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Florent Manaudou: "Je pense que je peux nager plus vite qu’avant"

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Florent Manaudou s'apprête à disputer les championnats d'Europe de natation, en petit bassin, cette semaine à Glasgow (Ecosse). Ambitieux et avec le sourire.

"Il y a deux ans, on était presque collègues !" Florent Manaudou est à l’échauffement avant les championnats d'Europe (petit bassin) à Glasgow (Ecosse). La planche à la main, il travaille les jambes. Une moustache, reste de "movember", est encore visible sur son visage rattrapé par une barbe naissante. Il est détendu, tout sourire et il continue de nous lancer. "Je ne pensais pas me retrouver là dans l’eau deux ans plus tard…". C’était l’été 2018, les championnats d’Europe en grand bassin dans ce même bassin de Glasgow et il avait pris place en tribune de presse avec un nouveau rôle de consultant pour France Télévisions. On le croisait alors en salle de presse en train de bûcher ses fiches. Il était encore handballeur. Et sa deuxième compétition en tant que consultant, après les championnats du monde de Budapest, avait provoqué chez lui les prémices d’une idée de comeback dans le bassin.

Florent Manaudou dispute en Ecosse la première compétition depuis son retour en équipe de France. A 29 ans, le champion olympique est un bizuth de cette équipe de France, qu’il retrouve bien changée. Il s’alignera sur le 50m nl vendredi, le 50m papillon samedi et le 50m dos dimanche et participera également aux relais français.

Avant cette première depuis les Jeux de Rio en équipe de France, Florent Manaudou s’est présenté tout sourire devant les médias présents à Glasgow. Casquette vissée sur la tête, il est ensuite resté discuter avec Yannick Agnel, qui l’a remplacé derrière le micro de France Télévisions, écoutant le passage de ses jeunes camarades devant les caméras.

Florent, comment vivez-vous ce retour en équipe de France?

Je suis content, j'ai eu un nouvel équipement. C'est cool de retrouver un bonnet avec le drapeau français et mon nom dessus, c'est sympa. Après, ce n'est pas comme si c'était ma première équipe (de France). Et l'équipe a énormément changé, on a fait une réunion de nageurs hier (lundi), la moitié, je ne les connais pas... C'est assez drôle, j'ai l'impression d'être un vieux et un jeune en même temps, d'avoir un double rôle, de nageur et de montrer un peu comment ça se passe. Plus qu'avant, parce que je suis plus vieux, et qu'il n'y a plus beaucoup d'anciens dans cette équipe, surtout que Charlotte (Bonnet) et Fantine (Lesaffre) ne sont pas là, Jérémy (Stravius) pas encore. C'est une équipe très, très jeune. Une première équipe de France, ça peut être un peu stressant. Je sais ce que c'est, je suis passé par là. Si je peux les aider, je vais essayer, je serai là pour eux bien évidemment.

Vous sentez-vous en décalage avec les jeunes qui arrivent dans cette équipe de France?

Je me sens en décalage un petit peu parce qu’on n’a pas le même âge et on n’a pas vécu les même choses, mais j’espère qu’ils seront comme moi dans quelques années, et même mieux ! Je pense qu’il y a une belle génération, ils sont cool, ils sont fun. Après, il faut ça aille vite dans l’eau mais j’ai confiance, j’aime bien cette équipe. Ce n’est pas une grosse, grosse équipe et je n’ai pas vu tout le monde, mais en tout cas il y a une bonne atmosphère et c’est l’essentiel. 

A la vue de vos résultats récents, on peut s'attendre à de belles choses...

Je pense que oui. Je suis plutôt en bonne forme pour l'instant, c'est le début d'un cycle de trois compétitions qui vont s'enchaîner (avant les championnats de France et la finale de l'ISL, ndlr). Je suis content de refaire le format séries, demi-finales, finales, ça va m'aider à construire mes courses un petit peu mieux.

Qu’attendez-vous de cette compétition ?

Je fais le 50m, le 50m pap, le 50m dos peut-être. Honnêtement, j’ai retrouvé mon crawl, retrouvé mon niveau de 50 nage libre et c’est plutôt bien. Pour l’instant, le dos, je ne l’ai pas retrouvé et le pap non plus. Je vais m’amuser à faire des relais avec des 50m parce que c’est cool.

Vous avez nagé en 20’’57. Vous pensez au record du monde que vous détenez déjà (20"26)?

Haha ! Je vais essayer de faire mon meilleur temps. J'y pense bien sûr parce que je pense que j’ai déjà retrouvé mon niveau en 50 nage libre. Même si ma course est totalement différente d’avant, au niveau chronométrique, c’est pareil. J’ai fait mon troisième meilleur temps (20’’57) et il y a des hivers où je n’ai pas nagé 20’’50. J’ai retrouvé un bon niveau. Si on enlève cette compétition à Doha qui avait été extraordinaire niveau chrono, je fais mon meilleur temps. Je vais essayer d’aller un peu plus vite et un peu plus vite aux France et encore plus vite à Vegas. Si jamais je bats le record du monde, tant mieux.

