RMC Sport

Poker: "C'est déjà fini !", Daniel Riolo raconte sa courte aventure aux WSOP

Quand Moundir teste Riolo au poker

Quand Moundir teste Riolo au poker - AA

Daniel Riolo est parti à Las Vegas pour participer aux championnats du monde de poker (WSOP). Excité, ambitieux, il n'a malheureusement pas passé le cap de la première journée. Rattrapé par sa condition de "fish", comme il le reconnait...

Autant d’attente pour ça ? Des jours et des semaines à attendre l’événement pour couler aussi vite... Encore sous le choc de mon élimination express de ce beau tournoi des championnats du monde, j’ai croisé un ami joueur pro, Antonin Teisseire, grand supporter de l’OGC Nice. Je sais qu’il déteste qu’on lui raconte les "sales coups" du poker. Il y en a tellement. Mais mon état d’esprit m’a justement fait penser à Nice en finale de la Coupe de France. Autant d’attente... pour rien. Venir avec plein d’espoir pour passer à côté de l’événement. Phénomène finalement assez classique dans le sport. J’ai pensé à ça et à Roland Garros. Le premier tour du joueur inconnu sur le Central. Tout est trop grand, il a la tête qui tourne, le cœur qui bat trop fort. Il a, à peine, un instant de lucidité que c’est déjà fini. Ressent-il de la honte ? C’est possible. Moi, j’en ai ressenti. 

J’ai eu besoin très vite de raconter mon expérience à des "pros". Je voulais entendre : "Mais non t’es pas si nul, ce que tu as fait n’est pas mauvais". Ils me l’ont dit. Mais ils ont probablement été trop bienveillants avec moi. Une fois les émotions digérées, la honte ravalée, j’ai repensé à ma journée aux championnats du monde de poker et à mon tournoi.

"Je me suis fait marcher dessus d’entrée"

J’avais élaboré une stratégie. Oh, rien de fou. Puisque tout le monde vise le jour 2 du tournoi car il devient immédiatement rentable, qu’il faut 10 à 12 heures de jeu pour y parvenir, et qu’au final entre 5 et 7% seulement des 2500 joueurs par session y parviennent, autant être très prudent et choisir ses mains avec attention. Rien de révolutionnaire dans l’approche. Sauf que dans les faits, ça se complique forcément. D’abord il y a les "pros" qui cherchent à exploiter les "faibles" et les amateurs qui se prennent pour ce qu’ils ne sont pas, à savoir des "pros". L’autre souci, c’est de déterminer qui est qui. L’identification des adversaires, ça relève souvent du mystère. Sur un terrain de foot, de tennis, on sait le niveau de l’autre. Là, il faut observer, étudier et se méfier des fausses impressions. Bref, ça faisait peut-être trop de paramètres à gérer pour moi. 

Je me suis fait marcher dessus d’entrée. Même avec prudence, il faut quand même jouer des mains. Et à chaque fois que j’entrais dans un coup, je prenais des claques. Les autres avaient toujours mieux que moi. Ou ils le faisaient croire. Et j’y ai souvent cru à juste titre. Le tournoi était trop important pour fanfaronner avec des gros bluffs "comme à la télé". Mon tapis de jetons à fondu un peu trop vite. Entouré de neuf Américains, je me sentais de plus en plus isolé et fébrile.

"Il a payé et montré 7/6 pour une quinte qui a fracassé mon beau brelan de K"

La variance allait-elle tourner un peu et chasser mes doutes ? J’y ai cru quand après avoir découvert une série sans fin de "poubelles", j’ai vu KK. J’étais en bonne position à la table. Je devais parler en dernier et ainsi me caler sur les autres. Une femme a d’abord misé 1200 sur une grosse blind à 400. Un joueur a payé. Je devais prendre le "lead" que ma main commandait. J’ai mis 3000. La femme a passé. L’autre joueur a payé sans réfléchir. Le flop est venu : K/8/4. Pas de tirage couleur. Mieux que ça ? A priori, rien. Mon adversaire a checké. Avec mon brelan et après tous les mauvais coups, je me suis dit que c’était le moment d’attraper un beau coup, de le faire durer. Est-ce que j’aurais dû miser ? Je me pose la question depuis hier. Je ne l’ai pas fait. Un 5 est tombé. Cette fois après un nouveau check de mon rival, j’ai misé : 4000. Il m’a sur relancé de 10000. Le coup devient alors périlleux pour moi. Pierre Calamusa, mon ami du Team Winamax, m’avait dit avant le tournoi : "Prends ton temps et pense à tout. Quitte à pousser le croupier à dire 'time'. Rien ne doit te presser dans ta réflexion".

Le souci, c’est d’être assez lucide pour bien raisonner. Je ne l’étais pas. J’ai dit "All In" après cinq secondes d’une pseudo réflexion. Il a payé et montré 7/6 pour une quinte qui a fracassé mon beau brelan de K. Est-ce qu’un seul instant je me suis demandé ce qu’il pouvait avoir ? Non. J’étais devant et c’est tout. Les sales coups reçus avant étaient censés me protéger. Est-ce que c’est logique et raisonné comme argumentation ? Non. C’est une pensée de joueur du dimanche, de fish.

Il y a de la chance au poker, bien sûr. Mais il faut tout faire pour limiter son effet. Que pouvait-il avoir après tout ? J’aurais pu et dû l’envisager. Une fois posée sa grosse mise, à part un bluff, combien de mains je battais vraiment ? Ça s’est donc terminé comme ça. Ça se termine comme ça pour 95% des joueurs. Tous refont le monde ensuite. Tous veulent revenir. Ce jeu est excitant, passionnant. Cette confrontation entre la réflexion, qui atteint chez les pros des sommets d’intelligence, et la chance, c’est absolument déroutant et fascinant ! Revenir ? Oui, bien sûr. Attendre un an, c’est long. 

Daniel Riolo