Coronavirus: "Une mauvaise idée de vouloir reprendre la saison", selon Djibril Camara

Djibril, vous êtes blessé depuis le 22 février dernier et indisponible jusqu'à la fin de saison. comment faites-vous pour suivre les soins nécessaires?
C’est sûr que c’est compliqué. Avec le staff médical, on essaie de s’appeler régulièrement afin de savoir comment ma jambe réagit et si j’ai toujours des douleurs ou non. J’ai été opéré voilà quatre semaines et ça évolue bien. Je n’ai plus de douleurs, je peux marcher normalement. Ils nous donnent des exercices et je les fais à la maison sans trop avoir de matos à la maison. On essaie de s’entretenir avec des squats notamment, des pompes et des abdos. (Rire) Mais c’est comme ça.
C’est un peu du système D…
Oui, exactement. Quand je suis rentré, la plupart des mecs du club avaient dépouillé la salle de musculation! (Rire) C’était difficile pour moi de récupérer des poids, ou sinon des poids de 55 ou 60 kilos. C’est plus de l’entretien que de la vraie musculation et de la rééducation.
Ce qui est bien dans ce malheur, tout en relativisant grandement vu la situation, c’est qu’on va peut-être avoir un peu plus de temps pour récupérer. On n’aura pas la pression de se dire qu’il faut revenir vite sur les terrains. Cela permettra de revenir plus fort quand le championnat reprendra. A mon avis, il ne reprendra que la saison prochaine. Il faut peut-être déjà profiter de ce temps en famille et pour bien travailler, sans précipitation.
Vous n’avez pas la tentation de revenir trop vite pour les matchs importants…
Exactement. Parfois, on n’écoute pas son corps en se disant que l’on peut jouer, on revient alors trop tôt et on se 'reblesse'. Cette pression, on la en moins. Même si on ne peut pas aller au club pour faire les soins, les préparateurs physiques et le staff médical font en sorte de bien communiquer avec les joueurs blessés, et essayer de leur apporter le maximum possible pour travailler à la maison.
Certains craignent à l’Aviron que votre délai d’indisponibilité ne soit doublé…
Je ne sais pas si ce sera le cas. Je suis actuellement dans les temps. Je ferai mon prochain rendez-vous avec le chirurgien en facetime. Je devais être avec des béquilles et des attelles, au final je ne les ai plus depuis deux semaines. Cela veut dire que ça cicatrise bien et que mon corps a bien réagi. Je suis dans les temps dans le processus d’après-opération, et même un peu en avance. Mais là, il n’y a pas la course, ni la vraie musculation. A moi de faire les choses qu’on me demande correctement de mon côté. J’espère être opérationnel pour le début du championnat, si je dois reprendre un peu plus tard, je le ferai. Encore, il ne faut pas précipiter les choses.
Vous avez l’air optimiste…
Si je ne suis pas, qui va l’être pour moi! (Rire) Ma carrière n’est pas encore finie. Le but est d’essayer de jouer un maximum avec mon club. Je n’avais pas prévu de disputer dix ou onze matchs, même si le championnat est arrêté. J’ai à cœur de montrer que je suis toujours présent et que je n’ai pas menti au club que je pouvais être encore performant. J’ai envie de faire des saisons complètes, avec un minimum de blessures.
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"On parle de vies humaines"
Vous l’évoquiez, vous ne croyez plus à une reprise de la saison actuelle?
C’est la Ligue qui décide. Mais, de mon côté, je ne pense pas que ce soit vital de reprendre les matchs. On voit très bien ce qu’il se passe en regardant les infos. Au départ, cela semblait toucher davantage les personnes âgées et finalement ça concerne aussi de plus en plus de jeunes. Il faut peut-être protéger les joueurs.
Et si on reprend le championnat, dites-moi quels supporters vont se réunir dans un stade en prenant le risque d’attraper le virus. Je ne vois pas. Je peux comprendre que la majorité des clubs soit en danger financièrement mais on parle aussi de la vie des joueurs et des supporters. Je ne sais pas si c’est pas une bonne idée. Ce n’est pas à moi de décider, mais là, on parle de vies humaines…
Quel est votre état d’esprit?
Personnellement, j’ai une famille et je pense que ceux qui en ont une pensent la même chose, même s’ils ne le diront peut-être pas. Qui veut se mettre en danger et attraper le virus? Il faut peut-être le laisser passer et voir la façon de faire pour que les clubs s’en sortent du mieux possible. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’on puisse reprendre vu les conditions dans lesquelles nous sommes. Sous quel forme le championnat peut reprendre et les autres questions du même type, ce n’est pas à moi d’apporter les réponses. Mais selon moi, je vois mal comment on pourrait reprendre le championnat.
Avez-vous le sentiment que les acteurs du rugby ne prennent pas la mesure de la situation?
J’ai l’impression que tout le monde n’en est pas encore conscient. Il faudrait leur demander directement pourquoi ils veulent absolument reprendre le championnat. Est-ce une question d’argent? De droits? Je n’en sais rien. Est-ce que les clubs sont vraiment tous en déficit? Je n’en sais rien. Mais il doit y avoir une raison s’ils veulent reprendre le championnat. Tout ce que je dis, c’est des personnes sont parties à cause de ce putain de virus et il ne faudrait que d’autres s’en aillent, surtout pour du rugby. Ça n’est que du rugby. Si on doit le repousser, qu’on le repousse. Qu’on ne mette pas les personnes en danger. On voit toujours le nombre de décès…
Dire que l’on va reprendre le championnat alors que les JO sont reportés, comme Roland-Garros et d’autres compétions, je trouve ça un peu bizarre. Mais encore une il faut demander aux personnes concernées pourquoi elles veulent absolument reprendre le championnat.
Moi, je suis blessé, dans tous les cas et je ne rejouerai pas, mais, selon moi, c’est une mauvaise idée de vouloir reprendre. Ça ne tient qu’à moi. Je peux me faire allumer par pas mal de gens en disant ça mais, au vu de qui est annoncé, il faut arrêter les dégâts. Nous les joueurs, nous sommes des employés. Si la direction nous dit de reprendre, on reprendra. Ce sont eux qui nous payent et ce sont eux qui décident.