La déclaration d'amour de Médard au Stade Toulousain: "Je suis toujours resté fidèle"

Maxime Médard, vous souvenez-vous de votre premier match de Coupe d’Europe?
Honnêtement, non. Je me rappelle avoir joué aux London Irish avec un maillot rose, mais je ne sais pas si c’était mon premier match. Je ne pense pas.
C’était il y a seize ans, le 1er avril 2005, en quarts de finale au Stadium de Toulouse face à Northampton (37-9). Vous rentrez en fin de match à la place de Florian Fritz...
Je ne m’en souviens pas. Peut-être parce que ça remonte (il sourit) et que j’ai dû jouer cinq minutes, même pas.
Quel souvenir précis, marquant, vous laisse cette compétition, au milieu de toutes ces années?
Celle qui, paradoxalement, m’a le plus marqué, c’est la finale de 2008 face au Munster. On est entré dans un stade fermé, tout en rouge avec les supporters du Munster. C’était impressionnant. Une finale où on n’était pas loin non plus de gagner. On avait eu une première mi-temps difficile et une deuxième pas mal. C’est la première que j’ai pu jouer et que malheureusement nous avons perdu. Mais ça a quand même été quelque chose de fort, qui nous a ensuite remotivé, puisqu’on a été champions de France dans la foulée.
Est-ce que vous comprenez que cette Coupe d’Europe ait parfois du mal à trouver sa place dans l’esprit des gens, alors qu’elle est régulièrement d’un très haut niveau?
Parce que le rugby reste peut-être un sport de clocher? Et que le Top 14, dans l’esprit des gens, reste plus important que la Coupe d’Europe? Donc ça fait parler. Mais chez nous, les deux compétitions sont importantes et au même niveau. Et parce qu’on l’a gagnée quatre fois, les gens aiment la Coupe d’Europe. Et le club l’adore aussi. Alors peut-être qu’au niveau national, même si ça commence à évoluer, ça reste un sport de clocher et que les gens aiment défendre leur ville, leur club, leur maillot.
"La Rochelle va sûrement gagner plein de titres"
L’affiche Toulouse-La Rochelle, une finale logique?
D’autres équipes auraient pu mériter d’être en finale. Après, ce n’est pas la première fois que je le dis, La Rochelle est un club qui grandit d’années en années, qui va sûrement gagner plein de titres, peut-être cette année ou l’année prochaine, on ne sait pas. Nous, on a bien digéré les phases finales de Coupe d’Europe de début de saison et on a su s’adapter rapidement à ce programme inédit. On a réussi à gagner au Munster, là où le club n’avait jamais gagné, et ça faisait vingt ans qu’on ne s’était pas imposé à Clermont. Alors même si la demi-finale contre Bordeaux a été moins réussie sur le contenu, c’est une finale logique de deux équipes en forme en ce moment, qui réalisent une saison remarquable. Après, une finale en Angleterre, c’est pas terrible… (il sourit)
Tout comme le Leinster, le Stade Toulousain a remporté quatre Coupes d’Europe. Personne n’en a obtenu cinq. Est-ce un challenge pour ce club, qui aime se nourrir de ce genre de défi ?
Je pense que c’est une motivation. Après, La Rochelle va avoir la sienne. Et ce sont des choses qui peuvent animer la finale. La préparation, construire quelque chose de beau. C’est vrai que si on gagne, on passe à cinq étoiles on va dire. Mais on ne veut pas jouer là-dessus. Ça reste une finale et avec cette nouvelle génération, qu’il ne faut plus appeler comme ça en fait car elle est en place depuis longtemps. On a bataillé sur deux demi-finales perdues, on a réussi à passer cette épreuve. Ça ne veut pas dire que cette coupe nous appartient. Il faudra batailler fort et dur contre cette équipe de La Rochelle, qui est surprenante et qui, je le répète, grandit depuis plusieurs années. Avec un président qui est humble, qui amène la formation rochelaise en haut de l’affiche. Et franchement, c’est beau à voir.
Comment prépare-t-on une finale? Quel cheminement mental met-on en place jusqu’au match?
(Il sourit) On va dire que chacun a sa propre façon de gérer ses avant-matchs, sa préparation, sa semaine de finale. Moi, aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir une petite fille qui est remarquable, je vais sûrement passer du temps avec elle et je ne vais pas me prendre la tête de la semaine. Forcément, tu vas sentir de la pression et de la tension au sein du club, mais en dehors, dans la vie, les choses continuent. Il faut être aussi sur le moment présent. On va sentir la pression arriver progressivement. Chaque joueur qui ira chez son boulanger ou faire les courses sentira que les gens attendent. Mais il ne faudra pas jouer la finale avant l’heure.
