Natation: David Popovici, le nouveau phénomène des bassins qui a frôlé le record du monde

C’est le nouveau phénomène de la natation mondiale: David Popovici, 17 ans (il aura 18 ans en septembre) et déjà double champion du monde du 100 et 200m il y a un mois à Budapest. Le seul nageur de l’histoire à avoir réalisé ce doublé aux championnats du monde avec l’Américain Jim Montgomery en 1973. Après avoir enchainé avec les championnats d’Europe juniors à domicile, le nageur de Bucarest a impressionné en séries du 100m nl des championnats d’Europe à Rome ce vendredi, en 47"20, à sept centièmes de son record du monde junior… Et plus très loin du record du monde réalisé en 2009 dans cette même piscine du Foro Italico de Rome par Cesar Cielo, avec 46"91, alors qu'il portait sa combinaison en polyuréthane.
Popovici vit et s’entraîne en Roumanie, coaché par Andrea Radulescu, un jeune entraîneur de 32 ans. Avec sa gueule de star, le Roumain impressionne, et pas seulement dans le bassin. Et on prédit au garçon, qui se passionne pour la philosophie, un avenir fait de records du monde mythiques: celui du 100m de Cesar Cielo donc, et celui de Paul Biedermann sur le 200m,battu lui aussi à l’époque des combinaisons magiques dans cette piscine de Rome (1'42"00). Découverte de celui qui a déjà tout d'un grand, en compagnie de son entraîneur.
Ses débuts dans la natation
David Popovici: D’un point de vue sportif et d’un point de vue professionnel, je pense que je resterai toujours en Roumanie parce que c’est là que j’ai mon équipe, une équipe sans laquelle je ne pourrais rien faire. C’est la priorité pour moi, c’est la raison de mon succès et pour ça j’ai besoin de rester en Roumanie et de travailler avec mon équipe. Mais qui sait, après ma carrière de nageur, j’aurai peut-être envie de vivre ici ou sur un autre continent. Je ne sais vraiment pas, j’y réfléchirai dans quelques années.
Adrian Radulescu (son coach): On avait beaucoup de nageurs avec du talent. Certains étaient concentrés sur l’entraînement, d’autres sur le fun. Ça a pris du temps pour voir qu’il pourrait se concentrer sur l’entraînement et progresser. Il devait avoir 10 ou 11 ans quand il a compris ce que c’était. On était en stage, il devait avoir dix ans justement, on organise une compétition les nageurs du même âge. Il était le plus mince. 25 mètres à nager et le dernier était éliminé. Deux garçons étaient meilleurs que lui, on a commencé le jeu. Chaque fois, David finissait avant dernier. Devant, ils voulaient prouver qu’ils étaient bons, ils se sont fatigués. En finale, le dernier n’avait plus d’énergie, était tellement fatigué, David a gagné. Déjà, il avait l’intelligence et le talent.
Ses sacrifices pour réussir
David Popovici: On a posé la même question à Erling Haaland le joueur de football après un grand match et après avoir explosé comme je l’ai fait. Il ne savait pas trop parler anglais à l’époque mais il avait très bien résumé et exprimé ça en disant "work, hard work" (il prend une voix pour imiter Haaland). C’est vraiment ça, beaucoup de travail, très dur, beaucoup de sacrifices et c’est vraiment une question de savoir à quel point tu as faim. Et j’ai vraiment faim. Le sport c’est fun. Se mettre dans une fatigue extrême, pas loin de vomir, avoir des lactates partout dans le corps, le sang qui remonte dans la tête… C’est fun ! Enfin pour moi. Alors ce n’est pas fun sur le moment, mais après 30 minutes, que tu ne veux plus te tuer, c’est fun. Et tu te dit que ça en vaut la peine. Le sacrifice pour moi c’est une façon de vivre dure. Une vie où je dois me lever tôt me matin, m’entraîner même si je n’en ai pas envie, où je dois repousser mes limites. C’est juste ce que vous voulez faire et que les autres ne feront pas. Et ça induit de vivre d’une façon totalement différente, par exemple en terme de nutrition, de sommeil, de fêtes… Vous ne pouvez pas faire des choses que d’autres font. Mais ça m’est égal. Peut-être que j’aimerais aller à une fête mais le lendemain j’ai un entraînement à 6 ou 7h du matin. Mais je me rappelle pourquoi je fais ça. Et je retourne à ma vie d’ascète.
