Rugby: Craig Joubert, arbitre de la finale du Mondial 2011, "craignait de venir en France", explique le patron des arbitres

Au centre de tout. Les arbitres de rugby sont, notamment depuis le début du Tournoi des VI Nations, au milieu de controverses. Que ce soit sur leurs choix en matière de discipline (carton jaune à Atonio en Irlande, carton rouge pour Haouas face à l’Ecosse) ou sur les arbitrages vidéo qui ont pu créer la polémique, comme lors de l’essai accordé à l’ailier irlandais James Lowe contre la France, alors qu’un ralenti post-match montrait qu’il avait le pied en touche… Ralenti que l’Anglais Wayne Barnes n’a jamais eu à disposition.
Venu échanger sur ces polémiques, mais également sur les récentes consignes sur le jeu au sol ou les chantiers à quelques mois de la Coupe du monde, Joël Jutge, ancien arbitre français et actuel responsable des officiels de match à World Rugby a évoqué la pression entourant les arbitres de nos jours. Il a tout d’abord écouté un extrait du podcast du 12 décembre dernier, lors duquel le numéro un français Mathieu Raynal, invité à l’époque, parlait d’une réunion entre arbitres à Dubaï. Raynal y évoquait comment il avait été touché par les témoignages de ses confrères et de leurs erreurs.
"La pression populaire a failli pousser certains mecs à se foutre en l’air pour une erreur d’arbitrage"
"La pression liée à l’erreur d’un arbitre est extrêmement forte, disait-il. A Dubaï, Joël Jutge a demandé à Wayne Barnes, Craig Joubert et Bryce Lawrence de raconter comment ils avaient vécu l’erreur d’arbitrage qu’ils avaient commis sur des matchs cruciaux. C’était bouleversant. J’aurai aimé qu’il y ait une caméra à ce moment-là, pour que les gens entendent bien que la pression populaire a failli pousser certains mecs à se foutre en l’air pour une erreur d’arbitrage. Pour nous, qui sommes arbitres, d’entendre ça de la part de collègues, voire amis pour certains, ça me retourne le cœur."
En retour, Jutge a tenu à souligner que le sujet était primordial pour les arbitres de nos jours et qu’il était pris en compte : "Il était important pour nous d’avoir cette discussion, car la vulnérabilité était un peu tabou. Et pour tisser des liens forts entre nous, de l’entraide. Ça va trop vite sur le terrain aujourd’hui, vous êtes obligés d’arbitrer à trois, quatre." Mais il a aussi voulu évoquer le cas de Craig Joubert, l’arbitre sud-africain de la finale de la Coupe du monde 2011 gagnée par la Nouvelle-Zélande face à la France (8-7), extrêmement critiqué dans l’Hexagone sur sa performance ce jour-là, en évoquant une anecdote concernant sa venue en France, à Marseille, l’automne dernier au moment de France-Afrique du Sud.
"Il sait qu’il a mal fait, il aurait aimé être meilleur"
"Craig craignait son apparition en France, depuis cette finale. Il reste un homme blessé, car il sait qu’il n’a pas été bon ce jour-là. Il sait qu’il a été pris par un environnement qu’il a eu du mal à maîtriser et aujourd’hui encore, il est blessé." Plusieurs actions avaient été sources de polémiques, sur le jeu au sol ou une charge illicite de Richie McCaw sur Morgan Parra. La page Wikipédia de Joubert avait même été piratée peu de temps après la finale et de son côté, amené à commenter la performance de l’arbitre, le président de Toulon de l’époque Mourad Boudjellal avait affublé Joubert du titre de "Spaggiari de l’arbitrage".
Pourtant, selon Jutge, douze ans après, le Sud-africain est resté conscient de ses erreurs lors de cette finale. "Il sait qu’il a mal fait, il aurait aimé être meilleur, il ne l’a pas été et que le titre s’est joué sur quelques décisions". Néanmoins, plusieurs années après, c’est bien lui que Jutge a voulu à ses côtés au moment de son retour comme patron des arbitres à World Rugby. "La première personne que je voulais à mes côtés, c’est Craig Joubert. Car j’avais une confiance énorme en son intégrité." Et de glisser que son séjour à Marseille s’est heureusement bien passé. "Il était ravi de voir des supporters français, des gens que je connaissais sur Marseille. Ça lui a redonné confiance et c’était bien de voir ça." Douze ans après, il est temps de clore ce chapitre de l’histoire du rugby français.