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Tournoi des VI Nations: les raisons d’y croire pour le XV de France

Mathieu Jalibert - Maxime Machenaud

Mathieu Jalibert - Maxime Machenaud - AFP

Les Bleus entament ce samedi (17h45) le Tournoi des VI Nations face à l’Irlande. Après une douloureuse année 2017 et une longue période d’espoirs déchus, cette édition sera-t-elle l’occasion pour le rugby français de redorer son blason et reconquérir le cœur des supporters? On a tenté de l’imaginer.

La vie de groupe comme une thérapie

Dès le début du stage, le nouveau staff a voulu que le groupe se prenne en main. Concernant le jeu, les principes, les lancements, la défense, les joueurs ont travaillé par ateliers, analysant notamment les points forts de l’Irlande. Ils ont décidé, ensemble, vers quoi l’équipe devait tendre. Une volonté de Jacques Brunel. "Il nous parle, il nous demande notre avis, il y a beaucoup d’échanges par rapport à ça, dit l’ailier Benjamin Fall. Voir notre ressenti aussi avec Jean-Ba (Elissalde), Jean-Marc (Béderède) et Sébastien (Bruno). Il y a énormément de dialogue. Il nous laisse nous impliquer dans ce projet de jeu qu’il nous propose, dans les grandes lignes et en fonction de notre ressenti sur tel et tel lancement, sur tel ou tel point de défense."

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Mais cette volonté a aussi inspiré la vie sociale du groupe. Substantiellement, les entraîneurs ont demandé que les joueurs fassent de cette équipe de France une sorte de club. Qu’ils prennent des initiatives, d’un restaurant en groupe ici, d’un verre partagé là. Et c’est ce qu’ils ont fait. Un peu de "déconne", qui, sous le poids des matchs perdus ces derniers mois, avait disparu peu à peu. D’où la soirée "Qui Veut Gagner des Millions" organisée jeudi soir, avant laquelle Kevin Gourdon, tout sourire en conférence de presse, se délectait de voir Teddy Thomas en maître de cérémonie. Lequel avouait le but pour les Bleus: "c’est de chercher une relation de potes. C’est bien vivre ensemble. On est des privilégiés, mais parfois, Marcoussis c’est joli, mais on aime faire autre chose. Nous sortir l’esprit du rugby, regarder un petit peu ailleurs. Ça ne peut être que positif. Amener une bonne ambiance entre nous."

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Brunel, le paternaliste qui fait l’unanimité

Une personnalité "ronde". Brunel est, jusqu’ici, d’un calme olympien. Que ce soit avec son staff, qu’il mène avec concertation et pragmatisme, ou avec son groupe, qu’il écoute (comme expliqué plus haut), le Gersois promène sa silhouette avec bonhommie et un regard acéré. Il bluffe son monde par sa connaissance rugbystique, à commencer par ses adjoints. Et c’est encore plus vrai avec les joueurs. En témoigne cette sortie pleine de spontanéité du centre du Stade Français, Jonathan Danty: "On peut voir qu’il intervient pas mal sur le terrain, qu’il comprend pas mal le rugby. Franchement, j’étais un peu étonné. Et en plus de ça, il a ce truc qui te fait réfléchir et tu te dis que là tu aurais peut-être dû faire ça, et l’action d’après, tu as pigé et tu mets en place ce qu’il t’a dit de faire avant. Quand j’étais en équipe de France à l’époque, le sélectionneur n’intervenait pas sur le rugby, ne prenez pas d’exercices sur le terrain. Et là, Jacques le fait, et j’étais un peu surpris en effet."

Les Bordelais, eux, ne sont pas surpris. "Oui, ça ressemble un peu à ce qu’on connaît, avoue le pilier Jefferson Poirot. Après, il est forcément en mode sélection, il n’y a pas autant de temps pour tout expliquer. Mais dans les grandes lignes, ça ressemble." Le sélectionneur a, de son côté, avancé vouloir faire simple: "On a essayé, en quinze jours, de construire un groupe cohérent, de construire des bases sur lesquelles on peut s’appuyer. Alors, ce sont des bases relativement simples, on ne va pas inventer des choses nouvelles. Mais surtout, un état d’esprit, parce qu’on va rencontrer une équipe qui est en confiance." Et lui, pour en redonner à un groupe récemment en souffrance, a insisté sur les points forts de ses joueurs. Méthode Coué ou vraie bonne idée, le terrain le dira.

Personne ne voit la France gagner le Tournoi

Un sondage de nos confrères anglais de Skysport place la France à la dernière place avec l’Italie, pour ce qui est de remporter le Tournoi, avec… 1% de chances! Loin devant, l’Irlande (44%) et l’Angleterre (38%), font figure de sommets de l’Himalaya. Samedi soir, la cote d’une victoire de la France est de trois contre un! Pas pour déplaire à Brunel, qui le prend avec ironie: "Je suis très content! Qu’on ne soit pas bon, qu’on soit nul, qu’on soit mauvais, qu’on soit considéré 5e nation dans le Tournoi, ça me va très bien!" Le XV de France avance masqué, ou plutôt démasqué par des mois de déconvenues sportives, quand sa bonne étoile d’éternelle surprise du monde ovale s’est éteinte. Fini, le "avec les Français on ne sait jamais", même si les Blacks avaient encore eu la politesse de le dire avant le match-test au Stade de France en novembre.

Seulement, la nouveauté (staff et joueurs) entourant les Bleus semble interloquer les Irlandais. Forts de leurs sept victoires consécutives, les hommes de Joe Schmidt ont dû froncer les sourcils et se gratter la tête quand il a fallu se pencher sur ce que les Français, version Brunel, allaient leur proposer. C’est ce que confirme Gerry Thornley, journaliste, grande plume à l’Irish Times: "Joe Schmidt se pose des questions. Les Irlandais aussi, l'équipe aussi. Joe Schmidt adore analyser les oppositions, mais ça doit lui être compliqué d'analyser cette équipe de France parce que c'est une toute nouvelle équipe avec un nouveau staff. Donc personne ne sait de quoi ils sont capables." Suffisant pour créer l’exploit (n’ayons pas peur des mots) face à la 3e nation mondiale? Le mot de la fin à Julien Bonnaire, responsable de la touche et quatre fois vainqueur de cette compétition (dont deux Grands Chelems) en tant que joueur. "Bien sûr que ça peut gagner. Ça reste un match de rugby. On sait que ça peut aller vite en sport. Il ne faut surtout pas se poser de questions. Il faut se donner les moyens de réussir et après on verra. Mais on ne peut pas perdre en ayant des regrets."

Wilfried Templier (avec LD et JFP)