RMC Sport

Argentine: Imhoff a ressenti "beaucoup de tristesse" après la défaite face à la France

placeholder video
A 31 ans, Juan Imhoff est désormais un des anciens du Racing 92 largement rajeuni par le départ de ses internationaux (10) pour la Coupe du monde. L’ailier argentin s’est penché pour RMC Sport sur la réception de Lyon, leader invaincu du championnat, et le Mondial qu’il regarde à la télé, avec "tristesse et colère" de ne pas en faire partie, lui qui a disputé les deux dernières Coupes du monde avec les Pumas. Il a également confié sa "tristesse" devant la défaite des Pumas face aux Bleus.

Juan Imhoff, comment abordez-vous la réception du LOU, leader du Top 14, samedi (20h45)?

C’est un très beau défi, nous on n’a pas bien commencé l’année en terme de points (le Racing est 10e avec 6pts, ndlr) et on n’a pas réussi à mettre en place notre jeu. On voit bien que Lyon l’a déjà fait et ils sont vraiment en forme. Et ce n’est pas seulement en regardant le classement, ils le montrent parce qu’ils jouent bien au rugby. On aborde ce match là avec un peu de pression, on va jouer la meilleure équipe du championnat. C’est vrai que ça vient de commencer et ce n’est pas par hasard qu’ils sont à ce niveau-là. On va essayer de faire une semaine parfaite pour arriver samedi rassurés plutôt qu’avec des doutes. On sait très bien que l’on joue la meilleure équipe.

Etes-vous surpris par le début de saison lyonnais?

Ça fait déjà quelques années que l’on parle de Lyon. On regarde souvent le classement et uniquement le résultat et c’est vrai que Lyon, en ce moment, est premier au classement. Mais je vois depuis plusieurs années que Lyon est une équipe qui essaye de jouer au rugby, qui joue très bien, qui a un beau projet. Ce n’est pas qu’ils m’impressionnent, mais ça me fait du bien de voir une équipe comme ça qui veut jouer bien au rugby et qui le montre week end après week end. 

Dans quel état d’esprit est le Racing après ce début de Top 14 raté?

On n’est pas revanchard, mais il y a l’urgence de gagner, c’est sûr. On a besoin de points, de gagner, surtout à domicile. Peu importe qui est en face. Après on prend la réception de Lyon comme un gros défi, on vient de faire deux matchs moyens (défaites avec bonus à Toulouse et Toulon) mais où on aurait pu gagner et c’était contre deux grosses équipes. On aborde ce match comme si on n’avait plus de joker, il faut que l’on joue il faut que l’on gagne donc à nous de faire le nécessaire.

La fin de match et la remontée contre Toulon peut-elle servir de base?

Quand on voit un match comme ça avec deux visages c’est dur à analyser. On analyse la première et la deuxième période, on dirait deux équipes complètement différentes. Je pense que l’on doit garder ce que l’on a fait de bon. C’est au niveau mental et au niveau de l’expérience qu’il nous a manqué quelque chose au début de ces deux matchs là. Je reste sur le positif qu’on a fait à Toulon, garder cette dynamique de confiance et reproduire ça dès le début contre Lyon sinon on sait que contre ce genre d’équipe ça ne passe pas et que l’on risque de prendre lourd.

"On est le seul sport au monde qui continue de jouer pendant une Coupe du monde"

Quand on regarde ce début de top 14 on se rend compte que les équipes les plus pénalisées par les absences d’internationaux partis au mondial au Japon sont en difficulté.

