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Tournoi des VI Nations: "Faire trop de changements serait compliqué", explique Laurent Labit avant France-Ecosse

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A trois jours de la venue de l’Ecosse et après la déconvenue en Irlande, Laurent Labit, l’entraîneur de l’attaque du quinze de France réaffirme sa confiance envers les joueurs alignés depuis le début du Tournoi des VI Nations. Il détaille ce qui n’a pas fonctionné en Irlande et dit pourquoi il s’attend à un match difficile, face à un Finn Russell, l’ouvreur écossais qu’il connaît bien.

Laurent Labit, comment s’est déroulé la semaine et vos retrouvailles, après la défaite en Irlande et une semaine de coupure ?

Ça a été une semaine très riche encore. Depuis que nous avons pris cette mission avec Fabien, on vit toujours des semaines assez incroyables et riches, après ce grand match en Irlande. On avait joué à huis clos il y a deux ans, ce n’était pas du tout la même saveur. Là, on savait qu’on aurait un vrai test, grandeur nature. Avec ce chaudron, ce public et face à nous la meilleure équipe au monde. Donc nous avons eu de la matière à débriefer. Ils ont eu la semaine de repos mais on avait demandé aux joueurs de travailler sur le match. Ils sont revenus avec beaucoup d’enseignements. Ce sont ces genres de matchs, même si on aurait aimé une autre issue et rester sur notre série, qui vont nous emmener sur notre parcours vers la grande échéance qu’on attend tous.

A chaud, Fabien Galthié avait déploré le fait d’avoir beaucoup joué dans votre camp. Comment, à froid, l’analysez-vous et que demandez-vous à vos joueurs comme correction pour l’Ecosse ?

On demande ce qu’on demande depuis le début. Chaque match a son histoire. C’est ce qu’on leur dit. Je reviens sur ce contexte, qu’on savait difficile. Les joueurs étaient dans de bonnes dispositions. Mais en infériorité numérique, par moment, on a laissé un peu trop d’énergie, en essayant de tenir le ballon. On sait qu’on peut le payer. Et en 2e mi-temps, on est resté pendant dix minutes dans leur camp et à 22-16, ça aurait pu basculer. Mais il nous a manqué de la lucidité, d’être plus justes dans nos choix. C’est ce qu’on a revu avec eux. Ça va nous servir pour les mois qui arrivent. Ça ne changera pas notre façon de jouer et de construire les matchs.

On évoque souvent la dépossession, la repossession… où en êtes-vous dans votre stratégie ?

Il faut savoir que l’Irlande a tapé plus dans le ballon que nous. Ils doivent aussi utiliser la dépossession. Mais on dit qu’ils jouent bien. Ce qui est vrai d’ailleurs puisqu’ils sont numéro un mondial. Mais ils utilisent mieux le jeu au pied. Ils ne veulent pas se mettre en danger et rendre le ballon inutilement. Ils tapent au pied plus haut sur le terrain. Beaucoup d’équipes fonctionnent comme ça. Nous, ce qu’on veut, c’est ne pas rester longtemps dans notre camp. Ça demande beaucoup d’effort pour conserver un ballon. Sans parler de la discipline, où on peut se faire pénaliser, sur un retard ou un mauvais choix. On préfère avoir de l’énergie plus haut sur le terrain. C’est ce que les Irlandais ont très bien fait. Donc c’est riche d’enseignements, car avons équipe jeune. C’est pour ça qu’on veut les "caper", pour qu’ils acquièrent plus d’expérience dans ce genre de match. Ce qu’avaient nos adversaires ce jour-là. Avec une équipe très expérimentée, qui même si elle a vacillé, a réussi à aller chercher ce match. Et nous, on a appris. En voulant peut-être bien faire, en voulant à un moment montrer ce qu’on était capable de faire, et qu’on a bien fait avec l’essai de Damian, on a pris beaucoup de risques. Avec beaucoup de difficultés physiques, dans notre camp. Beaucoup de séances où on a gaspillé de l’énergie.

"Dupont, c’est le capitaine, le meilleur joueur au monde, c’est pour cela qu’il est sur le terrain"

Il y a-t-il un peu de vexation, d’envie de revanche au moment de retrouver les Ecossais ?

