Paris 2024: "C'est notre piscine", l'excitation des plongeurs français qui découvrent leur nouveau complexe

Casque de chantier sur la tête, gilet jaune sur le dos et tapis d’échauffement sous le bras. Drôle d’accoutrement pour débarquer à un entraînement de plongeon. "J'espère qu'on ne gardera pas le casque de chantier pour les entrées dans l'eau, ça risquerait d'être problématique", plaisante Alexis Jandard, médaillé de bronze aux Mondiaux à Fukuoka l'été dernier.
Les plongeurs de l’équipe de France ont mis le réveil très tôt ce jeudi matin pour un entraînement pas comme les autres. Mais les yeux étaient pourtant déjà bien grands ouverts en pénétrant dans le bâtiment flambant neuf.
"On est très excités, lance Emily Halifax qualifiée en 10m synchro.
"À 6h du matin habituellement on est dans notre lit et on n'a pas envie de se lever, mais là on était tous au taquet dans la voiture!"
Alors que les abords du bâtiment ne sont pas encore totalement terminés et que des ouvriers s’activent encore sur les finitions à l’intérieur, les Bleus ont donc inauguré le plongeoir. A 8h45, c’est tous ensemble qu’ils se sont élancés, depuis la plateforme du 10m, pour le tout premier saut de l’histoire du centre aquatique olympique.
"C'est incroyable, c'est une chance de dingue que l'on a d'être les premiers à sauter dans cette piscine, lance Naïs Gillet. Je voulais qu'on saute ensemble car je ne voulais pas qu'il y en ait qui sautent avant moi. C'est ouf... Ça donne soif pour la suite de l'aventure."
"C'est agréable de se dire que l'on a été les premiers à sauter dans le bassin", fait remarquer Gwendal Bisch qualifié sur le 3m pour Paris.
Avec une petite suggestion. "Il ne manque plus qu'une pancarte avec nos noms et avec marqué: à jamais les premiers (rires)."
"Oh la vache, ça caille!" et "frissons du premier vrai plongeon"
Avec une petite surprise tout de même une fois dans l’eau… "Oh la vache elle est froide!" 21 degrés contre 26-27 habituellement. Un coup de froid qui n’a pas freiné les ardeurs.
"Je n'en ai pas entendu trop se plaindre", souligne dans un sourire Clémence Monnery l'entraîneur de l'équipe de France.
"Ça fait 'waouh'... Il y a une super émotion, on est hyper honorés, fiers. On remercie la métropole du Grand Paris d'avoir pu nous permettre d'accéder à ce site avant les Jeux. On est super contents. Il manque encore pas mal de choses, ce n'est pas fini, mais déjà ça fait la différence."
La salle d'échauffement n'est par exemple pas encore disponible, comme les vestiaires ou les douches. Les mains attrapent la poussière des travaux en s'agrippant aux mains courantes des escaliers du plongeoir. Et sur les plateformes à 1m et 3m, les planches des tremplins ne sont pas encore posées. Elles n'ont toujours pas été livrées. "Pas de problème qu'il n'y ait pas les planches. Il y a de l'eau on peut sauter", balance Alexis Jandard au pied des plateformes en béton, les yeux qui brillent.
Passée la découverte, l'entraînement peut commencer. "Un carpé avant, prévient Emily Halifax 10m au-dessus de l'eau. C'est le premier vrai plongeon que je vais faire, on va voir l'impact. Rien que d'être ici c'est incroyable, c'est la piscine des Jeux. Quand on voit tous ces gradins on espère qu'il y aura beaucoup de Français. Et franchement, on est contents d'avoir une piscine comme ça à Paris qui va accueillir tous les pays. Ça fait des frissons de faire ce premier plongeon que l'on va sûrement représenter après aux Jeux. C'est quelque chose."
A côté, le spécialiste du haut-vol Gary Hunt, vice-champion du monde en février dernier à Doha sur le 27m, discipline non olympique, et qui représentera la France en 10m synchronisé cet été, tâte le revêtement antidérapant noir posé sur le béton. "Les plateformes sont parfaites, assure-t-il. Je n'ai jamais été aussi sûr de moi, ça ne glisse pas du tout. Ça fait du bien, on est chauds et ça va nous mettre dans le programme et les derniers préparatifs. Ça sera bien de voir des gens dans le public mais on peut déjà imaginer comment ça va être."
"C'est un peu étrange on n'a pas l'impression que c'est la réalité, poursuit son partenaire à 10m pour les JO, Loïs Szymczak. Je n'ai pas l'impression d'être réveillé. On commence à prendre un peu nos marques, doucement. Et bien sûr ça fait grave plaisir parce que c'est la première fois qu'on a de telles conditions en France."