On peut parler de ça. Mais moi je ne suis pas concerné par la Coupe du monde donc je ne peux pas dire qu’il nous manque du monde parce qu’on est là. On a un effectif, on se présente, on joue tous les week-ends et il y a la chance pour tout le monde. Et aussi ça fait du bien en championnat de mettre tout ce qu’on a tous les week-ends par rapport à la pression du résultat. A ce moment-là, des équipes qui perdent beaucoup de joueurs ça leur permet d’essayer avec d’autres joueurs, avec des jeunes, de voir l’effectif. Je ne peux pas me plaindre de ça. Au contraire, je dirais que ça donne beaucoup de possibilités. Si tu es au Racing, si tu es à Clermont ou Toulouse c’est que tu es bon et que tu dois le montrer le week-end, quand il y a une opportunité tu dois la prendre. Après on peut faire des stats et dire que les équipes qui ont le plus de joueurs au mondial sont en difficulté peut-être, mais ça ne veut pas dire non plus que ça fait la force des autres équipes. Il y a aussi un point noir dans cette histoire c’est que le rugby est peut-être le seul sport du monde qui continue de jouer pendant une coupe du monde! Par exemple, on a deux joueurs géorgiens, et ils se sont entraînés pendant que l’équipe nationale (mardi face au pays de Galles) jouait… Moi ça m’a touché parce que si ça m’arrive avec l’équipe d’Argentine, je serais quand même un peu… (il ne termine pas sa phrase). C’est le sport que j’aime, c’est le pays que j’aime, c’est mon pays donc bien sûr que tu veux voir. C’est quand même bizarre le monde du rugby.

Cette période compliquée sans les internationaux peut-elle être un mal pour un bien pour la suite de la saison? 

Exactement, moi je pense que le fait d’avoir beaucoup de joueurs avec beaucoup de minutes de jeu ça donne un plus à une équipe. On sait qu’il y a des blessures, de la fatigue, il y a beaucoup de choses qui font que l’on a besoin de plus de 45 mecs dans une équipe, et ça fait que certains joueurs ne seront pas sur la pression d’un premier match compliqué s’ils ont été sur les feuilles de matchs les mois précédents.

Comment résumeriez-vous l’état d’esprit au Racing après ce début compliqué?

C’est ce qu’il y a de mieux au Racing aujourd’hui. Une équipe qui est passée de très âgée à plutôt jeune, et tout le monde s’entend très bien, avec du sourire, de l’amitié, du plaisir. On a tous été jeune et quand on est jeune, on a beaucoup de choses à apporter. Mais pour ça il faut que les leaders montrent le bon chemin pour pouvoir s’exprimer. Et c’est aussi notre rôle et notre faute si les plus jeunes n’arrivent pas à s’exprimer à 100%.

Selon vous, le rugby marche-t-il sur la tête en continuant de jouer en championnat en plein mondial?

C’est bizarre parce que on veut plus de supporters, attirer plus de monde et tu as en même temps le mondial et le championnat… Même si les horaires ne se chevauchent pas, c’est bizarre. Une coupe du monde, c’est une coupe du monde j’ai eu la chance de pouvoir en jouer deux, et c’est unique. Il faut que tout le monde regarde, que tout le monde soit conscient que c’est ce qu’on veut tous, que c’est le rêve de tous.

"Triste et en colère"

Comment avez-vous vécu le premier match de l’Argentine face à la France? Vos coéquipiers français vous ont-ils chambré après la défaite des Pumas?

Oui ils m’ont chambré un petit peu mais je le savais et j’aurais fait pareil si on avait gagné… C’est normal. Je l’ai vécu avec beaucoup de tristesse. La tristesse de ne pas être là avec eux, de pouvoir participer, et maintenant la tristesse d‘avoir perdu cette opportunité-là face aux Bleus. Rien n’est perdu et il reste encore deux matchs et une coupe du monde si tu veux la gagner il faut battre tout le monde, mais bon, on sait très bien que passer les poules c’était l’objectif de l’Argentine. Il faut rester concentrer. Ma tristesse c’est de savoir que c’était 50-50, qu’il y avait une opportunité et qu’au final c’est la France qui s’impose avec un très bonne première mi-temps, ils ont fait le job, rien à dire.

L’Argentine peut-elle rebondir et être plus dangereuses que jamais face à l’Angleterre?

