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Judo: le récit d'une journée de souffrances pour Amandine Buchard, médaillée bronze aux Mondiaux d'Abu Dhabi

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La Française Amandine Buchard a remporté sa 5e médaille de bronze en championnat du monde, un record chez les femmes. Pourtant, la catastrophe n’était pas loin. Favorite pour l’or, Buchard a perdu une partie de ses moyens après le premier combat. Retour combat après combat sur ce qui s’est passé dans la tête de la vice-championne olympique

1er tour contre Maria Siderot (Portugal)

Amandine Buchard débute contre Maria Siderot, combattante qui a déjà un tour dans les pattes. Passée la mi-combat, la Française déclenche son fameux kata-guruma, une roue autour des épaules. Ippon, qualification aisée pour la suite. En rentrant en salle d’échauffement, Buchard fait des nœuds dans son cerveau: "Je me sentais super bien. C’est presque ce qui m’a fait peur. Je me suis sentie trop bien. J’ai eu l’obsession de ne pas perdre et ç’a a commencé à m’étouffer. Je voulais ce titre et il m’a fait peur." Partie façon TGV la journée de "Bubuche" va devenir un tortillard interminable.

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8e de finale contre Roza Gyertyas (Hongrie)

La Hongroise n’a pas de référence. Elle est grande, physique, attention. On s’attend quand même à une victoire facile de Buchard.  Au lieu de ça, on la voit s’enfermer dans son kata-guruma, souvent mal placé. Rester sur son mouvement signature c’est le signe qu’elle n’est pas dans un grand jour. Ce kata-guruma lui permet quand même de sortir Gyertyas. Christophe Massina, son coach, se fâche. "Punaise, regarde qui tu es, tu es capable de tout, bats toi prends du plaisir." Mais Buchard n’est pas au bout de ses peines.

Quart de finale contre Mascha Ballhaus (Allemagne)

En équilibre au bord du vide. Plusieurs fois, la pénalité éliminatoire a failli tomber contre la Française. La gueulante du coach n’a pas produit ses effets. Combat pénible, à rallonge. Avant l’éclair. Une action de main fabuleuse qui jette Ballhaus à plat dos: "Elle sort un coup de génie", décrit Massina sur une erreur de son adversaire.

"Ça aurait pu être l’élimination juste avant. Elle arrive à maintenir une certaine dynamique même quand elle n’a pas de sensations. On travaille pour qu’elle se sente libre d’attaquer ou pas". Encore une fois dans sa carrière, Buchard est dans un dernier carré mondial. Il faudra passer. Ce qu’elle n’a jamais fait.

Demi-finale contre Odette Giuffrida (Italie)

Amandine Buchard a gagné cette demi-finale. Quinze secondes. Le chef des arbitres, l’Allemand Daniel Lascau, a déjugé son arbitre vidéo qui avait indiqué à l’arbitre central que l’Italienne devait être pénalisée une troisième fois. Lascau a plutôt vu une fausse attaque de la Française. C'est elle qui prend la pénalité: "Je préfère perdre sur une valeur plutôt que ça."

Dans ce combat face à cette tacticienne qu’elle avait battu 5 fois sur 5, Buchard s’est perdue. Elle l’avoue: "Preuve que je n’étais pas dans mon match, je comptais le nombre d’attaque pour faire tomber la pénalité, je me suis précipitée." Du sourire aux larmes, elle a ensuite deux heures pour digérer et repartir pour le bronze.

Match pour le bronze contre Reka Pupp (Hongrie)

"Je ne l’ai jamais vue se livrer comme ça sur un jour de compétition", raconte Christophe Massina. Avant de monter sur le tatami, Buchard ouvre les vannes à son entraîneur. "J’ai parlé à coeur ouvert", résume-t-elle pour garder le secret. Le début du match est idéal. Buchard domine à la garde et mène d’un waza-ari toujours grâce à son kata-guruma.

Puis les digues sautent: "En voulant gérer, elle a repris le poids de la médaille sur le dos", image "Totof". "C’était panique à bord", sourit-elle. Elle ne contrôle plus, se jette dans des attaques mal préparées, prend le risque de la disqualification. Cette Buchard patraque tiendra jusqu’au gong. Soulagement, larmes, et regard vers cet été. "J’ai tout pour chanter la Marseillaise, je me mets des barrières psychologiques. Ce n’est inquiétant car il reste deux mois. Ce sont des petits verrous à faire péter". Son préparateur mental, Laurent Rocco, a du travail. Buchard le disait récemment, si elle est blindée mentalement, le reste ira tout seul.

Morgan Maury