Top 14, Mourad Boudjellal aux présidents inquiets : "Tous vos petits avantages, c’est mort"

Mourad Boudjellal, l’élection de Bernard Laporte à la présidence de la FFR vous rebooste-t-elle ?
Je ne sais pas si elle me rebooste, mais elle me fait plaisir parce qu’elle est méritée. Bernard a fait un vrai travail de terrain. Il a une vraie ambition pour le rugby français, même si elle fait peur à certains. Ce que je peux comprendre, parce que le rugby français fonctionnait en clans depuis quelque temps. Et ce n’est pas l’homme d’un certain clan. C’est sûr. C’est la fin d’une époque. C’est bien de partir sur autre chose. Dire que ça me rebooste, ça voudrait dire que je pourrais être un privilégié parce que Bernard est élu. Je ne crois pas que Bernard conçoive les choses comme ça. Ni moi. Ce qui pourrait me rebooster, c’est que peut-être que le rugby va enfin passer, après la préhistoire, à la civilisation.
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Guy Novès et Bernard Laporte vont-ils s’entendre ?
Moi, je vous dis que si Guy Novès gagne en Angleterre, il n’y aura aucun problème pour qu’il reste sélectionneur. Maintenant, est-ce que Guy Novès a envie de travailler avec Bernard Laporte ? Je connais un petit peu Guy Novès. C’est quelqu’un de très, très respectable. C’est quelqu’un qui peut dire : « Je n’ai pas envie de travailler avec cette personne et je m’en vais ». Ce n’est pas exclu du tout. Mais je ne vois pas Bernard ne pas laisser sa chance à Guy Novès. Bernard fonctionne dans l’intérêt général, l’intérêt supérieur du rugby. Et aujourd’hui, c’est de laisser sa chance à Guy Novès et il respectera ça. Mais moi, je ne suis pas inquiet pour le duo Novès-Laporte. Au contraire. S’ils arrivent à s’entendre, ces deux lascars, ça peut être très, très bon pour le rugby français. L’intérêt, c’est qu’ils s’entendent. Il y a quelque chose de très fort qui les unit : l’amour de l’équipe de France et le talent. Regardons d’abord ce qui les unit avant de regarder ce qui les sépare.
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Les présidents du Top 14 ont-ils raison de s’inquiéter des réformes voulues par Bernard Laporte ?
Le problème de leur inquiétude, c’est qu’ils avaient leurs petites habitudes et leurs petites combines. Ils avaient chacun placé un mec à eux à la Fédé. Là, tout est chamboulé donc ils sont vachement inquiets. Tout leur équilibre repose là-dessus, sur le fait qu’ils aient des gens en place un peu partout. Là, tout a changé. Il va falloir s’y habituer. C’est marrant mais dans le rugby, on va peut-être avoir de la justice, des gens intègres. On ne sera pas dans la petite politique des arrangements entre copains. Tout ça, c’est terminé. Il va peut-être falloir se lever le matin et s’investir. Ça va être plus dur. Certains, ça les énerve. On le sent bien. Dès qu’il n’y a pas quelqu’un à eux, ils gueulent. Il va falloir s’habituer à travailler différemment, sans les copains, sans les messes basses, sans les petites combines. Bernard Laporte a été élu. C’est con pour vous, mais il va falloir travailler comme ça maintenant. Tous vos petits avantages, que vous avez depuis 30 ou 40 ans par vos petites connivences, vos petits pactes secrets, tout ça, c’est mort. C’est mort un samedi de décembre, d’un seul coup. Il faudra vous y faire.
Votre avenir au RCT se précisera-t-il toujours le 15 décembre ?
Le 15 décembre, j’ai dit ça comme ça. Ça peut être le 15, le 10, le 20... Je verrai. J’ai une décision à prendre et je la prendrai. Aujourd’hui, je ne l’ai pas prise. Mais elle sera prise. Je vais décider, le moment est venu. Soit j’écoute un peu ce qu’on me dit et je repars. Mais si je repars, ça sera d’une façon différente, dans un modèle différent. Il y a quelque chose à reconstruire. Soit je vais vivre une autre vie. Mon seul problème, c’est qu’il me reste quelques années à vivre et c’est de voir comment j’ai envie de les vivre. Je ne calcule pas ce que je vais faire entre 90 et 130 ans. Je calcule ce que je vais faire pendant les prochaines années. Et quand je dis les prochaines, j’espère que le « s » est nécessaire. On vit quand même à une époque qui n’est pas sympa à vivre. Les stades se vident. Ce n’est pas agréable. Au foot, au rugby, depuis le 13-Novembre, ce n’est pas pareil.
L’ambiance a changé…
Il y a quelque chose qui s’est cassé dans les stades. Il y a une ambiance qui est partie. Je suis un peu en manque de tout ça et en recherche. Si c’est pour vivre dans le passé, ça ne m’intéresse pas. Ce serait bien que les supporters reviennent au stade, qu’ils mettent de l’ambiance, qu’on s’amuse, que ça soit festif. Je sais que les temps sont difficiles. Soit ces nouveaux horaires télés nous ont tué le live du rugby, donc qu’on nous le dise et qu’on modifie l’économie du rugby vers les droits télés comme le foot. Mais dans ce cas-là, il va falloir renégocier avec Canal. Soit on a perdu une partie de notre ADN et c’est un peu dommage. Il n’y a plus de délocs. On va aller à Marseille, j’espère que ça bien marcher. Le Stade Français, il y a quelques années, faisait 80 000 spectateurs au Stade de France. C’était blindé. On n’a plus cette ferveur-là. C’est une des responsabilités de Bernard (Laporte) de nous aider à la retrouver.
Etes-vous satisfait de votre nouvel entraîneur, Mike Ford ?
Dans le rugby, ce n’est pas compliqué. Un jour, tu es satisfait. Le dimanche d’après, tu ne l’es plus. J’attends d’être satisfait deux dimanches de suite. Pour l’instant, c’est un dimanche oui, un dimanche non. J’aimerais bien l’être deux de suite. Il s’implique. Il est en train de changer le jeu toulonnais, c’est clair. Est-ce qu’il a les joueurs par rapport à son projet de jeu ? J’espère. Il faut d’abord qu’il rentre du monde lui aussi. Mais pour l’instant, je suis satisfait. Mais comme Guy Novès, si demain on perd six matchs de suite, je ne connais pas un entraîneur, à part dans un club, qui ne saute pas.
L’avenir de Fabien Galthié vous intéresse-t-il toujours ?
Non, absolument pas. Je pense d’abord que si demain, Novès devait quitter l’équipe de France, Galthié serait dans les favoris. Si ce n’est le favori. Et ce ne serait pas volé. Donc Galthié, aujourd’hui, ce n’est pas un pari sur l’avenir pour un club. Et puis j’ai un staff. Pour l’instant, on est 3e du Top 14. On a un jeu en construction. Laissons finir la construction avant de tout détruire, si besoin de détruire il y a. Je suis avec Mike Ford et Marc Dal Maso, point barre. Je ne regarde pas ailleurs. Même si j’ai appris avec tristesse que Gonzalo Quesada quittait le Stade Français, ce n’est pas la peine de l’envoyer à Toulon.
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