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E.Jones face à Saint-André : "J'adore regarder jouer Clermont et Bordeaux-Bègles, les autres beaucoup moins"

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L’Angleterre reçoit la France ce samedi (17h50) lors de la première journée du Tournoi des VI Nations. Ancien sélectionneur des Bleus (2011-2015), Philippe Saint-André a rencontré l’Australien Eddie Jones, coach du XV de la Rose depuis 2015, pour une interview diffusée sur SFR Sport. Discussion à bâtons rompus entre deux hommes qui se connaissent bien.

Philippe Saint-André : T'attendais-tu à ces 13 victoires en 2016 ?

Eddie Jones : Tu ne peux pas commencer la saison en te disant que tu resteras invaincu. Mais tout le monde a toujours dit que l'Angleterre avait une bonne équipe, de bons joueurs.

Philippe Saint-André : Quelle est la première chose que tu as changé pour que l'Angleterre augmente son potentiel de 5 à 10 % ?

Eddie Jones : Il était important d'être clair avec les joueurs sur la façon dont nous voulions jouer. On devait simplifier notre jeu. On leur a dit les endroits où nous voulions être bons. Soyons bons là-dessus, et ensuite, on ajoutera des détails au fur et à mesure. On s'est concentré sur la conquête et la défense, et on a construit l'attaque là-dessus.

Philippe Saint-André : Pourquoi as-tu choisi Dylan Hartley comme capitaine de ton équipe ? 

Eddie Jones : Je me rappelle des équipes françaises et celles dans lesquelles tu as joué. Dans ces équipes-là, le capitaine était toujours le talonneur. Il mène toujours la charge. Cela a changé l'équipe. Cela ne doit pas être forcément le meilleur joueur, mais le leader. C'est le cas de Dylan.

"Les aptitudes de jeunes joueurs comme George Ford ou Owen Farrell sont juste incroyables"

Philippe Saint-André : As-tu été impressionné par les aptitudes des joueurs anglais ?

Eddie Jones : Il y avait encore beaucoup à faire. Nous en faisons toujours, particulièrement avec les ailiers. On insiste sur le fait qu'ils doivent prendre le ballon et courir le long de la ligne, car les clubs anglais sont obsédés par le jeu en profondeur. Le rugby, pour moi, a toujours été d'attaquer et prendre les espaces. Nous voulons préserver cette notion d'espace et rester dans ce qui se fait dans le rugby anglais. Nous avons travaillé sur le fait d'attraper le ballon et de le passer. Mais les joueurs sont talentueux et ont appris cela très rapidement. Les aptitudes de jeunes joueurs comme George Ford ou Owen Farrell sont juste incroyables.

Philippe Saint-André : Tu avais dit qu'ils étaient prêts pour le rugby européen, mais pas pour le rugby mondial ?

Eddie Jones : C'est la vérité.

Philippe Saint-André : Explique-moi pourquoi ?

Eddie Jones : Si vous regardez les matchs des clubs en Europe, c'est généralement lent. Le tempo s'améliore cette saison, cela s'améliore beaucoup. Les équipes commencent à jouer avec davantage d'intensité. Du coup, nos joueurs étaient prêts pour jouer des matches avec beaucoup de temps morts, mais pas pour des matches au tempo élevé, où les efforts se répètent. Nous n'avons pas fait beaucoup de physique pur à l'entrainement. On a juste augmenté l'intensité et cela a augmenté la condition physique des joueurs.

"Leur rugby est généralement lent et trop orthodoxe"

Philippe Saint-André : Ton préparateur physique va aussi dans les autres clubs d'Angleterre pour suivre les joueurs ?

Eddie Jones : Oui, nous travaillons avec les clubs. On demande aux joueurs des sessions en extra pour les préparer à l'intensité des matchs internationaux.

Philippe Saint-André : Après, tu travailles beaucoup plus dur pour trouver la technique et la bonne décision ?

Eddie Jones : On travaille avec le ballon. Nous faisons une session le mardi très physique. Et le jeudi, nous travaillons à très haute intensité, supérieure à celles des matchs. On travaille environ 80 minutes en tout, entre ces deux sessions. 45 minutes le mardi et 35 minutes le jeudi. Et ces 80 minutes nous donnent l'intensité nécessaire pour le match.

Philippe Saint-André : Tu regardes le Top 14 ?

Eddie Jones : Oui, un peu. J'adore regarder jouer Clermont. J'adore leur style. Bordeaux-Bègles également. Les autres, beaucoup moins.

Philippe Saint-André : Pourquoi ?

Eddie Jones : Parce que pour moi, leur rugby est généralement lent et trop orthodoxe.

