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Les fléchettes et les Etats-Unis, le début d’une belle histoire?

Luke Littler, lors des Mondiaux de fléchettes 2025

Luke Littler, lors des Mondiaux de fléchettes 2025 - Icon Sport

Alors que l’US Darts Masters a battu son plein ce week-end au Madison Square Garden de New York, cette discipline n’a pas encore fait son trou aux Etats-Unis. Quelle est la vision des « darts » par les Américains? Par quels chemin les fléchettes doivent-elles passer pour se faire une place? Des éléments de réponse.

17 millions de joueurs de fléchettes aux États-Unis, ce n’est pas rien. Ce sont en tout cas les chiffres avancés par The Guardian, concernant cette discipline extrêmement populaire dans les pubs de certaines régions du pays aux 50 états. Largement popularisées au Royaume-Uni à partir des années 60, les fléchettes connaissent depuis peu une expansion mondiale, bien au-delà des frontières anglo-saxonnes.

Un jeu de bar

Quelques amis, un bar, une cible, ça y est, vous pouvez jouer aux fléchettes. La majorité des jeux sont électroniques aux Etats-Unis, ce qui accentue l’aspect ‘loisir’ de cette pratique pas toujours considérée comme un sport. Au Royaume-Uni, la majorité des pubs sont équipés de cibles en liège avec des pointes en aciers, comme lors des compétitions officielles.

Et même si vous êtes seuls, aujourd’hui beaucoup de machines sont connectées et équipées de caméras. Ainsi, vous pouvez jouer avec quelqu’un qui se trouve dans un autre endroit à des centaines voire milliers de kilomètres de votre position, à l’image d’une partie de jeux vidéo.

Pas la même culture 'darts'

Demandez à un Américain de jouer avec vous aux fléchettes, il vous répondra: "Cricket ?", où le but est de réussir à faire trois 15, trois 16, trois 17, trois 18, trois 19, trois 20 et trois bulls. Ce mode de jeu est immensément populaire aux USA, bien plus que les ‘traditionnels’ 301 ou 501, mode de jeu utilisé dans tous les tournois internationaux. Et le premier frein à la popularisation de la pratique de fléchettes de façon professionnelle aux Etats-Unis réside sûrement ici. Il faut donner envie aux joueurs américains de laisser de côté leur jeu préféré pour en jouer à un autre, souvent considéré comme beaucoup moins stratégique.

Faire des fléchettes un 'vrai' sport

Pour la grande majorité des Américains, il est impossible de pouvoir gagner sa vie avec les fléchettes. L’enjeu est là. Faire passer les fléchettes d’une discipline à un véritable sport dans les esprits des joueurs. L’US Darts Masters, créé en 2017 à Vegas, puis déplacé à New York en 2022 après deux ans de coupure liés au COVID-19, tente de participer à cette professionnalisation.

100.000 dollars (85.000 euros) de cash-prize dont 30.000 dollars (25.500 euros) pour le vainqueur, un record pour le tournoi américain qui avait toujours redistribué 60.000 dollars (51.000 euros), dont 20.000 dollars (17.000 euros) pour le champion.

Le rôle des diffuseurs

125 millions de livres (145 millions d’euros), c’est ce qu’a déboursé en revanche Sky Sports pour s’octroyer la diffusion exclusive des fléchettes au Royaume-Uni pour 5 ans. Face à la pression de plateformes comme Netflix qui souhaitait intégrer le marché, le média anglais a dû ouvrir le chéquier lâcher pour son deuxième sport le plus populaire, derrière le football mais devant la Formule 1 par exemple.

Aux USA, la « darts » peut compter sur le géant NBC Sports via sa plateforme Peacock, qui diffuse les événements et tournois majeurs de la PDC. La popularisation des fléchettes aux États-Unis dépend aussi du traitement médiatique. Créer des histoires, donner envie aux gens de regarder du contenu, tel est le rôle des médias pour installer les fléchettes dans les foyers du monde entier.

Développer le circuit pro

La CDC (Championship Darts Corporation) est la plus grosse organisation de fléchettes dans la région nord-américaine, et est soutenue par la PDC (Professional Darts Corporation), la plus grande organisation mondiale, équivalente à l’UEFA dans le football. En plus de l’US Darts Masters, tournoi majeur de la PDC, l’Amérique du Nord peut aussi compter sur d’autres rassemblements pros comme la North American Championship ou le CDC Tour.

Mettre en avant ces tournois et les développer semble être la priorité de Eddie Hearn, promoteur d’événement sportifs, notamment dans la boxe, mais est aussi le président de la PDC.

Il a déclaré auprès de CNN qu’il commençait à : « Examiner de très près le marché américain, au point de non seulement créer davantage d’événement, mais aussi une infrastructure, en terme de développement des bases et des niveaux de participation dans le jeu professionnel. »

Il a ajouté, toujours auprès du média anglais, que son plan serait « d’organiser trois à quatre événements mondiaux (à l'image de l’US Darts Masters, ndlr) en Amérique dans le cadre du calendrier mondial du PDC Tour. »

Un Luke Littler américain: l’ultime condition au développement?

La meilleure nouvelle qui soit arrivée au développement de ce sport a été l’avènement du jeune Luke Littler sur le circuit mondial, à seulement 16 ans. C’est la poule aux œufs d’or de la discipline. Le prodige de la « darts » a casser tous les codes en s’invitant en finale de ses premiers championnats du monde en 2023, avant de les remporter un an plus tard à seulement 17 ans.

L’effet Luke Littler sur la popularité des fléchettes dans le monde est indéniable. Beaucoup sont ceux qui se sont posés dans leur canapé lors des fêtes de fin d’année et qui sont tombés sur « The Nuke », un jeune britannique qui aime jouer à Fifa et manger des kebabs, mais qui gagne extrêmement bien sa vie, avec plus d’1.300.000 livres (1,513M d’euros) de gain dans sa -très- jeune carrière.

Alors dans un marché du sport américain saturé par la NBA, la NFL ou encore la NHL, est ce que les darts vont réussir à se faire une place de choix? Est-ce que voir naître un prodige américain est LA condition sine qua non à la bonne santé de la darts en Amérique du Nord?

Hearn à sa réponse: « Une fois que les Américains commenceront à être témoins de la dramaturgie de ce sport et de l’ambiance exceptionnelle qu’il peut nous réserver, ce sera gagné. »

Mathias Gaborieau