Et de poursuivre: "Tout est réuni. Le matériel, la lumière, la taille. Ça fait hyper longtemps qu'on attend ça. On va enfin pouvoir s'entraîner en France avec Gary en 10m en synchro, on ne va pas être obligé d'aller à l'étranger pour le faire. Ca ne va pas durer hyper longtemps, juste le mois de mars mais ça va être hyper agréable."
Une parenthèse enchantée (et en chantier)
Car ce premier entraînement en mode olympique marque aussi la fin, provisoire, d’une année d’errances pour les spécialistes du 10m, privés de plongeoir en raison de la fermeture du bassin de Montreuil (Val-de-Marne) où se trouve la seule plateforme opérationnelle en Île-de-France (et où il n'est pas possible de s'élancer en synchronisée car pas assez large). Une piscine fermée pour rénovation… en vue des JO car le bassin Maurice-Thorez servira de site d’entraînement pour les Jeux.
Depuis cette fermeture donc, les Bleus en étaient réduits au système D. Avec des aller-retours à Strasbourg ou Aix-la-Chapelle en Allemagne, des stages à l’étranger comme à Dubaï ou Londres. Ils ont aussi profité des compétitions internationales pour arriver un peu en amont et partir un peu plus tard pour profiter plus longtemps des plongeoirs.
Inconfortable pour les athlètes… et non négligeable pour les comptes de la fédération française de natation. "Il manque encore pas mal de choses, ce n'est pas fini, mais déjà ça fait la différence, lance la coach Clémence Monnery. Nous, ça nous permet de ne pas trop voyager pour aller s'entraîner sur le 10m, ne pas prendre le train pendant 2h... On est hyper contents."
La Métropole du Grand Paris, maître d'œuvre, a donné les clés du bâtiment à Paris 2024 ce mercredi, avec un mois d’avance. Et a permis à la Fédération française de natation et à ses plongeurs de venir s'y entraîner jusqu'à la fin du mois de mars. Jusqu'à ce que le Cojo passe ce "CAO" en mode Jeux olympiques.
"On s'était fait au fait de bouger, mais c'est vrai que c'est vraiment un plus de pouvoir s'entraîner là. C'est une parenthèse enchantée".
Et en chantier. "On a vraiment eu des des galères pour trouver des endroits pour s'entraîner à 10m alors vous ne pouvez pas imaginer ce que ça fait d'avoir une belle piscine comme ça, poursuit Gary Hunt. Il nous reste un peu de temps avant les Jeux alors on va essayer de s'entraîner au maximum pour faire le grand spectacle"
"La France peut enfin rivaliser avec les autres piscines d'Europe et du monde"
Des plongeurs conquis donc par leur nouvel outil de travail qui devrait devenir à termes le centre d'entraînement national pour le plongeon. "On a vraiment envie de pouvoir s'y entraîner au quotidien car c'est une piscine de malade, détaille Naïs Gillet. C'est grandiose, c'est spacieux. Ils ont vraiment fait ça bien, il n'y a aucun hic pour l'instant. On ne peut que profiter."
"Les premières impressions sont top", poursuit Gwendal Bisch.
On se sent à l'aise, c'est grand, on respire, il y a de la hauteur sous plafond. On adore! On peut enfin dire qu'on a une piscine en France qui peut rivaliser avec les plus belles piscines du monde et les plus équipées", conclut-il.
Pendant ces deux premières heures d'entraînement, les Français ont pu un peu plus se projeter vers cet été. "A l'entraînement on n'a pas trop l'habitude de lever la tête pour voir ce qu'il y a autour, décrit Naïs Gillet. Mais là, j'avoue, je l'ai fait une fois. J'ai regardé un peu autour de moi, tous les gradins toutes les places. Imaginer la piscine remplie de spectateurs ça va être un bon coup d'adrénaline. On réalise de plus en plus qu'on va pouvoir faire les JO."
Synchronisées dans les airs, Jade Gillet et Emily Halifax le sont aussi au moment de décrire leurs émotions de cette première. "Si tout ça est rempli, lancent-elles en cœur. C'est impressionnant, ça fait peur, c'est intimidant car on sait que tout le monde aura les yeux rivés sur nous. Là, on a fait notre premier plongeon en synchro, et c'était grave excitant, c'était impressionnant. Là les gradins sont vides, mais on sait que ça va être rempli et rien que d'être toutes les deux là-haut on s'est mises à rigoler. On ne réalisait pas vraiment que ça allait être ici, la piscine des Jeux. On était très impressionnées, mais très heureuses de faire ce plongeon."
Heureuses, et déjà un peu à la maison. "On est apaisés d'être dans la piscine, assure Emily Halifax. On se dit 'ça y est, enfin, on est à Paris et on reste à Paris pour s'entraîner'." Et Jade sa coéquipière de conclure. "C'est la nôtre, c'est notre piscine."