Altitude, acide lactique et trèfle à quatre feuilles: les biathlètes français ont "pris leurs repères" à Antholz sur le site des JO 2026

"Que cosa possiamo mangiare ?" De sa passion pour Marco Pantani, Emilien Jacquelin en tire un bon niveau en italien. Suffisant en tout cas pour commander de quoi reprendre des forces avant d'escalader en ski-roues le col du Passo Stale au-dessus du stade de biathlon d'Antholz. Cet après-midi-là, c'est séance de récupération au menu. Attablé avec ses camarades Antonin Guigonnat et Fabien Claude sur la terrasse baignée de soleil du café au pied du pas de tir olympique, les Jeux semblent encore un peu loin.
"Ça manque de panneaux et de signes olympiques", déplore Jacquelin. Il n'y a rien qui montre que c'est les Jeux." "Il y a les panneaux pour la coupe du monde de 2027 mais il n'y a même pas les anneaux olympiques", appuie Fabien Claude. "Il y a Doro quand même", coupe Antonin Guigonnat qui fait marrer tout le monde. Référence au portrait de Dorothea Wierer, la star du biathlon italien originaire d'Antholz, qui s'affiche sur une immense bâche près du pas de tir. "Ça nous rend un peu timides", poursuit grand sourire Jacquelin. "J'ai l'impression de rougir chaque fois que je pense devant mais hormis ça..." Avant, plus sérieusement, d'évoquer ce site "idyllique et le plus beau de l'hiver" sur lequel il a décroché son premier titre mondial en 2020. "On sait ce qu'il se passera ici dans quelques mois. Il y a des gens déjà très, très focus et d'autres qui prennent le stage comme il est. Oui il y a les Jeux, mais avant il y a une saison, des mois de préparation, encore des semaines de boulot à réaliser donc on s'autorise à rêver mais en restant dans le présent."
"On est là pour se projeter"
Un site que beaucoup découvrent en version été, sans la neige et le lac gelé où ils vont skier l'hiver et aujourd'hui couleur émeraude avec la montagne qui se reflète dedans. "Il faut se projeter", avoue le quintuple médaillé olympique de Pékin Quentin Fillon-Maillet en scrutant autour de lui depuis le pas de tir. Ça va faire bizarre de venir ici avec l'ambiance olympique, mais le site on le connait bien!"
"C'est facile de se projeter quand on est sur le site où on a envie de briller cet hiver", rétorque Eric Perrot, le champion du monde l'hiver dernier de l'Individuel. "Je pense qu'il manque encore un peu de décoration olympique. Mais on est là pour se projeter, c'est un peu le but!"
Lou Jeanmonnot termine sa séance d'intensité, l'une des plus importantes du stage, avec le sourire. "Vous, vous aimez bien dire ça, moi non", balaye dans un sourire et avec sa franchise habituelle la deuxième du classement général de la Coupe du monde l'an dernier quand on lui demande si elle s'est un peu imaginée aux JO, quand l'acide lactique lui brûlait le corps pendant la séance. "Oui on y est mais c'est tellement différent. On est sur des ski-roues, c'est très dur, les sensations ne sont pas les mêmes. La piste n'est pas tout à fait la même non plus. La fraîcheur n'est pas du tout la même, le contexte non plus... Il y a beaucoup de choses différentes."
"Dompter" le pas de tir en altitude, mais ne "pas en avoir peur"
Les Bleus ont pris l'habitude ces dernières années de se rendre, quand c'est possible logistiquement, sur le lieu du gros évènement de l'année. "C'est un peu un rituel", explique Simon Fourcade, l'entraîneur des garçons. "On vient s'imprégner un peu du lieu, on se met en condition. Après ce n'est pas comme si c'était un site que l'on ne connaissait pas. On y court tous les ans, on n'est pas totalement dépaysé mais ça permet de venir faire un petit check, prendre quelques points de repères notamment sur l'arrivée au pas de tir qui n'est pas évidente ici."
Un pas de tir "ni facile ni difficile" dixit Lou Jeanmonnot, qui apprécie avoir pu prendre des repères pendant ce stage. Car les 30 cibles placées après une longue descente puis une dernière montée sèche, le tout à 1.650m d'altitude - soit le site le plus haut de la Coupe du monde - doivent quand même se dompter. "L'altitude fait que l'athlète va ventiler plus fort et de manière plus violente", explique Jean-Paul Giachino, l'un des entraîneurs du tir de l'équipe féminine. "Si l'athlète arrive vraiment essoufflé sur le pas de tir, l'arme peut bouger un peu plus et ça devient un peu plus difficile. Ce n'est pas irréalisable mais plus difficile. Il faut le dompter sans en avoir peur."
"Des points de repère que j'aurai à la maison"
Eric Perrot est un adepte de la visualisation. Et il a profité du stage pour parcourir à plusieurs reprises et attentivement l'arrivée dans le stade, modifiée depuis l'an dernier. "La piste passe derrière le pas de tir et c'est toujours bon à prendre même si on connaît le site l'hiver, ça fait d'autres points de repère à prendre. S'imprégner de l'ambiance, du site, de l'environnement, je trouve ça intéressant. L'entrée au pas de tir, l'arrivée, les moments cruciaux de la course. C'est des points de repères que j'aurai à la maison pour patienter en attendant."
Des repères... et des trouvailles inattendues. Avant le début de l'entraînement, Océane Michelon débarque tout sourire avec un trèfle à quatre feuilles dans la main. "Je l'ai trouvé dans un endroit symbolique", lance la révélation de la saison dernière. "Il était dans l'ère d'arrivée du stade! C'est cool! Il est grand et tout beau. Je vais le mettre dans un livre en rentrant pour qu'il sèche bien à plat et il reviendra dans la gourde avec moi pour le reste de l'hiver."
L'équipe de France de biathlon terminera son rassemblement ce week-end par un retour en France à Arçon, dans le Doubs, pour disputer la première étape de Summer Tour, compétition estivale sur des ski-roues.