"Il y avait vraiment de vilains garçons parmi les Australiens"

Philippe Saint-André : Tu es toujours un jeune coach (57 ans), mais qui a beaucoup d'expérience… Tu es meilleur que lorsque tu t'occupais des Saracens il y a quelques années ?

Eddie Jones : Je continue toujours d'apprendre. C'est ce qui est bien avec le rugby, tu apprends toujours car le jeu évolue en permanence. J'essaie de changer aussi. En tant qu'entraîneur, tu ne deviens jamais un produit fini.

Philippe Saint-André : Les gens en France ne te connaissent pas bien. Tu as entraîné l'Australie, le Japon, maintenant l'Angleterre. Tu étais avec Jake White quand l'Afrique du Sud a remporté la Coupe du monde… Quel est le pays le plus facile à entraîner ? 

Eddie Jones : Les plus difficiles sont les Japonais, car ils n'avaient pas de vécu international. Il fallait leur donner la confiance, les faire travailler et leur donner de la persuasion. On a fini par y arriver. Je n'ai pas croisé beaucoup de joueurs qui voulaient apprendre comme les Anglais.

Philippe Saint-André : Et les Australiens ?

Eddie Jones : Les joueurs australiens sont plus difficiles car ils répondent davantage. Il y avait vraiment de vilains garçons.

Philippe Saint-André : L'Australie te manque ?

Eddie Jones : Le climat me manque.

Philippe Saint-André : Tu aimes la vie en Angleterre ?

Eddie Jones : On a une belle vie, les gens sont polis. Londres est une superbe ville, c'est une ville très cosmopolite et multiculturelle. Il y a des théâtres, de grandes arènes de sport. C'est super d'être dans une aussi grande ville que Londres.

Philippe Saint-André : On commente sur SFR Sport tous les matchs du championnat anglais, je vois de la qualité. Tu vas toujours seul superviser les équipes. Pourquoi ?

Eddie Jones : Je pense qu'il faut regarder un match seul. Je ne veux pas être influencé par qui que ce soit. Tu dois voir ce qu'un joueur fait avec le ballon et ce qu'il fait entre les actions, sans le ballon.

"La France va être une équipe dangereuse"

Philippe Saint-André : Que penses-tu du match contre la France dans le Tournoi des VI Nations ?

Eddie Jones : Avec tout ce que j'ai vu de la France... Ils auraient dû battre l'Australie. Ils auraient pu battre la Nouvelle-Zélande. Sans l'interception de Beauden Barrett et sans son coup de pied, alors la France aurait pu gagner. Ils ont une grosse équipe, Ils sont athlétiques. Leur style de jeu correspond plus à l'ancien style français, avec une équipe qui déplace le ballon. Ça va être une équipe dangereuse.

Philippe Saint-André : Tu as peur ?

Eddie Jones : Non je n'ai pas peur. Mais on va devoir jouer vraiment très bien.

Philippe Saint-André : Tu as déjà ton plan de jeu ?

Eddie Jones : Oui. On a une bonne idée de ce que l'on doit faire. Ils ont des qualités, on a des qualités. On va tout faire pour neutraliser leurs armes et utiliser les nôtres. Ça va être un grand match !

Philippe Saint-André : Comment juges-tu le Tournoi des VI Nations ?

Eddie Jones : Je pense que l'atmosphère est fantastique. Rien n'égale le Tournoi. L'atmosphère entre ceux qui se déplacent et ceux qui reçoivent permet d'avoir un bon mélange au niveau de l'ambiance.

"Un gros challenge pour nous de produire autant de joueurs de qualité"

Philippe Saint-André : Quelle est la clé pour le prochain Mondial ?

Eddie Jones : Il faut que l'on joue beaucoup au large. Les équipes qui attaquent ont l'avantage. Il y a beaucoup de ballons rapides et parce qu'il y a ces ballons rapides, il y a beaucoup d'espaces. Les défenses sont étirées. La clé n'est pas d'améliorer l'attaque, mais comment la défense peut contrer ces attaques rapides. Ce sera la clé pour la prochaine Coupe du monde.

Philippe Saint-André : Combien de joueurs penses-tu amener au plus haut niveau pour la Coupe du monde ?

Eddie Jones : Je pense que tu as besoin d'une quarantaine de joueurs, au moins trois par poste. Tu as besoin qu'ils soient opérationnels à chaque match pour faire leur job. Ils doivent prendre les bonnes décisions quand ils sont sous pression mais c'est difficile de trouver ces joueurs, même pour la Nouvelle-Zélande. C'est un gros challenge pour nous de produire autant de joueurs de qualité.

Philippe Saint-André : Où iras-tu après l'Angleterre ?

Eddie Jones : En France. Dans un endroit chaud !

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