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"Des moments où je me suis vu arrêter": le témoignage fort de Kélian Galletier, victime d'une commotion

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Ecarté des terrains de Top 14 depuis novembre 2020, Kélian Galletier a vécu de longs de mois de galère. La faute à une commotion cérébrale qui l’a obligé à se mettre au repos forcé. Pour RMC Sport, le troisième ligne international (29 ans, 6 sélections) revient sur ses doutes, ses nombreux rendez-vous médicaux, l’évolution du rugby mais aussi sur son retour à venir.

Kélian Galletier n’a plus rejoué avec Montpellier en Top 14 depuis le 28 novembre dernier et la réception de Bordeaux-Bègles. Commotionné contre Agen le 17 octobre (la 3e déclarée depuis le début de sa carrière, une en décembre 2014 et une en février 2020 juste avant le confinement), il s’était arrêté un mois pour laisser son corps se reposer. Un mois loin d’être suffisant. Xavier Garbajosa, entraîneur de Montpellier à l’époque, l’a obligé à s’arrêter plus longuement. Des mois de galère, des rendez-vous avec les neurologues, des douleurs, des doutes... Galletier raconte cette période sombre et son envie de reprendre malgré les précautions de l’entourage. Une reprise retardée après une fracture de l’avant-bras lors d’un tournoi à VII en pré-saison.

Comment avez-vous vécu cette dernière année sportive, qui s’est arrêtée le 28 novembre?

Difficile (il souffle). Il s’est passé beaucoup de choses, beaucoup de choses que je ne pensais pas. Ma commotion a engendré cette longue période d’absence avec une prise de conscience de ce que cela pouvait représenter vraiment et même dans la vie en général. Il a été évoqué un possible arrêt pour moi, il a fallu le digérer. Si je suis de retour c’est que je vais bien et que je suis à 100%. Mais cette période n’a pas été facile.

Que s’est-il passé lors du match contre Agen et après votre arrêt contre Bordeaux?

Cette commotion, je la ressens, je sors. Mais dans mon esprit, ce n’était pas méchant, pas assez violent pour être une grosse commotion. Sauf que cela ne se passe comme ça. J’ai essayé de revenir fin novembre et là c’est Xavier (Garbajosa) qui m’a arrêté, il m’a dit: "Ça ne va pas, je ne te reconnais pas. Pour ta santé, ce n’est pas bon. Tu t’arrêtes, tu récupères et tant que cela ne va pas mieux, tu ne reviens pas". A partir de ce moment-là, j’ai eu des rendez-vous avec les neurochirurgiens qui m’ont expliqué: une commotion varie selon les gens, l’intensité ne compte pas, ce sont les symptômes qui comptent. Là, j’ai réalisé. Et il s’en est suivi une période très compliquée en fait, où je me suis rendu compte des symptômes que j’avais et qui étaient multiples. L’équipe médicale du club m’a fait prendre conscience de la dangerosité des commotions, de l’impact maintenant et surtout après. Cette longue période a été difficile à accepter et m’a fait prendre conscience qu’il n’y avait pas que le rugby, ce n’est pas l’essentiel.

Concrètement, quels sont les symptômes ?

Maux de tête, vertige, nausée, la vision floue parfois, être gêné par la lumière ou le bruit et même à l’arrêt au début, sans aucune activité. Au bout de deux, trois mois, j’ai pu reprendre le sport, faire monter le cœur. Et la dernière étape, c’était le contact. Là, ça a été très long. On a essayé au mois d’avril, ça ne s’est pas bien passé. On a décidé d’arrêter et de se donner une dernière chance cet été. Pour le moment, ça va. Mais je ne rejoue que si je suis à 100%, c’est le cas aujourd’hui. Après, on fait un métier à risque, les problèmes futurs on verra…

"Si j’ai peur, ça ne vaudra pas le coût de rentrer"

Avez-vous pensé à arrêter votre carrière à ce moment-là?

Complètement. Il y a eu des moments où je me voyais arrêter car je ne voyais pas de sortie. La seule sortie, c’était d’arrêter pour ma santé. J’ai passé des moments comme ça. Le rugby, c’est une passion, c’est notre métier mais ce n’est pas l’essentiel. Je l’ai appris à mes dépens. La vie privée d’à côté est bien plus importante. Il reste beaucoup de choses à vivre, surtout à 30 ans. J’ai joué au rugby presque avec des œillères pendant 10 ans. J’ai tout donné. J’ai vécu des choses incroyables, j’en suis très fier. On a conscience du vide qu’il peut y avoir si on oublie le reste. J’ai pris conscience de ça. 

Aujourd’hui, la décision est prise. Vous allez reprendre malgré les craintes?

Oui, ce tournoi à VII (une étape de l’In Extenso Supersevens cet été) m’a fait du bien. Je n’ai pas eu d’appréhension, les contacts que j’ai eus se sont bien passés. C’est ma référence aujourd’hui, je n’ai que celle-là c’est maigre, je sais. Mais je peux dire aujourd’hui que je suis de retour. Je vais l’appréhender différemment. Je vais prendre du plaisir puis on verra.

Vous n’avez plus aucune appréhension avant la reprise des contacts?

Je pense que l’appréhension partira en jouant. Mais si j’ai peur, ça ne vaudra pas le coup de rentrer. Si j’y vais, j’y vais à fond, la question ne se posera pas. Il y a un manque aujourd’hui. Je ne m’entraîne pas pour courir autour du stade et faire de la musculation. J’ai envie de reprendre la compétition. J’ai hâte.

Selon vous, le rugby est-il devenu plus dangereux?

Le rugby à XV est devenu très stratégique, frontal et avec des temps de jeu qui s’allongent. Les risques augmentent logiquement et en plus, on joue toute les semaines. Le cumul des matchs engendre une augmentation des risques. On est confronté à un sport professionnel aujourd’hui avec des athlètes. Mais j’ai conscience de ce risque-là depuis le début de ma carrière. Peut-être que la moyenne d’âge de l’arrêt de carrière des joueurs va baisser. C’est presque une suite logique.

Votre regard a-t-il changé sur les commotions par rapport à votre début de carrière?

Oui, quand tu as 20 ans, tu te sens invincible et tu penses différemment à 30 ans. C’est clair, c’est l’âge. Mais oui, il faut faire attention, c’est dangereux, il faut en avoir conscience. Ça fait un an que je suis plongé là-dedans. Mais heureusement, il y a quand même plus de gars à la fin de leur carrière qui vont bien, que des gars qui deviennent fous. J’ai eu de la chance, j’ai été bien entouré, donc je n’ai pas de problème. Et quand je rentre sur le terrain, j’accepte les risques.

Par Julien Landry