se passe. L’année passera vite. Je ne me prends pas la tête avec la suite, je suis focalisée sur le championnat d’Europe.

Morgan Maury