Adrian Radulescu: Il est prêt à écouter. Mais il a besoin d’informations, d’arguments. Ça signifie qu’avec le temps, il a acquis beaucoup de connaissances sur la natation. Il était prêt à comprendre la natation dès le début. Quand il a 13 ou 14 ans, je lui ai prêté des documents sur ce qu’était la natation, les entraînements. Mais il n’a pas qu’une vision globale, il est focus sur ses sensations, sa fatigue, la technique… J’imagine que tout le monde ne peut pas faire ça. Il est prêt aussi à faire les sacrifices nécessaires à n’importe quel athlète professionnel. Prévoir les sorties, les vacances, sa famille, en ayant toujours le programme des compétitions en tête. Quand il sort, il est toujours le premier à rentrer, il est le genre à demander au gars qui organise d’avancer l’heure de la soirée pour rester un peu plus. Il a ses objectifs personnels, mais ils pensent aux autres, à plus grand. Il n’est pas seulement question de gagner des médailles mais de devenir une source d’inspiration pour les autres nageurs et prouver.
Sa célébrité
David Popovici: C’est fatiguant, c’est plus dur que de nager. Mais comment je le gère ? Je l’ignore tout simplement… (Il se reprend) Je ne parle pas de ce genre de rencontre (rire). Je l’ignore dans le sens où je ne regarde jamais une interview de moi, je ne me regarde pas à la télé et si je tombe dessus je l’éteint. J’ai fait une coupure avec les réseaux sociaux. Si il n’y avait pas des gens qui me reconnaissent dans la rue ou des moments d’échange comme aujourd’hui avec les journalistes, je ne me rendrais pas compte que je suis très célèbre en Roumanie et dans le monde de la natation. C’est bizarre parce que si je veux marcher dans une rue avec du monde, je dois me préparer pour faire des photos. Mais c’est ok ça va avec la réussite. J’aime le fait que les gens m’apprécient. Mais si je dois aller quelque part, j’y vais à vélo ou avec une casquette des lunettes de soleil et un masque. Ca a beaucoup changé après championnats du monde. J’étais un peu connu en Roumanie, genre 3 ou 4 personnes sur 10 pouvaient me reconnaitre… Mais aujourd’hui c’est 10 sur 10 ! Dans la rue ou au restaurant… Partout.
Adrian Radulescu: C’est effectivement un énorme boost dans sa popularité. Tout le monde dans la rue le reconnaît. Mais il y a des moments de grosse émotion aussi, comme il y a deux jours, quand nous sommes arrivés. Il y avait des ouvriers qui travaillaient sur le toit au-dessus de la tribune. Un moment, tout le monde s’est tu et un des gars, qui travaillait du côté de la piscine a dit : "c’est David ! C’est David ! S’il vous plaît, gagnez la médaille. On veut être là quand vous la gagnerez." C’était des Roumains. Ce genre de rencontres, c’est très encourageant…
La comparaison avec Popov
David Popovici: Popov était une sorte de pionnier dans le monde de la natation. Le premier à nager moins de 22" sur un 50m, Il était un incroyable nageur de 100m également. Et puis il y a la similarité du nom Popov-Popovici qui aide à la comparaison. C’est un honneur d’être comparé à lui, mais j’ai aussi été comparé à Ian Thorpe, à Michael Phelps, et tout autre noms superlatifs. Je les aime tous, mais je ne pense pas qu’ils me représentent comme n’importe quelle comparaison. J’aimerais me concentrer sur moi-même et être le premier David Popovici.
Adrian Radulescu: J’ai évidemment essayé de récupérer autant que possible des informations sur Guennadi Touretski, sa vision de la natation. Bien sûr les noms se ressemblent, il y a des similarités dans leur technique, mais ce n’est pas motivé. Je pense qu’il y a plus de Michael Phelps en freestyle chez David. Mais il y a beaucoup d’athlètes avec lequel on peut le comparer.