Vous êtes un cadre de l’équipe, mais incarnez-vous, comme d’autres avant, un lien entre les différentes époques dans ce club?
J’essaye, à ma manière, de transmettre et de m’adapter à la génération en place. Parce que c’est le futur et que je n’ai pas forcément envie de les cadenasser. J’ai plus envie qu’ils se dévoilent et qu’ils jouent comme ils savent le faire. Je ne suis pas quelqu’un qui va être obligé de prendre la parole. Je ferai comme je sais faire. En sentant les choses, sans pousser ma nature. Après, transmettre, c’est un bien grand mot.
Qui a fait ce lien avec vous?
J’ai la chance d’avoir pu jouer avec le papa de Romain. Milou (Ntamack) a énormément compté pour moi dans ma carrière. Il m’a surtout remis dans le droit chemin quand il a fallu le faire. Et c’est vrai qu’avec Romain, j’ai quelque chose de particulier. J’essaye de lui donner et lui transmettre ce que je peux. Mais c’est un joueur exceptionnel, déjà posé à son âge, calme. Et il a tout d’un grand, donc je n’ai pas besoin de plus pousser les choses.
"C’est comme si j’étais en junior, c’est cool"
N’est-ce pas bizarre d’avoir joué avec Emile Ntamack et de voir débarquer son fils Romain?
Non, ça ne fait pas bizarre, ça montre surtout la qualité du club. Que c’est un club particulier, que des joueurs commencent leur carrière et peuvent y finir. Peuvent y mettre leurs enfants. Voir des pères et des enfants jouer dans le même club et l’aimer comme personne d’autre. J’ai eu la chance qu’on me remette ce maillot des 350 matchs lors de la demi-finale de Coupe d’Europe. C’est toujours particulier, ça m’a touché, parce que je ne me voyais pas le porter autant. Et ce qui m’a fait plaisir en fait, c’est que pendant mon discours, je regardais mon équipe et je me disais que beaucoup de joueurs allaient faire comme moi. Ils vont rester dans ce club longtemps. Et c’est ça qui est beau.
Être l’homme d’un seul club, ça fait joli sur le CV?
Non, pas joli, mais ça veut dire que je suis un compétiteur et que je me suis remis en question tout le temps, que je n’ai pas lâché quand le club n’était pas forcément au top, que je suis toujours resté fidèle. J’ai fait ce qu’il fallait pour rester car il y a plein d’opportunités pour pouvoir partir. Que ce soit sur le plan financier ou pendant des périodes délicates, quand tu as d’autres objectifs, l’équipe de France ou des trucs comme ça. Tu te dis, si je suis dans une autre équipe, ça va mieux marcher. C’est des questions que tu te poses, mais j’ai la chance de pouvoir être né à Toulouse et de pouvoir défendre ce club et cette ville. C’est comme si j’étais en junior, c’est cool.
Est-ce que vous défendrez ce maillot la saison prochaine?
Je n’ai pas encore pris de décision. Bientôt. Mais c’est une décision à prendre en famille et non pas seul. Il y a plein d’éléments à prendre en compte. On verra. Je me sens bien, même si le matin, ça tire de partout.
Le club a l’air de vous laisser la possibilité de choisir (il a une année en option à activer, ndlr)…
Oui. Après, c’est peut-être grâce à mon CV qu’il me laisse libre de choisir (il rigole). C’est le privilège. Non, je déconne avec ça mais j’ai une relation particulière avec le club, les dirigeants, les entraîneurs, les joueurs. Avec plein de gens de cette ville-là, donc il y a plein d’éléments à prendre en compte.
A quoi penserez-vous au moment de pénétrer sur la pelouse de Twickenham?
A rien. J’ai juste envie de profiter et d’apporter quelque chose à l’équipe. Ce sera ma principale préoccupation. En 2019, quand on a été champion, j’en ai bien profité. C’est important de fêter les victoires. Mais aussi de prendre conscience qu’on est au Stade Toulousain, qu’il y a une culture de la gagne assez présente, mais qu’aujourd’hui, on est dans un rugby professionnel depuis longtemps et chaque club est très fort. Être champion (il s’arrête)… Sur les dix dernières années, ça a changé presque chaque saison. Il faut profiter du moment, parce que ça peut ne pas revenir. Il faut profiter.