De quoi êtes-vous le plus fier depuis que vous êtes revenu?

D’être redevenu un nageur et je suis très fier d’avoir tout le temps le sourire au bord du bassin. Je m’amuse tout le temps. Avant en compétition, j’étais beaucoup plus fermé. Je ne sais pas si c’est l’âge ou le fait que j’ai choisi de revenir. Je connais beaucoup plus de nageurs parce que je m’entraîne à l’étranger. Avec l’ISL, j’ai rencontré plein de gens. Je sens que je suis beaucoup plus épanoui, c’est ce que je retire de ces six premiers mois.

Vous êtes plus excité par l’ISL ou par ces championnats d’Europe ?

Je pense que c’est la finale ISL. C'est ce qui nous fait kiffer en ce moment même si un championnat d’Europe reste un championnat d’Europe. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas donner le meilleur de moi-même si je suis en finale… Mais l’ISL, c’est cool, on se régale, il y aura encore plus d’adversité à Vegas (finale ISL les 20 et 21 décembre). En plus, je ne suis jamais allé à Vegas, si je peux mettre tout mon prize-money sur le rouge ou sur le noir…

Dans quel état de forme êtes-vous à Glasgow, pour ces championnats d’Europe ?

Je pense que je suis mieux physiquement que les quatre compétitions que j’ai fait depuis septembre, mais ça reste du sport, peut-être que je nagerai moins vite. J’ai déjà nagé très vite à Londres, mais j’avais à cœur de nager vite à Londres parce que j’ai eu la chance de nager dans la même ligne que quand j’ai nagé aux Jeux, donc je ne voulais pas perdre dans cette ligne d’eau. Là, la motivation sera différente, je suis content que Morozov soit là en plus. Il veut battre le record du monde donc ça me donne un truc en plus, ça veut dire qu’il est en forme. J’aime beaucoup Morozov, il ne parle pas beaucoup en compétition. En chambre d’appel, c’est plutôt discret. Mais j’ai envie de gagner et s'il veut battre le record du monde, qu’il le batte… Mais je toucherai devant et je le battrai aussi. Enfin je vais essayer, peut-être que je finirai deuxième. En tout cas, ça sera une belle bataille.

Physiquement, vous paraissez plus impressionnant qu’à Rio…

Je suis plus gros, c’est ça ? (rires) Oui, je suis plus gros, je fais cinq kilos de plus qu’à Rio. Je suis plus imposant, on me le dit depuis que je suis revenu. Je crois que j’ai moins de masse grasse qu’avant pourtant. Parfois, je me dis qu’il faut que je maigrisse parce que tirer 105 kilos au lieu de 99, c’est plus dur, mais j’ai plus de force aussi. C’est toujours la même chose, c’est un rapport poids-puissance. Parfois, je me dis qu’il faut que je maigrisse, mais je ne vais pas m’enlever un os… Mon corps, il est comme ça. Si je fais 105 kilos et que je peux nager 20"57, peut être que je pourrai nager 20"1 aussi. Je ne sais pas, peut-être que c’est mieux maintenant qu’avant.

Je ne pense pas être plus fort qu’avant physiquement, c’est différent. En puissance pure, je ne pense pas être plus puissant. En revanche, j’arrive bien à transférer cette puissance sur le haut du corps. Je suis plus fort dans les jambes, je pense que je pousse plus fort sur le plot, sur le mur. Après, tout ce qui est élasticité, je l’ai moins qu’avant donc c’est quelque chose qui compense. Si je peux garder la force en ramenant un peu d’élasticité, ça peut être vraiment cool. Je pense que je peux nager plus vite qu’avant.

Etes-vous plus sérieux dans l’investissement à l’entraînement ?

Je ne dirais pas que je suis plus sérieux, mais je suis plus investi parce que c’est ma décision. Je suis complètement maitre de mon projet et ça, c’est quelque chose qui me fait kiffer grave. Parce que c’est moi qui choisis. Quand je suis en Turquie, c’est différent parce que j’ai un programme avec un coach, un préparateur physique etc, mais quand je suis à Marseille par exemple, on me laisse beaucoup de liberté. Je pense que j’ai toujours eu besoin de cette liberté, mes coachs l’avaient compris et on a passé encore une étape. Je n’aurais pas été capable de faire ce que je fais aujourd’hui quand j’avais 21 ans parce que j’étais un peu moins sérieux. Maintenant, je sais de quoi j’ai besoin. Je n’ai pas la science infuse, je ne sais pas tout, mais je m’écoute beaucoup et pour l’instant, ça a l’air de fonctionner. Tant que je prends du plaisir et que ça va vite dans l’eau… Je prends les bonnes décisions.

Vous êtes prêt à accompagner les nageurs de l'équipe de France jusqu’en 2024 à Paris ?

(Il fait mine de ne pas comprendre la question) Tu me demandes si je veux être coach ?

Non…

Je ne sais pas, on verra. Je ne peux pas répondre à cette question. Je te répondrai peut-être fin 2023. Je serai aux Jeux. Après, je ne sais pas si je serai commentateur ou nageur…

Julien Richard à Glasgow