Mondiaux de judo: l'étonnante défaite de Mollaei sur fond de tension Iran-Isaraël

Luka Maisuradze et Saeid Mollaei - AFP
Saeid Mollaei avait envie de devenir champion du monde pour la deuxième fois consécutive. Mais le matin seulement. Tonitruant tout au long des phases préliminaires, il a terminé la journée comme une ombre au pied du podium. En sortant du tatami après son revers contre le Géorgien Luka Maisuradze, il ne manifestait aucune colère. Le public a cru que le choc entre l’Iranien et l’Israélien Sagi Muki serait enfin pour ce mercredi, dans le temple du judo, le Budokan. Tout le monde est reparti frustré, mais finalement pas surpris.
Samedi, sa présence dans le tableau avait été suivi d’un murmure dans la grande salle d’un grand hôtel tokyoïte. Les pressions venues d’Iran étaient parvenues jusqu’à Tokyo. Son compatriote Mohammad Mohammadi, médaillé de bronze mondial l’an dernier en moins de 73 kilos, est resté à Téhéran. Mollaei n’avait visiblement pas peur.
Une coupure pour cogiter
Le voir grimper pour son premier combat vers 12h ce mercredi confirmait ses envies. Une première victoire. Le Perse domine ses adversaires les uns avec les autres. Le champion olympique russe Khasan Khalmurzaev sera le seul à ne pas encaisser de ippon par la bête au dos hypertrophié. En quart de finale, malgré un bandage autour de la tête, il sort le Canadien Valois-Fortier, médaillé mondial et olympique. De ce tableau tortueux, le Perse avance sans problème. Allait-il l’emmener dans les bras de l’Israélien Sagi Muki, numéro 2 mondial?
Le champion d’Europe 2018 trace lui aussi pied au plancher vers l’affrontement qui ne peut se produire qu’en finale (ou dans un combat pour le bronze). Pendant les deux heures de coupure, les questions fusent. Va-t-on assister à l’impensable ? Mollaei va-t-il faire forfait ? Muki grimpe le premier pour sa demi-finale. Il domine l’Egyptien Mohamed Abdelaal. Dans les coulisses, Mollaei a forcément vu l’Israélien l’attendre en finale. Est-ce l’élément déclencheur ? Déménageur le matin, le Perse baisse d’intensité face au Belge Mathias Casse, champion d’Europe 2019.
Une étonnante baisse de régime
Oui, Mollaei lance plusieurs techniques. Mais sur une séquence placée comme jamais à la garde, il attend. Puis lâche tout. Sans attaquer. Au dernier tournoi de Paris, il s’était fait jeter comme un enfant par un second couteau puis avait prétexté une blessure pour rater le protocole et poser avec Mugi. A Tokyo, il s’est (un peu) battu. Avec un coach aux abonnés absents. Craignait-il d’être complice de ce moment d’histoire et donc un adversaire de Téhéran ?
Même scénario dans le combat pour le bronze. Mollaei est en-dessous de son rythme du matin. Cinquième, il ne peut pas monter sur le podium, que Muki dominera, médaille d’or autour du cou, pour devenir le premier Israélien champion du monde grâce à un succès sur Casse. Mollaei n’a pas choisi l’histoire, ni d’obéir aux ordres de Téhéran qui ne voulaient absolument pas qu’il se rende à au Tokyo.
Une option moins tranchée
Il a préféré une voie du milieu qui lui permet peut-être de sauver sa face dans son pays et peut-être d’avoir encore un avenir dans le judo. Pourtant, le matin, en salle d’échauffement, des témoins décrivaient Saied Mollaei extrêmement agité, au bord des larmes, évoquant les dangers encourus par sa famille.
La Fédération internationale de judo s’était fait un défi de régler ce problème de boycott des athlètes israéliens. Après avoir rétabli des conditions normales d’accueil des athlètes de l’état hébreu (drapeau, hymne national) lors du tournoi d’Abu Dhabi en pressurisant les autorités locales, la Fédération internationale de judo a buté ce mercredi à Tokyo. Le comité olympique iranien avait pourtant rendu publique une note annonçant la fin des défauts de combat de ses athlètes. Mais sans préciser le nom d’Israël. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.