C’est un autre match, une autre histoire. Les Ecossais aussi ont des principes, différents des Irlandais. Mais les joueurs ont encore envie de repartir sur une nouvelle série, une nouvelle dynamique, à gagner dans ce VI Nations. La compétition n’est pas terminée. On verra ce que feront les Irlandais contre l’Angleterre. Il y a encore des choses à aller chercher. Les joueurs étaient les premiers déçus et frustrés à la fin du match à l’Aviva. Ils savaient très bien pourquoi on n’avait pas réussi, dans un match incroyable, à 46 minutes de temps de jeu effectif.

Vous n’envisagez vraisemblablement pas d’effectuer des changements avant l’Ecosse. Confiance absolue dans vos titulaires ?

On l’a dit, on a confiance en nos joueur. On a des joueurs, comme Fabien (Galthié) l’a dit, qui sont venus chercher le maillot. Des fois, ils ont le droit d’être moins bien. Vous jugez qu’ils ont été moins performants, en tous cas, ils sont au niveau qui nous satisfait. On sait qu’ils peuvent faire beaucoup plus et qu’ils le feront. On sait qu’à ce niveau, c’est très difficile. Et faire trop de changements serait compliqué. On partirait, à chaque fois, sur une nouvelle page blanche. Et on tient à avoir cette continuité, que ce soit avec les joueurs qui démarrent, les finisseurs, ou sur notre groupe des 42 et notre méthode.

A ce sujet, Antoine Dupont a disputé l’intégralité des deux matchs. N’y a-t-il pas un risque d’être trop dépendant de lui ?

Je ne connais pas une équipe ou une nation qui, quand elle a avec lui le meilleur joueur au monde, ne le mettrait pas sur le terrain. Que ce soit avec son club, avec l’équipe nationale, personne ne ferait ça. En novembre, il n’a fait que deux matchs avec nous, puisqu’il a été suspendu. Et même pas tout à fait deux matchs. Donc, après, comme on ne le prend pas en juillet sur les tournées pour qu’il se repose, il reste donc les cinq matchs du tournoi. C’est le capitaine de l’équipe, le meilleur joueur au monde, c’est pour cela qu’il est sur le terrain. Après les circonstances de match, de jeu, font que bien sûr son remplaçant aimerait rentrer. Mais, c’est bien d‘avoir son capitaine sur le terrain quand les décisions vont être à prendre sur le jeu ou avec les arbitres.

"Russell, on dirait qu’il s’en fout, mais pas du tout"

En face de vous dimanche, il y aura Finn Russell. Comment qualifieriez-vous ce joueur ?

Déjà, j’ai beaucoup de plaisir à le retrouver. Je l’ai entraîné deux ans au Racing. Je l’avais recruté justement pour ses qualités, mais aussi pour ses défauts. C’est un joueur extraordinaire, qui fait venir les gens au stade. Il a un côté où il s’amuse sur le terrain. Il est conscient de l’évènement, des choses. Car des fois, on pourrait croire que ça ne l’intéresse pas de gagner. Mais bien au contraire. C’est un stratège, un compétiteur. Vous le voyez en match, mais la semaine, il est pareil. Dès qu’il met le pied sur le terrain, c’est comme un gosse qui va à la récréation. Dès qu’il y a un ballon, il est partout, il ne s’arrête jamais. S’il rate, il va essayer de le refaire. Mais toujours avec le sourire. Donc on dirait qu’il s’en fout, mais pas du tout. C’est un très grand joueur et je pense que c’est pour ça aussi que l’équipe d’Ecosse est là aujourd’hui. Pour ces joueurs comme Finn, Stuart Hogg, comme Ritchie. Leurs meilleurs joueurs sont à leur meilleur niveau et c’est pour cela qu’on aura un match difficile dimanche.

Cette équipe d’Ecosse arrive à Paris invaincue. Que pensez-vous de ses performances ?

On a toujours dû faire attention à cette équipe-là. C’est la seule équipe qui nous a battu deux fois dans le Six Nations en trois ans. C’est une équipe très athlétique. Donc on sait ce qui nous attend dimanche. Et ça met encore plus en valeur notre victoire l’an dernier chez eux, avec 36 points et 6 essais marqués (17-36, ndlr). La plupart des observateurs avaient trouvé ça normal, mais ça ne l’était pas ! L’équipe d’Ecosse est une très bonne équipe, son sélectionneur Greg Townsend fait du très bon travail et on va le voir dimanche, on aura un match très difficile. Ils vont faire un très beau Six Nations et on est contents de ne pas les avoir en poule en Coupe du monde.

Propos recueillis par Wilfried Templier