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Philippe Auclair - Mondiaux 2018 et 2022 - A moins de 24 heures du verdict...

A moins le 24 heures de la décision de la Fifa, confusion totale à Zurich...

Commediante, traggediante...le commentaire fait sur Napoléon aurait pu valoir pour Bill Clinton et Morgan Freeman lors de la présentation du dossier USA 2022 à Zurich aujourd’hui. Le premier, brillant pour commencer, ne se souvenait plus du nom du président de la fédération américaine; le second a oublié une page entière de son speech, qu’il a dû reprendre depuis le début, ou presque. Ajoutez à cela Issa Hayatou tombant de son siège après s’être endormi durant un discours, et vous commencez à comprendre l’étrange atmosphère qui règne dans un Zurich couvert de neige – au point que l’avion qui devait m’y ammener est resté cloué au sol à l’aéroport de London City.

Bref, c’est la grosse pagaille. Et un moulin aux rumeurs alimenté par la tornade sibérienne qui souffle sur toute l’Europe en ce moment.

Parlant de Sibérie, pas de Vladimir Poutine pour nous refaire le coup de l’apparition in extremis qui avait tant fait pour que la Russie arrache les JO d’hiver de 2014 au CIO. Le numéro 1 du Kremlin est à Kaliningrad, d’où il a fait publier un communiqué dans lequel il expliquait ne pas vouloir ‘faire pression’ par sa présence à Zurich sur les membres du Comité Exécutif. Ben voyons!

Dans le même temps, le chef du dossier russe, M. Mutko, faisait savoir à demi-mots qu’il n’était pas content, mais alors pas content du tout, de l’accord entre ‘gentlemen’ (notez les guillemets, qui sont les miens) passé entre l’Espagne, pardon, les ‘Ibériques’, et le Qatar. Deux signes forts: la Russie a des doutes.

Le fait est que personne ne sait rien sur rien, qu’une confusion absolue règne au QG de la Fifa, comme me l’ont confirmé plusieurs amis présents sur place, journalistes et membres de délégations officielles. La Russie demeure le favori des bookmakers, pour des raisons ‘objectives’ (soutien absolu du gouvernement, terre vierge pour le Mondial, etc, etc) qui ne sont peut-être pas les plus importantes dans ce grand cirque qu’est le choix des pays-hôtes des Mondiaux de 2018 et de 2022. Alors, si nous faisions le point?

2018. Oubliez Belgique et Pays-Bas, malgré un dossier on ne peut plus solide, et le soutien de légendes comme Gullit, Hiddink, Cruyff...et l’innénarrable Jean-Marie Pfaff. Ils refusent de détaxer les revenus des partenaires de la Fifa. En clair: merci, et au revoir.

L’Espagne? Villar Llona, ce rusé, a accompli un travail remarquable dans l’ombre, en s’acoquinant immédiatement avec les Qataris, et en allant sonder les délégués de l’ExCo en tout début de campagne, avant de s’effacer. Le Portugal, comme je vous le dis depuis des mois, n’est qu’une béquille utilisée par le manitou espagnol, qui avait besoin de stades, et n’en avait pas assez dans son propre pays. La tactique semble avoir marché: on parle de 8, voire 9 voix ‘promises’ aux Espagnols – un nombre identique à celui promis au Qatar, comme par hasard. Autant dire, tout près de la majorité – mais pas assez...Car tout se jouera sur le report des voix des pays éliminés – un à chaque tour de scrutin. Belgique-Pays-Bas, dès le premier tour...cela fait deux voix, probablement. Mais qui iraient plutôt à l’Angleterre (pensent les Anglais, mais pas nécessairement les autres). Laquelle Angleterre, en ce moment, a juste de quoi passer la première haie, même si les venues à Zurich de David Cameron, du Prince William et de l’incontournable David Beckham ont eu, on me l’assure, un gros impact. Mais les Anglais se décrivent eux-mêmes comme des ‘outsiders’, bien que leur dossier technique – personne ne le conteste – soit le meilleur de tous. L’arrogance des Espagnols (‘tout le poisson est déjà vendu’, a dit l’un de leurs chefs, M. Lopez) en a choqué beaucoup. ‘Vendu’ vraiment?

Ce qui nous amène tout naturellement à 2022. Le Japon n’est en lice qu’à des fins de promotion de certains outils technologiques (par ailleurs extraordinaires) utilisables en football, et ne s’en cache pas; sur la Corée, qui a eu le Mondial en 2002 (avec le Japon, d’ailleurs), plane l’ombre inquiétante des voisins du nord...même si Hyundai, l’un des plus gros partenaires de la Fifa, vient de prolonger son contrat avec elle jusqu’en...2022, comme par hasard!

Les deux dossiers les plus crédibles, et de loin, demeurent ceux des Etats-Unis et de l’Australie. A titre personnel, vous qui suivez ce blog savent combien je serais heureux de voir un pays aussi dingue de sport que l’est l’Australie recevoir la plus grande fête du football mondial. Personne n’a oublié le merveilleux accueil fait aux visiteurs des JO de Sydney en 2000, et la qualité exceptionnelle de l’organisation de ces Jeux. Ayant pu lire le dossier complet des Australiens, je puis vous assurer que nous aurions un Mondial à la hauteur de tout ce que nous pouvons espérer, dans un pays qui est un trait d’union unique entre Amériques, Europe et Asie, de par sa position géographique comme de par sa culture. Mais je dois aussi reconnaitre que les Américains ont ‘fait le boulot’. Et que, économiquement parlant, leurs discours puisse séduire la Fifa, dont 92% des revenus découlent directement de ‘sa’ Coupe du Monde.

Nous aurions donc un beau duel Australie-USA si...si le Qatar n’était pas là. Je ne vais pas revenir en détail sur les raisons qui font que cette candidature me parait insensée: vous pouvez lire ou relire l’un de mes blogs précédents sur le sujet pour cela. Non, on ne peut pas climatiser un pays tout entier! Et un Mondial, ce n’est pas une collection de matches de 90 minutes – c’est un mois entier de football, et de communion entre supporters venus du monde entier. Ces stades démontables construits pour quelques semaines au milieu du désert, et, surtout, surtout, ce qui les entoure, ne sont pas faits pour eux. Que Zidane se fasse payer 1m€ ou plus pour vanter cette candidature, grand bien lui fasse. Mais qu’il nous parle d’amener le Mondial au monde arabe via le Qatar, là, j’explose. Allez en Syrie, en Egypte, au Liban, en Algérie, demandez-leur – aux gens de la rue, pas aux gouvernants - ce qu’ils pensent de cet émirat!

Mais le Qatar a ce levier: l’argent, qu’il a dépensé sans compter pour faire avancer sa cause. Comment exactement? Nous le saurons un jour, je l’espère.

Voilà ce sur quoi Panorama, l’émission de la BBC, aurait dû enquêter dans son programme diffusé le 29 novembre au soir, qui a peut-être fait un mal irréparrable à la candidature anglaise, en faisant remonter à la surface des ‘scandales’ déjà tranchés devant des tribunaux en 2008, sans rien apporter de nouveau.

De minute en minute, tout change. Les favoris deviennent des outsiders. Les certitudes des inquiétudes. Oui, c’est la pagaille. Mais de cette pagaille sortiront deux noms demain après-midi, vers 17 heures probablement.

Lesquels choisiriez-vous?