Oui c’est possible. Quand tu n’as plus de plan B, tu es obligé de faire des bonnes choses donc je suis d’accord, ça peut changer le visage de cette équipe qui aura un match avant pour retrouver la confiance et arriver à jouer ce « 8e de finale » comme on dit. C’est ça d’ailleurs qui me fait un peu douter parce que je ne suis pas à l’intérieur de l’équipe et je lis juste la presse. Et on a beaucoup lu que la France, c’était le match le plus important de la vie. Quand tu abordes un match de cette manière, quand c’est le match le plus important de ta vie et que tu le perds… Comment tu fais derrière? Donc je pense qu’ils vont avoir un gros travail mental à faire, essayer de reprendre la confiance, de savoir qu’il n’y a pas de match plus important, le rugby c’est un jeu et ça t’offre tous les week-ends une possibilité de revanche. Il y aura donc la revanche contre les Tonga et il faudra monter en puissance crescendo

"Vakatawa, c’est le mec parfait"

Qu’est-ce qui a fait la différence dans ce match face à la France?

C’est difficile pour moi de faire une analyse objective en sachant que j’ai toujours en moi la tristesse et la colère de ne pas y être dans cette équipe. Ça me touche énormément. Et au-delà de ça, je suis argentin, je suis supporter et je veux que l’équipe d’Argentine gagne à tout prix. Je pense que la France a très bien joué la première mi-temps avec un Vakatawa hors norme et un Penaud qui fait la différence, ce qui a manqué aux Argentins. Mais en deuxième période les avants argentins ont repris les choses en mains et ont pu faire basculer le match. Et à la fin c’était 50-50 il faut dire la vérité. Mais je ne juge pas le résultat de mes coéquipiers, de mes copains, je ne juge pas la fin de match à un coup de pied raté, sur tout le match c’était 50-50.

Pouvez-vous nous parler de Virimi Vakatawa que vous côtoyez au Racing? 

Moi je le connais depuis longtemps, on est presque arrivés en même temps au Racing. Tous les deux, on est arrivés tout maigres et tout jeunes. Il a une moitié fidjienne qui lui donne comme tous les Fidjiens beaucoup de joie, d’amour pour ce qu’il fait, de passion. Il ne fait pas du rugby par hasard parce qu’on l’a mis au rugby, non… Il adore ça, il est passionné et il s’amuse à jouer au rugby. Et ça se ressent quand on le voit jouer, il tente des choses. Et puis il y a une autre partie de lui qu’il a formé en France, avec ce côté latin, presque de grinta argentine où il s’énerve parfois, il est capable de vouloir passer devant tout le monde. Souvent, les Fidjiens sont plus sages, plus calmes. Lui il a deux côtés. C’est un personnage unique et moi j’ai joué avec beaucoup de centres, mais je n’ai jamais pris autant de plaisir que de jouer avec lui. Franchement, la façon dont il vit et la façon dont il joue c’est vraiment adorable. Après il fait des blagues, il sait parler anglais, français, fidjien, franchement c’est adorable. Je ne dis pas ça parce que c’est un de mes meilleurs amis au Racing et que je le connais depuis longtemps. Franchement j’aimerais bien que tout le monde puisse le connaitre parce qu’on dirait le mec parfait : qui bosse, qui ne s’échappe pas, qui tente, qui se trompe mais qui réessaye donc j’ai beaucoup de respect pour ce joueur.

Il a fait le match dont avait besoin les français, je suis très content pour lui parce que je sais comment il travaille, ce qu’il fait, ce dont il se prive pour être là. Bien sur il a eu un début de saison difficile pour lui, et c’était étonnant qu’il ne soit pas présent dans la première liste pour la coupe du monde. Mais il a eu une opportunité et il l’a saisie. Il montre très bien ce dont on parlait pour le racing avec les jeunes, il montre très bien que quand on te donne une opportunité il faut en profiter à fond. Voilà, Vakatawa c’est la meilleure explication.

Julien Richard