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Championnats d'Europe de natation: une équipe de France "plus rassemblée"

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Du 3 au 12 août, la natation française va tenter de briller lors des championnats d'Europe. La délégation tricolore, qui a retrouvé une bonne ambiance, espère décrocher entre 6 et 10 médailles, et surtout continuer à progresser en vue des Mondiaux et des JO.

Le calendrier était chargé ces derniers jours en équipe de France de natation. Avant de débarquer à Glasgow pour les championnats d'Europe, les nageurs ont passé une petite semaine à Chartres pour peaufiner leur préparation. Mais pas seulement. Treize nageurs vont vivre en Ecosse leur première expérience en équipe de France sur les 30 sélectionnés, et ces 13 nageurs ont donc dû passer leur traditionnel examen d’entrée chez les Bleus: un sketch à présenter devant tout le monde, sous la surveillance acérée des anciens comme Charlotte Bonnet, qui assure avec un sourire malicieux que "les bizutages se sont très bien passés", Jérémy Stravius et Mehdy Metella.

A Chartres, avant d’arriver en Ecosse, nageurs et encadrement sont partis dîner tous ensemble au restaurant. Une soirée barbecue a été organisée. Des parties de pétanque endiablées ont eu lieu et les entraîneurs ont même goûté à nouveau à ce qu’il se faisait il y a quelques années dans l’encadrement de l’équipe de France: une partie de football. Des choses qui peuvent paraître anodines, mais qui semblaient impossibles il y a encore quelques mois dans cette équipe de France où l’air était quelque peu vicié par les inimités, les clans et les non-dits.

L'ambiance a changé

Le point d’orgue avait été atteint à Rio où les Bleus avaient fait étalage de cette mésentente cordiale sur la place publique en plein JO. L’encadrement technique a changé avec un nouveau président pour la Fédération (Gilles Sezionale) et un nouveau DTN (Julien Issoulié), qui a installé à la tête de la natation française Richard Martinez, ancien entraîneur de Font Romeu, Denis Auguin, ancien entraîneur d’Alain Bernard, et Olivier Nicolas au poste de manager de l’équipe de France. Les nageurs aussi ont changé. Les stars, Laure Manaudou, Yannick Agnel, Camille Lacourt, Fabien Gilot et Frédérick Bousquet ont toutes définitivement rangé leur maillot de bain.

L’ambiance a visiblement aussi changé. Le capitaine des Bleus, l’ancien Stravius (11e compétition majeure consécutive) l’a clairement noté: "On se base moins sur des leaders, avant pouvait compter sur Laure Maunaudou, Florent Manaudou ou Alain Bernard. On les prenait un peu pour des idoles. Là les niveaux sont remis à zéro entre nous, on se sent à notre place et c’est ce qu’il faut pour une équipe et pour avancer. Si on prend l’exemple de la Coupe du monde de football, on avait une équipe soudée, pas un qui se dégage des autres, et on sent la bonne ambiance entre eux."

"On est en construction"

"Je veux qu’on fasse comme eux, qu’on se sente à notre place", note Stravius, qui s’en servira ce jeudi soir dans son dernier discours aux nageurs avant de débuter la compétition. "Je me sers aussi de ce qu’il s’est passé par le passé les équipes de France. J’aurais aimé pouvoir partager un peu plus avec d’autres nageurs. C’est ma conception de l’équipe de France. On est un sport individuel, mais il y a tellement d’enjeux collectifs que ça serait dommage de passer à côté de finales ou de podiums à cause de ça. Je ne sais pas si l’ambiance est plus apaisée. On est plus rassemblés", confie-t-il.

Sur les réseaux sociaux, les nageurs affichent cette bonne humeur et cette ambiance retrouvée, avec des parties de Uno qui n’en finissent plus et le jeu du loup-garou qui enflamme les chambres de l’équipe de France. "On est dans une bonne ambiance, peut-être un peu plus soudée. On partage plus de moments ensemble. Peut-être parce qu’on a tous le même âge. Je pense aussi qu’on n’est pas à l’apogée de nos performances, on est en construction et ce qui est important, c’est de poser une première pierre dans ces championnats", estime Marie Wattel.

"Une dynamique est née"

"Il faudra progresser aux Mondiaux l’an prochain et arriver aux JO en 2020 encore plus fort", poursuit-elle. De retour en bleu après avoir raté les Mondiaux l’an dernier, Jordan Pothain restait lui sur l’expérience amère en terme d’ambiance avec les Jeux de Rio. "Clairement, c’est une dynamique qui est juste extraordinaire depuis le regroupement. Il y a une bonne ambiance et une sérénité qui règne et c’est vraiment plaisant à vivre. Ça va nous servir pour la semaine de compétition qui arrive. Ça va nous permettre de contrer les moments difficiles et de savourer pleinement les beaux moments qui nous attendent", explique-t-il.

"J’ai vraiment le sentiment qu’il y a quelque chose de nouveau. Une dynamique qui est née, une flamme qui nous anime tous et qu’on partage tous. On a tous voulu apporter un petit grain au collectif, c’est quelque chose que je n’avais pas ressenti sur les équipes de France précédentes, ça me plaît beaucoup", souligne-t-il. L’encadrement observe ça avec amusement, comme Michel Chrétien, l’entraîneur de Stravius et de trois bizuths amiénois qualifiés pour Glasgow. "Ils sont calmes !", soutient-il.

Tokyo 2020 et Paris 2024 dans le viseur

"Ce qui est bien, c’est que j’ai l’impression que cette année, ils n’ont pas ce complexe des anciens, des Manaudou, Lacourt, Gilot … tout ce qui a fait la réussite de la natation française les années précédentes. Je crois qu’ils commencent non pas à oublier, mais à penser un peu à eux-mêmes", détaille-t-il. Ces championnats d’Europe pourraient donc devenir le point de départ d’une nouvelle génération qui vise Tokyo et surtout Paris en 2024. "C’est un point de départ absolument. Il faut qu’il y ait de l’échange, du partage et je suis persuadé qu’en mutualisant nos compétences, nos motivations on sera beaucoup plus fort", insiste Richard Martinez, DTN adjoint en charge de la natation course.

"Quand il y a un petit peu moins de stars, la communication est plus facile à engager, il y a plus de place pour les nouveaux qui arrivent. C’est peut-être un peu moins dur de prendre la parole, de s’exprimer et d’être soi-même. Peut-être aussi que parmi ceux qui sont restés, il y a une élite un peu plus bienveillante que par le passé", témoigne-t-il. Des jeunes qui ne monteront peut-être pas déjà sur un podium européen, mais pour Julien Jacquier, l’entraîneur marseillais, "c’est important de comprendre que ce n’est pas seulement l’arrivée d’une saison, mais c’est aussi un point de départ d’une aventure".

"C’est une étape pour apprendre, avancer, avoir des pistes pour l’année prochaine dans leur club et essayer d’aller chercher la qualification dans deux ans pour les JO et performer aux JO. C’est une nouvelle équipe, on se régale à les encadrer. Il faut qu’ils se détachent de l’enjeu pour emmagasiner un maximum d’images, de ressenti et d’expérience", rappelle-t-il. Si tout le monde s’accorde à dire que "la bonne ambiance ne fera pas tout" et qu’il faudra aussi cette semaine "des résultats" avec 6 à 10 médailles attendues, c’est déjà un premier pas inimaginable il y a encore quelques mois pour la natation française.

Julien Richard