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Strava vs Garmin: c'est quoi cette guerre qui met le feu au monde du running

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Le réseau social pour sportifs Strava a décidé d’attaquer en justice l’un de ses principaux partenaires, Garmin, et tente de le priver de ses ventes aux Etats-Unis. La guerre est déclarée entre les deux alliés historiques, mastodontes du secteur, sur fond d'usage de données et d'API, et d'accusations de vol de brevets.

La Guerre des Montres. Strava, l'appli préférée des coureurs - et des cyclistes -, a intenté un procès contre le géant américain Garmin, secouant le monde du running. L'entreprise californienne, pionnière du suivi d'activités sportives, réclame l'interdiction pure et dure de la vente des montres de la marque aux Etats-Unis. Ce conflit américano-américain révélé sur le blog spécialisé DC Rainmaker pourrait même impacter les utilisateurs au niveau mondial, et bouleverser l'écosystème du sport connecté. Comment en est-on arrivé là entre les deux géants?

Pour les moins au fait, pas familiers avec les sorties running matinales, le réseau social Strava permet d'enregistrer son activité physique, jogging ou vélo: temps de course, distance parcouru, rythme, calories brûlées, visuel du parcours et autres données en tous genres grâce à un traceur GPS.

Pour faire fonctionner l'application, l'utilisation d'un smartphone est possible, ou en profitant directement d’une synchronisation avec sa montre de sport connectée. Leader du secteur, Garmin est omniprésent sur le marché et partenaire indissociable de Strava depuis plus d'une décennie, avec qui la coopération est fructueuse.

Attaque, contre-attaque autour des brevets

Mais depuis le 1er juillet, l’ambiance n'est plus vraiment au beau fixe entre les deux. Garmin a imposé de nouvelles règles à ses développeurs tiers, dont Strava en première ligne. Qui doit désormais mieux faire apparaître le logo Garmin sur toutes les données (publications, graphiques, images d'activité...) issues de ses montres.

Garmin met la pression: au 1er novembre, le géant du GPS menace de couper l'accès à son API si Strava ne se conforme pas à cette demande. Un cauchemar à venir pour des millions de cyclistes et triathlètes habitués à cette intégration fluide, puisque l'interface permet à la montre de transférer automatiquement sa sortie vers Strava - et évite à l'utilisateur d'importer manuellement chaque séance. Demande refusée par l'application californienne, qui dénonce une forme de publicité forcée.

La réponse de Strava ne s'est pas faite attendre. Le 30 septembre, l'appli reproche à Garmin de violer deux de ses brevets les plus emblématiques, et de s'en approprier la paternité: les segments, ces portions de parcours où les sportifs comparent leurs performances, et les cartes thermiques (heatmaps), qui révèlent les zones les plus fréquentées par les coureurs et cyclistes. Strava affirme également que Garmin a rompu un accord de coopération entre les deux entreprises signé en 2015 (Master Cooperation Agreement), dans le but de développer sa propre fonctionnalité Garmin Segments.

"Garmin a rejeté nos tentatives répétées de régler le différend à l’amiable"

Conséquence: l'entreprise californienne réclame une injonction interdisant au fabriquant de montres de commercialiser ses produits intégrant ces fonctionnalités, mais aussi des dommages financiers pour "usage illégal" de ses technologies. "Garmin a rejeté nos tentatives répétées de régler le différend à l’amiable", regrette Brian Bell, porte-parole de Strava, dans un communiqué. "Nous espérons qu’elle accorde autant d’importance que nous à la communauté que nous partageons."

Quelles conséquences pour les utilisateurs? Cette guerre des brevets peut-elle directement impacter leurs montres, et donc leurs données sociales et leurs records enregistés? Si Strava l'emporte sur le terrain juridique, la vente de tous les compteurs GPS et montres Garmin fonctionnant avec les segments et la carte de chaleur - toute la gamme Garmin Connect, des compteurs de vélo Edge aux montres Fenix, Forerunner et Epix - pourrait être suspendue. Des produits les plus utilisés par les millions d’abonnés des deux marques. La guerre ne fait que commencer.

Romain Daveau Journaliste RMC Sport